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Chroniques
Election présidentielle : Pourquoi Ennahdha ne pouvait pas choisir un candidat !
09/11/2014 | 18:56
3 min

Par Sofiene Ben Hamida

Le conseil de la choura du parti islamiste a décidé le vendredi de libérer l’initiative de ses militants et de ne pas leur donner des consignes de vote pour le premier tour des élections présidentielles. Pour beaucoup d’observateurs, cette décision était attendue depuis l’annonce des résultats des élections législatives au soir du 26 octobre 2014. Elle a toutefois fait remonter de lugubres souvenirs datant du début des années 90 quand le mouvement islamiste, en libérant l’initiative de ses membres a ouvert la porte à une vague de violence politique sans précédent marquée notamment par les attaques à l’acide contre les femmes et les citoyens civils, les attentats terroristes contre des institutions touristiques au sahel et surtout par l’affaire de Bab Souika où le local du parti au pouvoir a été saccagé et un gardien de nuit attaché sur une chaise et brulé vif.

Comme il y a deux décennies donc, c’est dans un contexte de crise qu’Ennahdha a été contraint vendredi dernier de prendre la décision de libérer l’initiative de ses membres. Il devait avant tout minimiser l’impact négatif de son choix politique d’avancer les élections législatives dont les résultats ne lui étaient pas favorables. Dans une autre configuration, le parti islamiste aurait profité d’une vague porteuse pour imposer son candidat, qu’il soit Marzouki, Ben Jaâfar, Chebbi ou Hammouda Ben Slama.

Ce choix du conseil de la choura s’explique aussi par les difficultés d’unifier les positions au sein des instances dirigeantes du parti islamiste. L’expérience des derniers mois montre qu’au sein d’Ennahdha les factions se neutralisent au point de rendre impossible une candidature islamiste dans un premier temps, et de rendre impossible le soutien unanime à un quelconque allié dans un second temps. Le leurre de l’initiative du président consensuel servait uniquement au parti islamiste de gagner du temps et à ne pas avouer très tôt ses difficultés internes.
Or ces difficultés ont des répercussions organisationnelles. Il était évident pour les membres du conseil de la choura qu’il était peu évident de mobiliser les bases de leur parti pour des élections auxquelles ils ne participent pas, en faveur d’un candidat qui ne porte pas leurs couleurs. La libération de l’initiative apparait donc comme une échappatoire pour que l’échec des législatives ne soit pas consolidé par des déboires présidentiels.

L’objectif d’une telle décision donc était de limiter les dégâts politiques pour Ennahdha. Dans les faits, elle pourrait profiter à Moncef Marzouki puisque la partie du réservoir électoral des islamistes qui participera aux élections présidentielles sera tentée de voter pour le président provisoire sortant en l’absence d’une consigne de vote claire. La réaction virulente de Ben Jaâfar exigeant d’Ennahdha de se prononcer clairement sur son choix montre le désarroi de ce dernier qui sait que cette décision évasive profite à son ancien allié juré au sein de la troïka.

Mais même en minimisant les dégâts, le parti islamiste se retrouve dans une situation inédite pour lui. Pour la première fois depuis les élections du 23 octobre 2011, le parti Ennahdha ne maîtrise plus les cartes du jeu politique mais se trouve contraint de les subir. Ce ne sont plus les islamistes en effet qui imposent leur stratégie, leurs alliances et leur agenda. Maintenant, au prix d’un vote visiblement de sanction, ils restent certes des acteurs importants de la scène politique mais plus les seuls acteurs, ni même des acteurs incontournables. Les plus éveillés d’entre eux doivent déjà se mordre les doigts pour avoir dirigé aussi lamentablement le pays durant les trois dernières années. A la suite de la démission du gouvernement d’Ali Laârayedh, le président du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi avait déclaré que les islamistes ont quitté le gouvernement mais pas le pouvoir. Aujourd’hui, sauf bouleversements politiques graves, tout porte à croire qu’ils quittent le pouvoir pour les cinq prochaines années.
09/11/2014 | 18:56
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