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Chroniques
Du parti-Etat à l’Etat-parti
24/01/2018 | 16:00
3 min

Qui a dit que rien n’avait changé depuis la révolution ? La préparation des élections municipales par Nidaa Tounes indique pourtant tout le contraire. Avant la révolution, on avait un seul grand parti unique. Une institution sourde appelée le Rassemblement constitutionnel démocratique ou RCD qui avait des antennes partout en Tunisie et qui agissait en véritable patron du pays.

Avant la révolution, on parlait de parti-Etat car le RCD constituait lui-même l’Etat. La vraie force venait de l’adhésion au RCD et non du placement dans les arcanes de l’Etat ou de la responsabilité qu’on y avait. D’ailleurs, le plus souvent, plus la responsabilité au sein de l’appareil de l’Etat montait en grade, plus l’adhésion et la participation aux activités du parti augmentaient. Etre amis au sein du cercle fermé de la commission centrale du RCD ouvrait les portes de l’Etat, pour ceux que cela intéresse, ou facilitait grandement les affaires pour ceux qui s’en préoccupaient.

 

Aujourd’hui, le RCD est dissous mais les pratiques restent les mêmes, à quelques nuances près. Grâce à la clairvoyance de Nidaa Tounes et aux stratégies mises en place par Borhène Bsaïes, qui lui-même a fait ses armes on ne sait où, c’est l’inverse qui se passe. Autrefois, le parti alimentait l’Etat, aujourd’hui, c’est l’Etat qui alimente le parti.

 

Les intersections étaient visibles depuis longtemps pour les observateurs avérés mais elles sont devenues flagrantes avec l’annonce des coordinateurs régionaux du parti pour les élections municipales. En gros, les coordinateurs régionaux sont chargés principalement de constituer les listes pour les municipales. Quand Nidaa Tounes a publié la liste des coordinateurs régionaux, il y avait les principaux leaders du parti mais aussi une ribambelle de ministres et de secrétaires d’Etat. Voir un Mohsen Hassan à Sfax 2 ou un Wissem Saïdi à Zaghouan est tout à fait logique si l’on considère que ce sont des leaders du parti qui n’ont aucune responsabilité exécutive. Par contre, que fait un Mabrouk Korchid à Tozeur ou un Ridha Chalghoum à Nabeul ou encore un Hatem Ben Salem à Tunis ?

 

L’explication est simple. Puisque Nidaa Tounes est devenu illégitime dans sa composition actuelle et qu’il a la main sur le gouvernement, il fallait lui donner un coup de main. Et ce coup de main est venu de l’Etat puisque c’est ce dernier qui alimente le parti en cadres. Quand le RCD gouvernait le pays, il fallait être un cadre du parti pour espérer un jour être ministre ou secrétaire d’Etat. Aujourd’hui, c’est l’inverse, on devient ministre ou secrétaire d’Etat pour ensuite être désigné cadre du parti. Voyez par exemple la fulgurante carrière de Slim Feriani, ministre de l’Industrie, au sein du parti. Un parti auquel il a adhéré le 16 novembre 2017. Seulement deux mois plus tard, il est chargé de constituer les listes de Sfax 1. N’est-ce pas merveilleux ?

 

Et puis tout cela ne s’est pas passé avec la maladroite discrétion de celui qui commet une bêtise, non. Cela s’est passé avec l’habituelle véhémence des leaders de ce parti, aidés en cela par leurs petites mains minables sur les réseaux. Des petites mains qui insultent les opposants et qui sortent des photos volées de leaders à qui ils léchaient les bottes il n’y a pas si longtemps. Il en faut quand même de la bassesse pour que les groupies de Nidaa insultent aujourd’hui un Mohsen Marzouk ou un Ridha Belhaj.

Donc, ces leaders justifient sans le moindre scrupule le fait que les ministres et secrétaires d’Etat aient le droit de représenter leur parti et de faire de la politique partisane. Il est vrai que Nidaa Tounes porte une doctrine, une pensée, une réflexion et une littérature. Le tout est basé sur des grands principes du genre « le gouvernement est à nous » ou « nous avons un programme qui vous fera tourner la tête » ou encore le légendaire « nous avons des compétences pour constituer quatre gouvernements ».

 

Cerise sur la gâteau, la ministre de la Jeunesse et des Sports, Majdouline Cherni. Elle qui a montré qu’elle savait jouer des coudes à la cité Ettadhamen pour être dans le champ de la caméra avec le président de la République, a plus d’un tour dans son sac. Le dernier en date est son plébiscite de Béji Caïd Essebsi pour qu’il se représente en 2019, sous prétexte qu’elle « aime la Tunisie et [a] peur pour elle ». Un doux parfum de 2009 émane de ces « compétences »…

24/01/2018 | 16:00
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