Entre endettement et privatisation, il faut choisir
Le Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) se réunit vendredi 23 mars 2018 pour décider à la lumière des conclusions de la 2e revue de programme de débloquer la 3e tranche du crédit élargi accordé par le Fonds à la Tunisie. Une tranche qui aurait dû être servie voila presque un an et qui, implicitement, donne la mesure du retard pris dans l’exécution du programme sur lequel se fonde l’accord de crédit avec le FMI. Il ne faut pas être sorti de la cuisse de Jupiter pour comprendre que le Fonds n’est plus disposé à faire preuve d’empathie face aux problèmes que traverse le pays. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le déblocage de cette fameuse tranche de 320 millions de dollars n’a pu être obtenu qu’à la suite de la décision de la Banque centrale de Tunisie (BCT) de relever une nouvelle fois son taux directeur ; afin de parer aux tensions inflationnistes qui surgissent de toute part, comme l’instillent certains rompus aux rouages de l’institution de Bretton Woods. Au sein du « Board » du FMI, on commence à être exaspéré par les hésitations et autres tergiversations des autorités tunisiennes à appliquer « leur propre programme », ni même à présenter des alternatives crédibles compte tenu des aléas de la conjoncture que subit le pays. Ce nouvel état d’esprit à l’égard du pays est d’autant plus renforcé que les plus importants contributeurs du Fonds, les USA, le Japon, l’Allemagne, la France…, ont marqué une certaine lassitude vis-à-vis de la Tunisie et ses sollicitations. Les Etats-Unis ont fait savoir qu’ils n’accorderaient pas leur garantie en cas d’émission de dette souveraine tunisienne sur le marché financier international. Il en est de même du Japon. Quant à la France ou l’Allemagne, il n’est qu’à constater leur attitude en tant que membres et moteurs de l’Union européenne qui a inclut la Tunisie dans la liste noire des paradis fiscaux et celle des pays fortement exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme, pour comprendre qu’ils sont loin de vouloir fournir une quelconque caution sur le risque Tunisie.
En tout cas, ce déblocage de la 3e tranche du crédit du FMI intervient opportunément. Il va contribuer à détendre sensiblement les tensions budgétaires dans la mesure où les ressources de l’Etat semblent, actuellement, au creux de la vague, quand bien même le ministère des Finances tarde encore à publier l’état mensuel de l’exécution du budget pour ce début d’année. C’est une véritable bouffée d’oxygène en attendant la prochaine suffocation. Ce déblocage va également renflouer le stock de devises qui se situe actuellement à l’équivalent de 75 jours d’importations.
En revanche, il ne risque pas d’atténuer outre mesure le risque du crédit de la Tunisie sur les marchés financiers internationaux alors que la BCT se prépare à émettre pour le compte de l’Etat un emprunt d’un milliard de dollars. La dégradation de la note sur la dette souveraine de la Tunisie par l’Agence de rating Moody’s constitue déjà un signal défavorable adressé aux investisseurs éventuellement intéressés. De plus, le relèvement par la Fed, la banque centrale des Etats-Unis, de son taux directeur est annonciateur d’une perspective de hausse généralisée des taux d’intérêt sur les marchés financiers internationaux. La dernière levée d’emprunt opérée par le pays, il y a un an, sur le marché européen n’a aboutit à récolter que 850 millions d’euros au taux de 6,75% et une maturité de 7 ans. Il y a un an, le taux d’intérêt directeur de la BCT était de 4,25% alors qu’aujourd’hui, il est de 5,75%. Compte tenu de ces paramètres, la BCT pourra-t-elle faire mieux lors de la prochaine sortie ? Rien n’est moins sûr, en dépit de l’optimisme affiché par certains cadres chargés du dossier au sein de la Banque centrale croyant naïvement que le niveau actuel des liquidités sur les marchés de capitaux permet de décrocher rapidement le jackpot de 1 milliard de dollars désiré.
Cela étant, il ne fait aucun doute que, désormais, chaque sortie sur les marchés financiers internationaux sera payée au prix fort. Une situation qui doit reposer une fois de plus, et cette fois-ci plus sérieusement qu’auparavant, le choix entre l’endettement ou la privatisation pour satisfaire les besoins de ressources de l’Etat et rééquilibrer les finances publiques. Choisir entre la facilité qui risque d’hypothéquer l’avenir et la difficulté de se séparer de quelques bijoux de famille. Il faut décider clairement, aujourd’hui avant demain.