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Chroniques
Doit-on boycotter les fêtes nationales ?
14/08/2016 | 17:53
3 min

 

Beaucoup de personnalités nationales parmi les femmes et des figures de la société civile tunisienne ont annoncé qu’elles boycottent cette année les festivités de la fête de la Femme, notamment la cérémonie donnée par la présidence de la République à cette occasion. Pourtant, la fête de la Femme cette année n’est pas une fête comme les autres. Elle coïncide avec la célébration du soixantième anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel.

 

Les raisons invoquées pour ce boycott vont des plus sérieuses aux plus farfelues. En effet, certaines annonces, toutes sur les réseaux sociaux, entrent dans le cadre du suivisme, du « m’as-tu-vu », du politiquement correct dans certaines sphères qui continuent depuis cinq ans de « pleurer » leur chère Tunisie et profitent d’un mécontentement général de l’attitude de l’ensemble de la classe politique, à commencer par le président de la République lui-même.

Par contre, d’autres annonces de boycott reposent sur des analyses très profondes et étayent des arguments très sérieux qui auraient pu constituer le socle et le point de départ d’un débat public enrichissant et fructueux sur la situation de la femme en général et sur les questions de la liberté, de la parité et de l’égalité. Cela n’a pas été le cas malheureusement, sauf quelques rares initiatives qui sont passées sous silence.

 

Mais quelles que soient les raisons de ce boycott, il est clair que ce qui se passe est extraordinaire. Cela démontre que notre pays est résolument en marche pour la liberté. Chaque citoyen, femme ou homme, peut exprimer librement ses opinions, afficher ses positions et agir selon ses propres convictions. Cela n’a pas été toujours le cas.

Pour simple rappel, tout le pays s’arrêtait et ses moyens réquisitionnés durant presque un mois pour célébrer l’anniversaire du Combattant suprême sans que personne ne trouve rien à redire. Sous Ben Ali, la date de son accession au pouvoir a été hissée au rang de fête nationale et célébrée avec faste durant plus de deux décennies sans que personne ne réagisse.

Parmi celles qui ont choisi de boycotter les festivités de la fête de la Femme cette année, on croit reconnaitre quelques-unes qui ne rataient aucune invitation émanant du palais et y voyaient même des occasions pour une éventuelle promotion politique ou sociale.

 

La question de fond que l’on doit poser ensemble est de savoir quelle attitude adopter dans de pareilles circonstances. Doit-on boycotter la fête de l’Indépendance sous prétexte que notre indépendance n’est que relative face aux puissances internationales et aux institutions financières mondiales ? Doit-on zapper la fête de la révolution compte tenu des atermoiements actuels du processus révolutionnaire ? Doit-on bouder la fête du Travail parce que les conditions de centaines de milliers de travailleurs continuent à être  précaires ? Doit-on s’abstenir de commémorer la Journée de la terre puisque le peuple palestinien est toujours sous le joug de l’occupation israélienne ? Enfin doit-on plutôt célébrer toutes les fêtes, en faire des occasions pour invoquer l’Histoire, faire le point de la situation, déceler les carences et les difficultés, engager un débat national public autour des questions que l’on considère importantes pour l’avenir du pays et profiter des commémorations pour aller sans cesse vers l’avant ?

 

D’un autre côté, il est impératif aujourd’hui de reprendre la célébration des fêtes importantes pour notre pays des mains de l’Etat. Seuls les régimes de dictature continuent de monopoliser la mémoire de leurs pays et seules les sociétés résignées et assistées continuent d’accepter ce monopole de l’Etat. Il échoit donc aux partis politiques, aux organisations, aux associations et aux différentes composantes de la société civile d’organiser les festivités nationales en y associant le plus grand nombre de citoyens et en inventant toutes les modalités possibles de célébration. C’est à ce prix que les fêtes nationales retrouveront leur vocation de catalyseur de cohésion et de solidarité sociale et que les cas de boycott seront de moins en moins nombreux.      

14/08/2016 | 17:53
3 min
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Commentaires (16)

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URMAX
| 21-08-2016 18:40
- RAS EL-3AM EL HEJRI
- 20 MARS
- et SUPPRIMER LA SCEANCE UNIQUE D'ETE
Tout ce que je qualifierais de "fêtes à bouffe" sont à supprimer !
Nous devenons assez obèses comme cela !
Pour les martyrs et les commémorations : "ILS" sont dans nos coeurs !
Le pays est suffisament en crise comme cela pour octroyer d'autres congés.

Lario
| 16-08-2016 19:24
Notre TUNISIE est au bord de la banqueroute, elle compte presque 800000 chomeurs dont 300000 de diplomé(e)s d'études universitaires, nos entreprises , nos organismes, et nos établissements publics boitent, les patrons du secteur privé licencient et encouragent leur personnel à prendre leur retraite, la production et la productivité, tu parles! vous parlez! quoi encore?Travaillez, prenez de la peine, c'est le fond qui manque le moins....QUE LE TRAVAIL EST UN TRESOR. La richesse, la fortune, les ressources ne viennent que par le travail. On doit revoir les jours fériés et surtout l'arrét de travail le jour de samedi, les tunisiens doivent trousser le manches et veiller à garantir la justice sociale , à la bonne gestion et à la bonne répartition de ces richesses

Lefghoun
| 15-08-2016 15:05
par ces temps d'austerité et de vaches maigres il faut seulement se limiter a l'essentiel et surtout pas de superflu - je pense que les frais des ceremonies au palais de carthage et autres doivent etre depensés a bon escient.

patriote
| 15-08-2016 11:21
pour un pays en crise à mon avis il s'agit de feter uniquement le 20 mars le 25 juillet et les fetes religieuses

Tunisienne
| 14-08-2016 21:22
- Boycotter la cérémonie de la Présidence de la République ou même refuser d'être décorée par la Présidence de la République n'est pas boycotter la Fête des femmes.

- Boycotter la cérémonie de la Présidence de la République et, plus précisément, celle de BCE signifie (ou est censée signifier) : « Si on est vraiment du côté des femmes tunisiennes, on ne peut pas pactiser avec leurs bourreaux !».
Malheureusement, comme vous l'avez finement insinué, le boycott de certaines relève plus de la posture, du calcul (éviter la controverse et le lynchage dans son camp et parmi ses connaissances) et du souci de faire bonne figure (de militante, d'opposante).

- Chaque fête nationale devient l'occasion de marquer le coup pour la forme et de faire de la protestation molle dans un camp, d'instiller insidieusement son venin rétrograde et anti-républicain dans l'autre camp. Alors, forcément, puisque le premier camp fait du surplace,l'autre camp grignote de plus en plus de terrain. En d'autres termes, si les fêtes nationales ne sont pas l'occasion de poser avec franchise, courage, acuité, profondeur et même alarmisme les vraies questions et problématiques, et avec les nécessaires garde-fous républicains et progressistes, eh bien, sous peu, ces fêtes ne seront plus !

maya
| 14-08-2016 21:07
Si soufiène, vous dressez un constat, nous autres lecteurs creusons un peu plus pour nous arrêter sur les causes, et c'est le plus important. A mon humble avis, et de l'avis de plusieurs de mes proches, le citoyen lambda ne ressent plus son appartenance à un pays, et se demande où est l'Etat, autrefois garant de sa citoyenneté, de son bien-être, même relatif, de sa sécurité, et de son avenir. Je me souviens, gamine, des feux d'artifice à la kasbah, surtout pour la fête de l'indépendance, les manifestations sportives de la fête de la jeunesse, et de l'enthousiasme des populations de presque toutes les villes et villages tunisiens envers nos fêtes et nos symboles. Tout ça est bien loin, et c'est regrettable. Ce sentiment de désistement est alarmant, mais ne semble pas inquiéter nos politiques.

PATRIE
| 14-08-2016 19:10
boycotter est un moyen civilisé de dire NON,c'est valable pour une première étape ,après il faut passer a l'étape suivante cad proposer des solutions pour avancer ,et c'est ce que nous devons faire si nous voulons évoluer!il faut imposer a l'état de corriger certaines Lois concernant la Femme et toute la sociétée par des assemblements ,et prendre en mains notre destin ,oui nous devons profiter de ces fêtes Nationales pour corriger certaines situations et lutter contre la corruption .je soutiens votre thèse Sofienne ,merci pour cette profonde et habituelle analyse .

Apollon
| 14-08-2016 19:09
Y être ou ne pas y être ? Quel dilemme Cornélien ! Pire, quel drame shakespearien auquel nous invite Monsieur Ben Hamida! Bien sûr que faire un brin de causette sous un pin maritime en sirotant un thé à la menthe servi par le meilleur cuistot de Tunisie est tentant. Mais, parfois les ranc'urs sont tenaces. Non plus sérieusement, le boycott procède d'une appréciation souveraine des choses. Je ne pense pas qu'il faille noircir du papier pour expliquer le comment du pourquoi, ni comparer entre ce qui se faisait sous Bourguiba ou Ben Ali avec l'époque actuelle parce que comparaison n'est pas raison. Sauf à jouer les pythies on ne peut pas savoir avec exactitude les raisons qui ont présidé au choix de ne pas répondre favorablement à l'invitation présidentielle. En tant que telle cette décision doit être respectée Monsieur Ben Hamida. C'est vous-même qui le dites en écrivant: " Mais quelles que soient les raisons de ce boycott, il est clair que ce qui se passe est extraordinaire. Cela démontre que notre pays est résolument en marche pour la liberté. Chaque citoyen, femme ou homme, peut exprimer librement ses opinions, afficher ses positions et agir selon ses propres convictions. Cela n'a pas été toujours le cas."
Alors, sachons gré aux personnes qui ont fait le choix de rester chez elles. Elles ont sûrement de bonnes raisons d'avoir agi ainsi.
Cela n'offusque personne. Cela ne dérange personne. Chacun est libre d'agir à sa guise du moment qu'il ne nuit pas à autrui.
Notons, par ailleurs, que le boycott des cérémonies officielles n'est pas une spécialité Tunisienne; cela se pratique ailleurs et dans des démocraties bien ancrées.

Mahmoud Belhaj
| 14-08-2016 19:04
Il y a un mouvement très tendance en Tunisie : le rejet de tout ; du corps de la propreté, des lois , du passé, du présent , des fêtes , du modèle social, de la hiérarchie ...
je lisais hier une certaine institutrice refusant d'aller à Carthage parce ne voulant pas serrer la main du président...en république il y a les fêtes , les protocoles , les élections...c'est bon de le rappeler au cas où certains sont sous le choc de la liberté et n'arrivent plus à se situer...j'ai pas contre apprécié le billet d'une journaliste rtci , elle a bien expliqué ses attentes égalitaire , bravo , j'adhère , c'est respectueux et posé comme les meilleures de nos femmes , hélas pas toutes .

Forza
| 14-08-2016 18:48
avec 40% et plus de tunisiennes dans les régions de l'intérieur analphabètes, alors fêter quoi? qu'ont elles fait les femmes qui ont été récompensées? Souhir Belhassin qui voulait une intervention de la France en Tunisie, mérite-elle d'être décorée? et Maryem Belkhadi qui n'a fait que de la propagande pour BCE mérite-elle un ordre de la république? Elle qui attaquait d'autres femmes juste parce qu'elles ont décidé de porter le voile (le cas de la stewardesse de Tunis-Air), est-elle un symbole maintenant de la lutte des féministes et Olfa Youssef mérite-elle d'être invitée ? elle qui applaudit les boucheries de Bachar contre les femmes de son propre pays. Sophie Bssis elle, je connais ses articles sur les pages du jeune Afrique, un magazine contre la révolution tunisienne car son chef Ben Yahmed ne veut pas entendre parler d'une révolution mais on le récompense en lui octroyant le marché de marketing du plan et voilà qu'on récompense une de ses journalistes, qu'a elle fait pour la femme tunisienne ? Il y'a des femmes qui réalisent chaque jour beaucoup pour le pays mais elles sont ignorées par les conseillers du président et on préfère faire de la politique politicienne comme décorer Maryem Belkhadi.
Sur un point je partage votre opinion que c'est un signe positif que des citoyens refusent l'invitation de la présidence.