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En Tunisie, la science et le savoir sont humiliés !
11/04/2017 | 19:59
5 min
En Tunisie, la science et le savoir sont humiliés !

Un docteur, c’est plus de 10 ans d’études après le Bac, des publications scientifiques sur des revues mondialement reconnues, un nombre d’heures incalculables passées à étudier pour comprendre l’univers qui nous entoure. Il s’agit de personnes dont la valeur n’est plus à prouver !

En Tunisie, ces personnes luttent pour leur survie, beaucoup d’entre elles, fuient le pays. On parle alors de fuite des cerveaux. Ce mois de mars 2017, docteurs et chercheurs tunisiens ont manifesté en masse dans les principales villes, pour dénoncer l’humiliation publique qu’ils subissent. Est-ce là un signal de la faillite définitive et irréversible d’un système ?

 

« Nous avons entre 35 et 45 ans. Plusieurs d’entre nous sont sans travail depuis des années. Vous nous demandez d’attendre les réformes, mais moi, je me demande quand est ce que je vais commencer à produire ce pourquoi j’ai été formé pendant plus de 30 ans ! Je suis presque à l’âge de la retraite à présent ». C’est en criant, qu’un docteur en biologie a clamé ces mots hier, lundi 10 avril, dans la salle Ahmed Zouaghi, de la Faculté des Sciences de Tunis. En face de lui, le secrétaire d’Etat chargé de la Recherche scientifique, Khalil Amiri.

 

Cette entrevue qui avait été prévue suite aux manifestations qui ont éclaté le 13 mars à Bizerte, Sfax et dans plusieurs autres villes, devait mettre face à face docteurs et responsables ministériels ainsi qu’élus de l’Assemblé des représentants du peuple (ARP). Objectif, discuter des futures réformes annoncées par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et des mesures qu’il faut prendre d’urgence en faveur de milliers de scientifiques tunisiens aujourd’hui sur la sellette.

Au final, des professeurs universitaires de renom comme Amel Gaied, qui ont donné de leur vie pour former les docteurs et chercheurs présents dans l’amphithéâtre, ont eu comme unique interlocuteur M. Amiri. Les élus ne se sont pas présentés à la plénière ! Tour à tour, les présents ont pris le micro et ont essayé d’expliquer leur désarroi. Il en a résulté un plaidoyer glaçant !

 

Sans couverture sociale aucune, avec une bourse d’étude de 250 dinars par mois qu’il percevront seulement durant les 3 premières années de leur parcours, les doctorants en Tunisie n’ont toujours pas de statut légal. Sur leur carte d’identité il y a écrit : « travailleur journalier », au mieux « prestataire de service », s’ils ont la chance de travailler dans un laboratoire sous-équipé de la faculté. « Une honte pour la République » s’est écrié un chercheur lors de son intervention : « Je ne sais pas si dans ces conditions on pourra parler encore de recherche scientifique ».

 

Depuis 2010, la faculté tunisienne a formé quelques 4.000 docteurs dans différents domaines. Aujourd’hui, plus de 3.000 sont au chômage ! Jugés surqualifiés pour des postes en entreprise, ces scientifiques, reconnus comme tels par des instances internationales, attendent désespérément dans le noir, des fonds débloqués par l’Etat dans le but de faire de la recherche.

 

Lors d’une interview accordée à Business News en décembre 2016, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Slim Khalbous, avait déclaré : « La recherche scientifique ne manque pas d’argent, elle manque de bonne gouvernance ». Sur ce point, M. Khalbous explique que quantitativement le budget a baissé de peu.

 « Mais là n’est pas le problème ! Le vrai problème est celui de la gouvernance. Nous avons aujourd’hui des centaines de millions de dinars qui ont été attribués à la recherche durant les 5 ou 6 dernières années. Cet argent est aujourd’hui bloqué dans des comptes et on n’arrive pas à y accéder vu les différents blocages bureaucratiques. C’est aberrant toute cette standardisation et règles de l’administration publique que nous avons. Ça nous freine ! Réformer la gouvernance publique est par ailleurs une des priorités de ce gouvernement ».

 

Evoquant cette standardisation « dangereuse », le professeur en génétique, immunologie et pathologie humanitaire au sein de la Faculté des Sciences de Tunis, Amel El Gaied, a expliqué qu’au jour d’aujourd’hui, la loi reconnait seulement les tests génétiques effectués par des médecins, alors que ce type de tests est, selon la science, du ressort des généticiens et autres chercheurs en laboratoires. « Nous sommes les plus qualifiés pour faire ces tests et nous trouvons ça aberrant que la législation ne le reconnaisse pas » a-t-elle dit devant ses anciens étudiants.

De cette matinée « discussion », les docteurs et professeurs ont finalement demandé au secrétaire d’Etat présent, de faire parvenir leurs voix aux responsables. Ils demandent, légitimement, de prendre part aux commissions qui doivent être mises en place pour démarrer les réformes. Sans leur contribution, il parait évident que leur portée sera limitée.

 

Les meilleures universités tunisiennes sont aujourd’hui classées à la 948ème place du « ranking » mondial. Avec 281 laboratoires de recherches souséquipés concentrés dans les grandes villes et un budget de recherche de 330 MD, le secteur est sinistré. Loin derrière l’Arabie Saoudite et proche du rang de l’Ethiopie en la matière, la Tunisie est condamnée à rester à la traine des nations. Face à cette situation, le discours politique dans lequel on parle de remplir « les couffins des Tunisiens » ou encore d’un fond « Karama », est humiliant, font savoir nos scientifiques. Hier, l’élite du pays a été ignorée par les élus de la République. Le moral est à plat !

 

11/04/2017 | 19:59
5 min
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Commentaires (18)

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Turlututu
| 13-04-2017 11:43
Bonjour,

Oui, le savoir n'a pas bonne réputation en Tunisie. Il est même méprisé.
Un secteur porteur en ce moment : l'imamat, des postes à pourvoir au Ministère des affaires religieuses qui monte en puissance. Y'a pas besoin d'avoir le bac, quelques formules incantatoires et un peu de sorcellerie, une barbe ou une demi barbe à votre discrétion selon le poste que vous convoitez. Une djellaba, des babouches, un chapelet à la main et un petit Coran vous assureront bonheur et prospérité. C'est tout même pas donné à tous le monde non plus, il faut avoir le profil qui va bien : Être faux-cul au plus haut point et excellé dans "l'art" de l'hypocrisie et la sournoiserie.

people
| 12-04-2017 19:51
La terre est plate est une nouvelle découverte qui contredit les recherches aérospacales,astonomiques et la science des planètes. Elle remet en cause Galilet, Archimède, Einchtein et tant d'autres.
Est-ce la confirmation qu'on rentre dans l'ère (je voulais écrire (aire) de la médiocratie révélée par le chercheur canadien d'Alain Deneault?

Hamed
| 12-04-2017 18:40
Jusqu'à ces dernières années, le savoir et la compétence de ses cadres était la principale richesse de la Tunisie.

ali
| 12-04-2017 15:20
Et la religion juive n'encourage pas le savoir?Les plus grands génies de l'humanité,y compris à l'époque islamiques,sont juifs.Vous pensez que l'islam encourage le savoir plus que les européens eux même?On juge Si une religion encourage ou pas le savoir sur le terrain et pas sur ce qui est écrit dans un livre!!!!Une théorie est juste quand elle est vérifiée par la pratique.L'islam encourage la propreté cependant les pays musulmans sont les plus sales de la planète!!!

ines
| 12-04-2017 13:55
Vous vous etes jamais posés la question pourquoi certains pays du golfe et notamment l'Arabie saoudite et le Qatar sont mieux classés que la Tunisie ? pourtant c'est clair que c'est grâce aux scientifiques tunisiens qui sont parties en cooperation technique prolongée pour certains que ces pays arrivent à exceller, bien que la population est l'une des plus idiote. Payer dignement les enseignants tunisiens, obligez ces derniers à faire obligatoirement de la recherche et non seulement des heures de cours et puis rien d'autre, surtout qu'une grosse part de leur salaire est calculée sur cette base, et obligez les à chercher des fonds via des projets internationaux pour équiper les labos et vous verrez au bout de quelques années. Par contre, il faut que le ministere face des démarches pour assouplir les démarches servant à recruter les post docs et en créant des postes légaux portant ce titre. Eliminez les heures supplémentaires (qui sont pour la majorité injustifiées et illégales), et faites que les universités et les labos de recherche ne ferment pas pendant les vacances universitaires et vous allez voir combien et comment on décollera. Celui qui ne veut faire que de l'enseignement sans recherche, n'a qu'à se chercher un poste au secondaire ou au primaire, puisque sans recherche rien n'avancera. Il faut que les chômeurs aussi acceptent les postes de recherche pure et acceptent de bosser 40 heures par semaine et à cesser de se comparer des ces faux chercheurs dans les facs qui se cachent chez eux en dehors des heures de cours et surtout pendant l'été, alors que la loi accorde à chaque fonctionnaire seulement un mois de vacances par an, et pas plus.

doctorant ancien enseignant contratuel
| 12-04-2017 13:47
Honte à vous de dévaloriser le diplome de doctorat toutes disciplines confondues ,dans nos administrations ,banques ou ceux qui travaillent détiennent au max un master pro et des pistons et les docteurs chômeurs .c est planifié tout ca ,pour gouverner un peuple du tiers monde il faut qu' ils soient simples et non surdiplomes .des recrutements de niveau bac dans la fonction pu lique depuis 2011 par Ennahdha et la suite de ceux qui sont au pouvoir ,résultat des ressources nationales sous exploitées ,des incompétents qui gouvernent ,la violence ,corruption ,pas de croissance ....le chao économique

henda h
| 12-04-2017 13:11
le ministère de l'enseignement supérieur doit se pencher sur ce dossier et plein d'autres tel que les écoles préparatoires scientifiques dont les programmes sont surchargées et ou nos enfants ( élites) sont grillées . les journées libres est consacrée au rattrapage e non à la révision . il faut alléger les programmes et revoir le système d'enseignement dans ces écoles . si on veut adopter les programmes français , on doit offrir les mêmes conditions de travail . nos étudiants ne sont pas épanouis, ils dépriment . il faut aller sur le terrain et faire participer les étudiants . pourquoi il y a autant de rupture et de départs .

l'autre
| 12-04-2017 12:32
En quoi sont différents les doctorants des autres franges de la société pour susciter tant de compassion. Ils n'ont pas plus de mérite qui ceux qui ont bac-2 ou bac plus 4. Tous aspirent à une vie meilleure et digne, à un travail et une pleine Citoyenneté. Faire une thèse est un choix personnel et loin d'être un critère d'excellence particulièrement en Tunisie. En effet, les étudiants qui poursuivent leurs études pour faire une thèse sont loin d'être les meilleurs et plutôt le contraire. Les meilleurs à la sortie de l'université après 4 ans sont souvent recrutés pour assurer l'enseignement au secondaire via le concours de CAPES avant l'arrivée de troika. Les mauvais, selon l'échelle, admis par tous, poursuivent des études via des Masters bidons et ensuite via des thèses bidons et avec un encadrement par des supposés profs bisons aussi, comme en témoigne la fameuse thèse de Sfax où on démontre que la terre est une surface plane ou comme la présence des doctorants âgés plus de 30 ans. Une thèse c'est au maximum 4 ans, donc une scolarité normale se termine à 28 ou 29 ans (bac à 19 ans, maitrise à 23 ans master à 2 ans, plus 3ou 4 ans de thèses). Aujourd'hui cette génération se trouve sur le marché de l'emploi et prétendant être détendeur d'une connaissance infuse. Mais, en réalité ces doctorants n'en valent pas plus que les autres jeunes de la société. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas droit à une vie meilleure mais je dis qu'ils ne sont pas prioritaires par rapport à tous les malheureux chômeurs et on ne doit pas les présenter comme l'excellence de la Tunisie. Ils sont comme les autres jeunes de la société et beaucoup parmi eux sont détendeurs des thèses bidon, vides, nulles. Pas toujours de leurs fautes, c'est aussi la faute des professeurs universitaires qui les inscrivent par des dizaines juste pour avoir des primes. Vous avez certains de ces profs ont plus que 15 doctorants sous leurs responsabilités et qu'ils ne savent même pas les noms et les prénoms de tous leurs doctorants. C'est la Faute des autorités des tutelles d'autoriser d'inscrire tant de doctorants sans encadrement réel et sans perspectives d'avenir. L'unique solution aujourd'hui pour renverser la situation est de se recycler dans des branches de professionnalisation (bâtiment, mécanique, agriculture, ') et pas de faire des manifestations et des réunions et d'être victimes en permanence. Il faut aussi poser la question pour quoi l'état doit trouver à vous en priorité un travail et pas les autres. Pauvre Tunisie

ranjeet singh
| 12-04-2017 12:24
qu'est ce que le ministre ou les élus ont à faire des chercheurs? la terre est plate! circulez .

Herr
| 12-04-2017 11:01
Le problème de l'emploi et du chômage des docteurs n'est pas spécifique à la Tunisie.
Comme le signale ftouh| 12-04-2017 09:35 avec l'article du Figaro. Je vois tous les jours en France des docteurs faire des tâches ingrates et payées à peine plus que le smic.

Ensuite il y a, pour les diplômés tunisiens, un problème de formation et d'expression. Je vois passer des CV bourrés de fautes que ce soit en français, arabe ou anglais. Comment voulez vous que le CV ne finisse pas à la poubelle ?