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Ennahdha : ça redescend quand ça monte !
08/09/2017 | 19:59
5 min
Ennahdha : ça redescend quand ça monte !

Ils ont beau jouer la carte de la civilité de l’Etat, jurer leurs grands dieux qu’ils sont républicains, porter la cravate et peser 69 députés à l’ARP (soit 31,8% de l’assemblée), les dirigeants d’Ennahdha n’arrivent pas à ôter cette image de parti islamiste qui mêle la religion à l’Etat. Le dernier remaniement le prouve, ils ont reçu une belle claque alors que leur positionnement leur laissait croire qu’ils pouvaient imposer leurs choix.

 

Décidément, Rached Ghannouchi ne sait plus quoi faire pour séduire et convaincre ses partenaires politiques et les Tunisiens. Ni son sport intense quotidien, ni son sempiternel sourire et encore moins sa cravate n’ont réussi à faire de lui un chef charismatique capable de fédérer des masses autour de lui. Ce qui doit le chiffonner le plus, c’est qu’il n’arrive même pas à peser suffisamment et se faire entendre auprès du chef du gouvernement pour imposer certains choix.

A quoi sert-il donc d’être le chef du parti théoriquement le plus puissant du pays si l’on n’arrive même pas à faire garder à son poste un ministre ? Pourtant, il y a quelques semaines à peine, Rached Ghannouchi se prenait pour « Bruce tout puissant ». L’interview  de Nessma donnait l’image d’un homme tellement sûr de lui et de la force de son parti qu’il s’est permis de dire au chef du gouvernement d’oublier toute ambition future pour la présidentielle. En dépit des réactions hostiles à cette interview, il n’est pas descendu de sa tour d’ivoire.

A son retour de vacances, durant lesquelles il a profité pour faire un check up complet de son état de santé, il a continué sur la même lancée en demandant à Youssef Chahed de se suffire d’un simple toilettage du gouvernement, plutôt qu’un remaniement.

En termes plus clairs, Ennahdha voulait garder ses ministres à leurs postes, à savoir Zied Laâdhari à l’Industrie et le Commerce et Imed Hammami à l’Emploi. Mais le poste prioritaire qu’Ennahdha ne voulait pas voir touché est sans aucun doute celui de l’Intérieur. On tenait à garder Hédi Mejdoub parce que, disent-ils, il a réussi à maintenir l’ordre et à contrer le terrorisme.

 

Rached Ghannouchi sera-t-il entendu ? Il a beau peser 69 députés et se prendre pour le bon dieu, en face de lui, le président  de la République et le chef du gouvernement le traitent à sa juste valeur : un chef de parti dont le poids est de 31,8% (seulement) et l’influence réelle auprès de « ceux qui comptent » est infinitésimale. A la tête du pouvoir, à Carthage et la Kasbah, on n’hésite même pas à donner des claques subtiles.

Ainsi celle du lundi 4 septembre après l’entretien que lui a accordé Béji Caïd Essebsi. Une simple image, soigneusement choisie par le président lui-même, envoie un message précis à l’opinion publique : on y voit BCE regarder d’un œil sévère Rached Ghannouchi avec une main droite tournée de telle sorte comme pour lui dire : qu’est-ce que tu veux maintenant ?  La vidéo de la rencontre montre pourtant qu’il y a d’autres angles de vue qui auraient pu être pris pour le choix de l’unique photo officielle…

Deux jours plus tard, le remaniement est annoncé. Non seulement il n’y a pas eu de toilettage comme souhaité, mais on a délogé en plus les « protégés » Zied Laâdhari de ses portefeuilles, auxquels il tenait, pour le placer à la tête de la Coopération internationale et Imed Hammami à la tête de l’Industrie et des PME. Les deux ministres d’Ennahdha continuent, certes, à occuper des portefeuilles importants qu’on peut même considérer comme stratégiques, mais le message à leur chef est clair : on fait ce qu’on veut, on n’a pas à accéder à tes desiderata.

Il reste le message le plus important, c’est la nomination de Lotfi Brahem, l’ancien chef de la Garde nationale, à la tête du ministère de l’Intérieur. Il est la bête noire d’Ennahdha et des « révolutionnistes ». Pour contrer son éventuelle nomination, sans pour autant se mouiller ouvertement, le parti islamiste a envoyé son fidèle Imed Daïmi du parti Irada de Moncef Marzouki, faire le sale boulot : une campagne hostile et salissante contre le chef de la Garde nationale. On rappelle qu’il est proche de la retraite, on l’accuse d’avoir des casseroles juridiques, on le traite de larbin du lobbyiste Kamel Letaïef, rien à faire. Ça ne passe pas, car les prétextes sont fallacieux. Déposer une plainte contre un individu sur la base de simples ouï-dire ne fait pas de lui un suspect pour autant au point de le priver d’un poste ministériel. La diabolisation en utilisant la carte Kamel Letaïef, comme si c’était une accusation d’être proche ou ami d’un lobbyiste politique, est un filon épuisé. La vérité est ailleurs et elle est d’ordre politique. Lotfi Brahem est réputé pour son hostilité aux islamistes radicaux, voire aux islamistes tout court, et il fait peur à ceux qui ont des choses à se reprocher. Et à Ennahdha, on en a à la pelle, tout comme à Irada, à commencer par les financements douteux de leurs partis.

 

La dernière claque est incontestablement la plus spectaculaire et elle vient de Béji Caïd Essebsi lors de l’interview accordée mercredi dernier à Hechmi Nouira, directeur du quotidien public Assahafa, soit le matin même du remaniement et durant laquelle il a explicitement dit : « Nous nous sommes dit : au moins, nous contribuerons à ramener Ennahdha au club des partis civils. Mais, il paraît que nous avons fait une fausse évaluation. »

On ne peut être plus clair sur l’opinion de Béji Caïd Essebsi sur son « partenaire ».

Le souci est que ces « claques » arrivent à un moment où Enanhdha se voit, encore une fois, en haut du classement avec l’absolution des laïcs et notamment des deux têtes de l’exécutif, Béji Caïd Essebsi et Youssef Chahed.  

 

Raouf Ben Hédi

08/09/2017 | 19:59
5 min
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Commentaires (17)

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Oussema
| 13-09-2017 16:29
Que l'on veuille ou non il faut l'avouer, le seul parti qui a maintenu son opinion et son organisation c'est Ennahdha dont c'est le parti qui mérite le plus la direction de Tunisie. déja il donne un exemple aux autres partis

kameleon78
| 12-09-2017 18:13
Vous êtes vraiment naïfs, vous croyez que Nahda montre son vrai visage, elle soutient le gouvernement parce qu'elle n'a pas le choix, sinon elle aussi trouverait des difficultés à gouverner sans alliance, ils gagnent du temps en montrant un visage rassurant mais en attendant ils travaillent pour les élections municipales, ils s'en foutent du gouvernement, ce qui compte pour eux c'est de "travailler" la société en profondeur via les mosquées et les associations islamistes afin de prendre le pas sur la société et lui imposer ses dogmes religieux, niqab pour les femmes, barbe pour les hommes, prières dans les mosquées, supprimer la mixité dans les écoles et les administrations, voilà le but de la Nahda, si vous n'avez pas compris ça c'est que vous êtes des imbéciles ou des convertis à la Nahda.

Kamal 85
| 12-09-2017 17:01
Malgré les critiques négatives et destructives , Ennahdha montre toujours une sagesse politique qui l'a aidée à maintenir sa position et sa stabilité dans la scène politique tunisienne. Les derniers propos de BCE étaient complètement contradictoires avec ses anciens propos quand il a affirmé à plusieurs reprises qu'il travaille en partenariat avec Ennahdha. Soutenir le gouvernement était la surprise d'Ennahdha réservée à ses concurrents.

tarek
| 12-09-2017 15:23
chaque fois que Ennahdha montre qu'elle est capable de diriger le pays vous essayez de mettre des obstacles pour les arrêter, vraiment dommage

mohsen
| 12-09-2017 10:55
beji ne veut pas de stabilité pour notre tunisie. il essaye toujours d'engendrer des problèmes pour attirer l'attention et manipuler l'opinion publique . par contre ennadha je trouve qu 'il travaille au faveur de l'intérêt du notre pays

kameleon78
| 11-09-2017 20:25
Tout à fait juste mon cher @saz et votre comparaison avec le modèle saoudien est approprié : les Séoud règnent et gouvernent au niveau des Affaires Etrangères mais ils n'ont aucune mainmise sur la société, celle-ci est contrôlée, gérée par les oulémas, c'est ce que veulent les islamistes tunisiens de Nahda, appliquer le modèle saoudien en laissant le gouvernement aux laïques et eux prendraient en charge la société civile. Bien vu et bien analysé, la seule petite différence c'est que les tunisiens ne se laisseront pas faire contrairement au peuple saoudien soumis à l'autorité religieuse.

Pourquoi faire ?
| 10-09-2017 11:22
Avec la loi JASTA aux USA et la situation économique calamiteuse de la Tunisie, le nouveau rôle dEnnadha est de canaliser les voix des contrebandiers et mécontents du système.
Point. L'ordre de mission pour une fois est clair !
L'accès au pouvoir, c'est fini.
Quelques ministères et magouilles autorisées pour donner de la cohérence au système, mais Fajr Libya et les magouilles turquo-saoudo-quataries, il faudra plus compter la dessus, maintenant il va falloir travailler un peu et ça pour les zozos de lEquipe de barbe à Ghannouchi, c'est pas gagné !
On ne regrettera pas plus Ennahdha que le RCD ou Wassila et Bourguiba. Toute cette époque peut être désignée sans exagération la grande époque de la Racaille et de la Merde !
Même avec la désertification du pays, il sera difficile de connaître pire.
La Tunisie peut en tout cas remercier les USA, la Chine, les pays de l'Union européenne et la grande Russie pour leur excellente gestion des affaires du monde depuis près d'un siècle qui nous font hériter d'un monde en faillite écologique et démographique et d'une Tunisie à l'image de son environnement ...

saz
| 10-09-2017 11:04
Si le but ultime des islamistes est d'islamiser à leur manière la société tunisienne , ils n'ont pas besoin de postes ministériels (trop compliqué!). Leur but actuel s'est de gagner les municipales . A travers les mairies ils pourront dès lors , notamment en faisant intervenir le clientélisme, décréter des lois municipales sans avoir à passer par l'ARP: quadrillage des villes par des mosquées, interdiction de la vente d'alcool,, contrôle des moeurs voir des tenues vestimentaires sur la place publique, gestion des crêches et j'en passe. Un peu comme ce qui se passe chez les Saoud où les religieux contrôle la société sans interférer aucunement dans les affaires du gouvernement. C'est d'ailleurs l'objet d'un deal entre les religieux et la famille régnante.
Peut on en arriver là en Tunisie?

Zug
| 10-09-2017 10:05
Énorme héritage morbide hérité de Bourguiba puis de Ben Ali!

Oracle
| 09-09-2017 14:06
Vous aimez apparamment construire des chateaux en Espagne ! Il suffit que le Bon Dieu se decide d appeller Caid Essebssi aupres de lui, chose qui peut arriver a tout moment avant 2019, pour que votre chateau de cartons s effronde beaucoup plus vite que celui de Nida malgre Essebssi a Carthage.Il suffit de la disparation d Essebssi ou d un echec probable aux elections prochaines pour que le solide edifice d Ennahda se mette en marche .La survie de ces ministres depend uniquement d Essebssi alors que la survie d Ennahda depend de ses solides structures implantees dans tout le pays et non d un Rached Ghannouchi, Ces ministres tres bientot ephemeres ne faconneront surtout pas l avenir ni proche ni lointain du pays. Alors n allez pas trop vite...