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Chroniques
Entre putschistes et tortionnaires, on s’éclate !
06/04/2018 | 17:00
4 min

Par Ikhlas Latif

 

La si jeune démocratie tunisienne est-elle à l’abri des extrémismes qui pourraient anéantir le fragile édifice en un clin d’œil ? Ne pourrait-on pas être confrontés à un chaotique retour en arrière faisant que tout ce qu’on a accompli en si peu de temps tombe à l’eau ?

 

En dépit de toutes les difficultés que traverse le pays, plusieurs d’entre nous restent optimistes quant à l’avenir de cette nation. Pourtant, les menaces sont bien là. Elles se manifestent au quotidien au détour d’une conversation puant la nostalgie d’une défunte dictature, rêvant d’asseoir un jour un totalitarisme pur et dur. Elles se manifestent par les aspirations de plusieurs de nos concitoyens à voir ce petit pays instaurer une autocratie islamique, par la dissémination pernicieuse d’une idéologie moyenâgeuse et réactionnaire. Les fascismes sont multiples, mais se ressemblent tous au final, ils tirent leurs forces du peuple et sont portés vers le haut par les hommes politiques.

Et ces derniers jours on a de nouveau eu droit à des sorties édifiantes de nos hommes politiques. On nommera le député démissionnaire de Afek Tounes, Ali Bennour et Imed Daïmi, un abonné des beaux discours. Après, l’élu Kamikaze qui menace de se faire exploser, après le député expert des sucettes et des jambes en l’air, celui sexiste qui insulte sa collègue et la députée qui clame à qui voudrait l’entendre sa virilité, on vous présente le député putschiste et son contradicteur le tortionnaire !

 

Qu’un citoyen lambda appelle à un coup d’Etat militaire passe encore, qu’un député du peuple siégeant à l’Assemblée des représentants, élu démocratiquement par les urnes et par ce même peule, le réclame haut et fort dans les médias est inconcevable, et pourtant ! Exprimant son ras-le bol, Ali Bennour, député de son état et acteur reconnu déclarait sans ciller : « J’espère un jour entendre le communiqué n°1 de l’armée ! J’en ai marre ! J’appelle à un coup d’Etat militaire parce qu’on ne peut plus continuer comme ça ! ». Ne serait-ce pas là un discours fasciste, venant d’un élu qui a prêté serment à protéger la République et ses valeurs, dont la démocratie ? Un élu qui foule aux pieds tous les récents acquis politiques du pays, banalisant le recours à une dictature militaire. Il espère peut-être voir la Tunisie suivre les glorieuses traces de l’Egypte de Abdelfattah Al Sissi.

Il fera un rétropédalage après et s’excusera auprès du président de la République, mais le coup était déjà parti et avec lui transparaissent les contradictions d’une certaine classe politique qui récolte les fruits d’une vie démocratique et aspire à en renverser les principes.

 

Notre député-artiste-putschiste aura suscité l’indignation dans les milieux politiques et médiatiques, mais la réponse de Imed Daïmi est pour le moins qu’on puisse dire criminelle et tout aussi fascisante. Pour défendre les principes de la démocratie bafoués par son collègue, le monsieur n’a pas trouvé mieux que d’appeler à son tour, dans un vocabulaire d’une extrême violence, à pendre par les paupières, à démembrer et à disperser les membres des putschistes dans tous les coins de la République. Un scénario digne du cinéma gore sorti tout frai de l’imagination fleurie de notre député qui se pose en tortionnaire et bourreau. M. Daïmi serait-il un fan de la période de la Terreur ou des méthodes daechiennes ?

Il reste en cela fidèle aux brillantes idées du président de son parti qui parlait de dresser potences et échafauds dans les places publiques pour punir laïcs extrémistes et contre-révolutionnaires, fidèle aux idées des membres de son parti qui envisageaient de prendre les armes après les résultats des dernières élections… Ce même Daïmi, qui se targue d’être un fervent défenseur des droits de l’Homme, n’a pas trouvé mieux que de faire l’apologie de la torture et du meurtre.

 

Devrait-on encore s’étonner des inepties que nous vomit notre classe politique, et plus particulièrement nos députés. La violence et l’extrémisme dans le discours politique ne sont plus à dénoncer, autant que le danger qu’ils représentent. Nous avons dépassé ce stade, sauf que l’impunité semble être la norme.


06/04/2018 | 17:00
4 min
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Commentaires (2)

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sam
| 12-04-2018 11:40
Pour ben nour je pense que l'acteur ne faisait pas appel à un renversement de l'?tats mais plus tôt à une reprise en main du gouvernement actuel dun quotidien devant le relâchement et le non respect des lois de la part de nous tous .il ya aussi la réplique grave et dangereuse de cetains qui ont profite de la situation pour comaitre des infractions est d'une peu d'un changement de régime qui pourrait leurs demander des comptes et peut-être perdre tous aloès pauvre de nous simple citoyen.

Nephentes
| 06-04-2018 19:57
Force est de constater que Tunisiennes et surtout Tunisiens sont en train de gâcher les opportunités offertes par la phase actuelle de transition démocratique

Cette incapacité à assumer collectivement et individuellement la responsabilité d'être Libre et Digne est structurelle, inhérente à la culture de ce peuple pourtant trois fois millénaire

Mais il n'en a pas toujours été ainsi

Pourquoi alors cette impuissance avérée à se comporter comme citoyen responsable ?

La réponse, encore une fois est d'ordre psychosocial; Il y a irresponsabilité collective, immaturité collective.

On ne bâtit pas une Démocratie avec une populace , inculte, acculturée, ne maîtrisant pas les schèmes socioculturels garants de civisme et de respect du Droit;

Cette acculturation et les dérives générées proviennent en partie des migrants intérieurs venus s"installer dans les zones urbaines,

Elle remet indiscutablement en question l'avenir démocratique du Pays, après avoir provoqué l'effondrement de son patrimoine historique et culturel

Le cas advenant , la Tunisie sera un cas d'école