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Chroniques
Entre la Tunisie et la BAD, c'est je t'aime, moi non plus
27/10/2016 | 15:55
4 min

L’indifférence dans laquelle est partie la BAD en 2014 n’a d’égal que celle de la voir revenir à travers un bureau régional pour l’Afrique du Nord. Quel gâchis !

 

Ainsi, la Tunisie ne serait que pressentie pour accueillir le bureau régional de la Banque africaine de développement (BAD), dans le cadre de la restructuration de l’institution financière multilatérale africaine visant à se rapprocher de ses partenaires-pays par la création de 5 bureaux régionaux. Trois bureaux sont d’ores et déjà identifiés : Abidjan (Côte d’Ivoire) pour la partie occidentale du continent, Pretoria (Afrique du Sud) pour l’Afrique australe et Nairobi (Kenya) pour la région orientale. Concernant l’Afrique centrale,  le choix se fera entre Lagos (Nigéria) et Yaoundé (Cameroun). Reste l’Afrique du Nord. Y avait-il d’autres choix que la Tunisie ? Eh bien, il semble que oui.

 

Le Maroc a opéré un lobbying sans précédent pour amener la banque à opter pour Casablanca, mettant à profit tous ses réseaux au sein de l’institution et même son représentant au sein du Conseil d’administration qui représente aussi la Tunisie et la Guinée.  A l’inverse, nos gouvernants n’ont rien entrepris  pour amener la BAD à de meilleurs sentiments envers la Tunisie. Entre la banque multilatérale et la Tunisie, c’est « je t’aime, moi non plus ». C’est que depuis 2011, les autorités tunisiennes ont considéré la BAD comme un tiroir-caisse et non un véritable partenaire. Pourtant, la banque n’a pas hésité à soutenir le pays dès l’apparition de ses premières difficultés financières.

 

Ayant élu domicile à Tunis depuis 2004 en raison de la guerre civile en Côte d’Ivoire, la banque s’est forgée une connaissance idoine de la réalité du pays. Elle a été la 1ère institution financière internationale à apporter un soutien financier à la Tunisie après les événements de 2011, approuvant un prêt de 500 millions de dollars en juin 2011 sous la forme d’un appui budgétaire, autorisant exceptionnellement son décaissement immédiat, sans attendre la fin des procédures y afférentes. C’est également cette banque qui, dès 2011, a pris l’initiative d’inviter les institutions financières internationales tels la Banque mondiale (BM), la Banque européenne d’investissement (BEI) par le biais de la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI) à soutenir la transition politique et à préserver l’équilibre et le cadre macroéconomique du pays. En 2013, le portefeuille actif de la Banque en Tunisie dépassait 1,1 milliard de dollars ; le 2ème portefeuille le plus important de l’institution financière multilatérale africaine. A cela, il faudrait ajouter les prêts d’appui budgétaire qui atteignaient déjà 1,7 milliard de dinars. L’engagement en faveur de la Tunisie est manifestement conséquent. Il aurait pu l’être davantage pour les années suivantes n’eut été l’alerte émise par les agences de notation sur le risque Tunisie qui pouvait se répercuter sur le risque souverain de la banque elle-même. Voilà le résultat d’une décennie de présence de la BAD dans le pays, nonobstant le fait que, par ailleurs, 75% des recrutements effectués par l’institution financière durant cette période, ont concerné des expertises tunisiennes.

 

A la même époque, l’idée d’un retour de la banque vers son siège historique d’Abidjan a commencé à faire son chemin. Sauf que les autorités tunisiennes n’ont rien fait pour retarder l’échéance alors qu’elles en avaient la possibilité. Or, dans le même temps, le président ivoirien, Alassane Ouatara, n’a pas hésité à offrir un édifice flambant neuf, au cœur d’Abidjan à quelques encablures du siège historique et propriété de la banque, pour accélérer son retour.  Une même proposition aurait pu être faite par la Tunisie pour retenir l’institution financière, d’autant plus que, la BAD lorgnait le siège de l’ex-RCD de l’avenue Mohamed V à Tunis.   

 

On aurait pu se consoler d’un tel départ dans la perspective où, à l’occasion du renouvellement de la présidence de la BAD en 2015, le candidat de la Tunisie accéderait au plus haut poste de l’institution financière. On sait ce qu’il est advenu de la candidature de Jaloul Ayed, balayée dès le premier tour du scrutin. Le soutien des autorités à l’ex-ministre des Finances dans le gouvernement de Béji Caïd Essebsi de 2011 ne s’est manifesté clairement qu’à l’avant-veille du scrutin. Trop tard ! Le gouvernement de l’époque a joué le rôle du lièvre de la fable de Lafontaine, laissant Jaloul Ayed ferrailler tout seul.

 

Cela étant, on comprend mieux, aujourd’hui, l’hésitation de la BAD à installer son bureau régional à Tunis. Elle ne tient pas tant à la situation sécuritaire du pays qu’à l’indifférence des autorités à l’y voir installer. Quel gâchis !

27/10/2016 | 15:55
4 min
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Commentaires (7)

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Walid
| 26-11-2016 21:41
300 fonctionnaires de la banque africaine repart sur tunis l accord est prit depuis des mois

Zymaro
| 31-10-2016 16:49
Bonjour, Comme ancien de la Banque,j'approuve le message de M. Ben ACHOUR. et je rajoute : La banque est venue en Tunisie à cause de la situation en Cote d'Ivoire. Elle ne devait rester qu'1 an maximum. Pourquoi la Tunisie?. Parce qu'elle offrait les meilleurs critères de choix: Habitation, transport, réseau aérien pratique, sécurité.....

DHEJ
| 28-10-2016 11:25
Un PROCES qui a trop duré!!!



Ce n'est pas le POUVOIR JUDICIAIRE par hasard qui cause le grand TORT au pays!!!

Trifa
| 28-10-2016 10:53
L'Administrateur qui représente le Maroc et la Tunisie au sein du Conseil d'Administration de la BAD, représente également le Togo et non la Guinée. Ce même Administrateur n'a pas fait le lobbing pour son pays. Au contraire et sur instructions claires de ses autorités marocaines, il a soutenu officiellement la Tunisie par rapport aux autres pays candidats de la région vu les atouts comparatifs que possède déjà la Tunisie pour abriter le centre régional dont la plateforme et le savoir faire existent déjà après plus de 10 ans d'existence en tant qu' Agence Temporaire de Relocalisation (ATR). L'enjeu est bien entre les mains du Gouvernement actuel qui peut rassurer concrètement la Banque sur l'immunité de ses biens en Tunisie. A cet égard, le procès en cours qui a trop duré et qui oppose la Banque à une entreprise étrangère, constitue la pierre d'achoppement à l'aboutissement du processus de création du Centre régional en Tunisie et devrait être terminé sans délais. Malheureusement, les Gouvernements précédents ont lamentablement géré ce dossier au détriment de l'intérêt du pays.Esperant qu'avec le gouvernement actuel l'on pourrait sauver la face.

Elsa ben Amor
| 27-10-2016 20:25
Tant que la Tunisie reste sous la menace terroriste et tant que les tunisiens ne respectent pas le travail ni la BAD ni qui que ce soit ne peut améliorer notre situation économique .Seuls la discipline et le travail peuvent nous sortir de la crise et rien d'autre . Notre destin est entre nos mains .Il est inutile de chercher des solutions provisoires ailleurs .

Tunisienne
| 27-10-2016 17:03
c'est «Je t'aime» ou plus exactement «J'aime ton argent» !

Avec bien évidemment en toile de fond le racisme légendaire de nos concitoyens toutes classes confondues !

Ce qui donne : «J'aime goulûment ton argent tant que tu es là et puisque tu es là, mais je te dédaigne et ne te calcule pas si tu veux/ dois partir» !

Dr. Jamel Tazarki
| 27-10-2016 17:00
Il faut comprendre que même si notre compatriote Mr. Jalloul Ayed était élu président de la BAD, il n'aurait pas pu offrir des Milliards de dollars à la Tunisie (comme le pensent certains).

Et même si le siège de la BAD retournait en Tunisie, note pays ne serait pas plus privilégié que les autres pays africains.

La BAD est une banque dirigée par des banquiers très intelligents avec de très bons conseillers de toutes nationalités. La conception, le suivi et l'évaluation d'un projet se basent sur une approche purement mathématique/informatique qui suppose la définition d'indicateurs explicites permettant de mesurer différents objectifs ainsi que les résultats à obtenir.

Pour la BAD, il est indispensable de vérifier l'opportunité des projets, c'est-à-dire la mesure dans laquelle les objectifs des projets correspondent aux besoins des bénéficiaires, aux besoins du pays et aux priorités générales.

À l'intérieur de la BAD, tout est observé et contrôlé par le conseil des gouverneurs qui est l'organe suprême de la BAD et par le conseil d'administration. Et ainsi, le Président de la BAD est dans l'obligation de rendre compte de la bonne application des politiques et directives émises par le conseil.

La BAD est une banque qui est très bien structurée et très bien gérée/administrée contrairement à notre système bancaire qui est dirigé en grande partie par des nuls.

Très Cordialement

Jamel Tazarki