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Tribunes
En attendant que Maher Manaï soit dehors
20/07/2017 | 15:29
4 min
En attendant que Maher Manaï soit dehors

 

Par Samy Ghorbal

 

Un combat historique, initié il y a plus de 4 ans, est en passe d'aboutir ! Le ministère de la Justice vient d'autoriser la révision du procès de Maher Manaï. Il faut rendre hommage au courage, à l'intégrité et au sens de la justice de monsieur le ministre Ghazi Jeribi.

 

Cette révision du procès d'un ancien condamné à mort, emprisonné depuis 2003 - depuis 14 ans ! - pour un crime qu'il n'a pas commis, est une première dans les annales judiciaires tunisiennes. Il faut rendre hommage à la ténacité extraordinaire de Maître Taieb Bessadok, son avocat, qui n'a rien lâché. Vous trouverez toutes les explications dans l'article que je partage et dans les liens auxquels il renvoie.

 

La journée du 12 décembre 2012 continue à me hanter. Ce jour-là, en compagnie de Olfa Riahi Ibrahim, de Hayet Ouertani et de Héla Ammar, nous avons croisé la route de Maher à la prison civile de la Mornaguia. Cela faisait déjà 9 ans que Maher était emprisonné, et il avait perdu tout espoir.

Nous réalisions alors une enquête dans les couloirs de la mort des prisons tunisiennes, pour ECPM, enquête qui allait être publiée, quelques mois plus tard, par Cérès, mon éditeur [Le Syndrome Siliana - Merci à Karim Ben Smail et Samy Ménif, qui n'ont pas hésité une seconde à nous suivre dans cette aventure]. Nous sommes tombés par hasard sur Maher. Nous étions les premiers civils qu'il voyait, depuis son incarcération. Il nous a raconté son histoire, convaincu de son innocence et tous ses codétenus l'étaient aussi. Nous avons creusé ce dossier, découvert toutes ses incohérences.

 

Nous étions révoltés et naïfs, nous pensions qu'apporter ces preuves, sur la place publique, suffirait à faire advenir la justice. Nous sommes allés de désillusion en désillusion. Je n'ai pas envie de citer de noms, ils se reconnaîtront. Un ancien président provisoire, qui disposait du droit de grâce, et qui était pourtant viscéralement opposé à la peine de mort, s'est défilé, sur les conseils de son conseiller juridique. Il aurait pu réparer une injustice, et abréger 5 ans de souffrance à Maher.

 

Tous les ministres de la Justice successifs, avant l'actuel ministre, ont refusé d'aller au bout du dossier, et ont refusé nos demandes de révisions. L'exécutif s'est toujours montré frileux, et ce alors que les principaux responsables avaient été sensibilisés et se disaient très troublés par l'histoire que nous racontions. Je rends hommage à la coalition tunisienne contre la peine de mort, et à Hend Khechine, qui n'a pas lâché, et a continué longtemps après que notre équipe se soit dispersée au gré de nos changements de vie et de carrière.

 

Je remercie tous nos amis de la presse, qui ont su nous entendre et ont relayé cette histoire scandaleuse : j'en oublierai certainement, mais je pense à Nizar Bahloul qui nous a longuement ouvert les colonnes de Business News, à Taoufik Habaieb, qui a consacré un numéro spécial de Leaders à notre enquête, et au cas de Maher, à Wassim Ben Larbi et toute l'équipe d'Express FM, qui a été à nos côtés dès le premier jour, à Hamza Belloumi et son émission le 8ème jour, qui a longuement abordé le sujet, à Mourad Zeghidi qui s'est dépensé sans compter, lui aussi, à Rania Barrak, qui a été tout aussi précieuse, à Selim Ben Abdesselem, notre député de la Constituante, qui a lui aussi plaidé sans relâche, à Amira Yahyaoui, à Arbia Bessadok, Saida Akremi, et à beaucoup d'autres, injustement oubliés ici.

 

Il faut maintenant ne penser qu'à Maher, car il n'est pas encore sorti de prison. Il faut se mobiliser pour aider son avocat et son comité de Défense, en vue du nouveau procès, qui va se tenir à Sfax, à une date que nous ne connaissons pas encore. Il faut se battre pour que la vérité éclate et soit reconnue par la justice, car une autre famille est dans l'affliction, celle de la victime, et elle mérite de connaître la vérité sur qui a réellement tué son fils.

Six ans après la Révolution, une injustice gigantesque commence à être réparée. Mais n'oublions surtout pas : Maher n'est que la partie émergée de l'iceberg. Combien d'innocents, condamnés sur la base d'enquêtes expéditives ou bâclées, sont aujourd'hui en prison, en Tunisie, hors des radars ? Personne ne sait, mais ils sont nombreux. Il faut se battre pour un Innocence Project, à la manière américaine, voilà une belle piste d'engagement pour la société civile tunisienne, qui se cherche des causes, des vraies causes, loin de toute instrumentalisation politique. Encore un mot, un dernier mot, au sujet de l'actuel gouvernement : lutter contre la corruption, combattre l'injustice, c'est un beau diptyque, et c'est assurément une marque de courage, alors bravo, ne désespérons pas !

20/07/2017 | 15:29
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Commentaires (3)

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DHEJ
| 22-07-2017 18:00
Un appareil à mettre à ajuster pour une vraie justice mais par qui?


Ingénieur Juridique

el manchou
| 20-07-2017 17:56
Il y a tous les jours des injustices, celle-ci ne devrait pas mettre en cause la peine de mort, qui reste un châtiment mérité à tous les violeurs d'enfants et autres djihadistes.

Épicure
| 20-07-2017 16:44
L'article n'est pas signé !