alexametrics
samedi 20 avril 2024
Heure de Tunis : 14:53
Chroniques
Entre le positif et l’autosatisfaction
07/02/2018 | 16:00
2 min

 

C’est un nouveau leitmotiv qui commence à circuler en Tunisie : être positif. Ce nouveau slogan avait été boosté par la conférence donnée par le politologue Jacques Attali qui a recommandé, parmi d’autres choses, d’être positif et de réfléchir de manière positive. Il entendait par là que toutes les décisions qui sont prises aujourd’hui doivent avoir pour principal objet l’avenir et qu’il fallait décider pour le bien des générations futures, et non en fonction d’équilibres actuels ou de préoccupations quotidiennes.

 

Après, particulièrement sur les réseaux et dans le discours officiel, on s’est mis à rechercher toutes les bonnes nouvelles et à les mettre en relief. Parfois même, on leur a fait dire plus qu’elles ne supportaient. Mais il faut aussi dire qu’on en a besoin. Il est clair que l’opinion publique tunisienne est inquiète et n’est pas rassurée sur son avenir. Une impression confirmée par l’ensemble des sondages de la place. Par conséquent, communiquer sur le positif et essayer de redonner de l’espoir et du baume au cœur ne peut qu’être un objectif louable, mais à une condition. Que ce positivisme ne devienne pas un paravent derrière lequel on cache nos problèmes, qu’il ne devienne pas le tapis sous lequel on cache notre poussière.    

 

Il ne faut pas que les dirigeants de ce pays croient à leur propre « mensonge » et qu’ils se mettent à croire réellement que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il ne faudrait pas se laisser happer par le piège facile des « réalisations » et de la « politique bienveillante et éclairée » de X ou de Y.

 

Il faut se rendre à l’évidence, certaines choses sont positives, mais beaucoup sont négatives et désolantes. Sans vouloir être cynique, ni faire le grincheux à qui rien ne plait, il est du devoir de tout journaliste de dire les vérités telles qu’elles sont, sans ambages et sans fioritures. Cette mission se trouve facilitée lorsqu’il s’agit de chiffres. On aura beau se féliciter d’une certaine reprise des exportations, on ne pourra pas occulter le fait que l’inflation est actuellement à un pic historique, 6,9% à fin janvier 2018, nous n’avions pas vu ça depuis 30 ans. On aura beau louer l’expérience démocratique tunisienne et ses avancées politiques, on ne pourra pas cacher que la CPG n’a jamais atteint les chiffres de 2010 et qu’aujourd’hui, elle se trouve carrément à l’arrêt. On ne peut également faire fi de ce nouveau classement néfaste qui nous pend au nez et qui risque de nous placer dans une liste noire de pays ayant des failles stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

 

Le piège du positivisme est l’autosatisfaction. Il ne faut pas non plus tomber dans l’auto-flagellation. Il s’agit là d’un équilibre délicat et fragile qu’il faut trouver. Etre positif peut très vite nous mener à se voiler la face et refuser d’affronter les vérités. Aujourd’hui, nous avons besoin de beaucoup de courage de la part de nos dirigeants et nous avons aussi besoin de pouvoir cerner les responsabilités de manière précise. La démocratie c’est évidemment des élections libres, la liberté d’expression et le respect des droits. Mais c’est aussi le respect et l’application de la loi, c’est également la redevabilité de nos dirigeants et la fin de l’impunité. Au-delà des beaux discours, nous avons besoin de concret et malheureusement dans ce concret, les mauvaises nouvelles l’emportent sur les bonnes. Changer concrètement cette donne est sans doute le principal défi de la Tunisie pour la décennie à venir.

07/02/2018 | 16:00
2 min
Suivez-nous