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Ijaba, est-elle la réponse ?
09/06/2019 | 15:59
6 min
Ijaba, est-elle la réponse ?


Le bras de fer entre le syndicat Ijaba et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique perdure. Après un déblocage partiel de la crise avec le versement des salaires aux enseignants, les conflits persistent encore d’autant plus que les universitaires ont été appelés à durcir la grève jusqu’à obtention de l’intégralité de leurs revendications.


Cela fait plusieurs mois que l’Union des universitaires chercheurs tunisiens (Ijaba) entame une grève administrative s’abstenant de soumettre les sujets des examens dans tous les établissements universitaires. Les rapports de recherche annuels pour les enseignants chercheurs n’étaient pas également rendus dans tous les centres de recherche scientifique.

 

Les enseignants grévistes ont par ailleurs retenu les notes des devoirs surveillés et des travaux pratiques et les sujets d’examens tout en assurant, cependant, les cours ainsi que toutes leurs tâches pédagogiques et administratives. Une grève sélective qui se résumerait en un travail non-accompli. Le tout pour contester le non-respect par le département de tutelle de l’accord du 7 juin 2018 conclu avec Ijaba et concernant les modalités salariales des enseignants universitaires.

 

Cet accord vise, de surcroît, à désigner Ijaba en tant que partenaire officiel du département pour la mise en œuvre de la réforme universitaire portant essentiellement sur la formation et la pédagogie, la recherche et l’innovation, la gouvernance et la vie universitaire.

Il vise aussi à prioriser la révision des statuts des enseignants chercheurs et les incidences financières des nouveaux grades avec des universitaires revendiquant un salaire double, partant du principe d’équivalence entre le niveau de salaire et les diplômés avec une grille salariale qui n’existe dans aucun texte de loi.

Cet accord permettra, en outre, de réévaluer le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ainsi que d’améliorer les conditions de travail des universitaires. Par cet accord, les demandes d’ouverture de postes au profit des jeunes docteurs au titre de l’année 2019 dans les spécialités accusant un faible taux d’encadrement seront élaborées.

 

Ces revendications étaient jugées impossibles à satisfaire par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Slim Khalbous qui a par ailleurs déclaré que Ijaba était « un syndicat radical qui n’a fait qu’insulter et diffamer, refusant toutes les formes de dialogue et prenant en otage les étudiants », avec plus de 120 mille étudiants n’ayant pas passé leurs examens.

 

Dans ce sens, il a ajouté que le syndicat s’est obstiné à rejeter toutes les propositions qui lui ont été faites par le département malgré ses multiples concessions, à refuser le débat et à diffuser des intox. Il a aussi relevé que le ministère a accepté de concerter avec Ijaba bien qu’il ne soit pas habilité à négocier les salaires et qu’il soit le moins représentatif avec seuls 20% des universitaires qui y sont affiliés.

D’après M. Khalbous, il n’y a aucun conflit entre Ijaba et le département. Il s’agit plutôt d’un désaccord purement syndical étant donné que le département a ouvert certains dossiers compromettant qui pourraient éventuellement entraver les intérêts des syndicalistes, notamment le système de financement et la réforme LMD.

 

Ijaba a, ensuite, eu recours à d’autres mesures d’escalade manifestant dans toutes les universités tunisiennes et observant un sit-in ouvert au siège du ministère depuis le 25 mars 2019. Un sit-in décrété en vue de protester contre la décision du gel des salaires des universitaires chercheurs grévistes prise en réponse à la grève administrative des enseignants. Une décision « illégale, inconstitutionnelle, inhumaine et immorale ».

 

Il est allé même jusqu'à adresser un courrier au chef du gouvernement sollicitant une audience en vue de lui faire part des « injustices » qu’il subit notamment en ce qui concerne les rémunérations, ainsi que de la position du ministère de tutelle, qui selon le syndicat, minimise l’ampleur du mouvement des universitaires. S’engageant par ailleurs à entamer des procédures à l’échelle internationale, dont le dépôt d’une plainte auprès de l’Organisation internationale du travail pour atteinte aux libertés syndicales, au droit d’organisation et pour oppression des militants syndicalistes.

 

Il a été, par la suite, décidé de poursuivre en justice Youssef Chahed ainsi que Slim Khalbous pour irrespect de la Constitution, des libertés syndicales et des droits de l’Homme lançant une campagne électronique baptisée #StopChahedEtSlim pour dénoncer « les agendas et les décisions arbitraires de Slim Khalbous ainsi que le projet dangereux du chef du gouvernement tunisien qui vise à anéantir l’université publique et installer des universités étrangères privées sur le sol tunisien ».

 

Un projet démenti à maintes reprises par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique mettant l’accent sur le statut et l’importance de l’enseignement universitaire public en tant qu’acquis pour la Tunisie. M. Khalbous a également exprimé sa volonté de lever le gel des salaires sous condition de respecter le calendrier des examens et des corrections. Une proposition réfutée par Ijaba qui a demandé à ce que les salaires soient versés sans aucun engagement sur les examens.

 

Les affiliés à l’Union des universitaires chercheurs tunisiens ont décidé, ensuite, de manifester à l’ARP lors d’une plénière tenue le 4 avril 2019 en présence du chef du gouvernement, Youssef Chahed. Des protestations qui ont poussé Chahed à quitter l’hémicycle du Parlement et qui ont été qualifiées de pacifiques par les membres de Ijaba refusant toutes les tentatives de dénigrement, de complot et d’accusations mensongères.

 

Les tensions entre la partie syndicale et la partie gouvernementale se sont aggravées davantage avec des accusations de violence perpétrée à l’encontre d’un nombre de directeurs d’universités par les affiliés à Ijaba. Les syndicalistes auraient agressé la rectrice de l’Université de Carthage la menaçant de s’introduire de force dans son bureau. Ils sont venus aussi protester au sein de l’Ecole supérieure de commerce de Sfax après que le directeur ait décidé de faire passer un examen aux étudiants alors que leur professeure est en grève. Le directeur de l’ESC aurait séquestré les manifestants qui ont été contraints de passer la nuit à l’université.

Ces incidents ont été dénoncés par les présidents des universités qui ont exprimé leur grande déception quant à l’accroissement de la violence verbale et le danger de la violence physique qui peut en découler.

 

De son côté, le ministère a appelé les universitaires à condamner la violence et à briser le silence concernant les agissements et les campagnes de diffamation perpétrées par Ijaba. Des agissements démentis par le syndicat qui a accusé le département de « mener une campagne de diabolisation et d’harcèlement à son encontre ». Ies membres de Ijaba s’est engagé, d’ailleurs, à porter plainte contre les directeurs des établissements universitaires qui les avaient accusés d’agression.

 

Vraisemblablement, la seule lueur d’espoir dans la résolution de ce bras de fer est la décision d’accélérer la mise en pratique de tous les accords en suspens notamment ceux relatifs au versement des primes. Il a été également décidé d’achever dans les plus brefs délais les statuts réglementant le travail des universitaires. L’accent a aussi été mis sur la nécessité de remettre les sujets d’examens avant la date du 12 juin courant.

 

Néanmoins, Ijaba était visiblement insatisfait de ces mesures. L'Union a en effet exhorté ses affiliés à durcir la grève et à ne rien abandonner jusqu’à ce que les termes de l’accord soient publiés dans le Jort. Elle a, toutefois, souligné sa bonne foie et son engagement à poursuivre les négociations avec la partie gouvernementale dans ce sens.

 

En tout état de cause, les revendications syndicales, quoique légitimes soient-elles, ne doivent en aucun cas compromettre l’avenir des étudiants. La priorité serait d’éviter une année universitaire blanche et de garder les étudiants à l’écart des batailles syndicales. Le dialogue et les solutions consensuelles sont primordiaux afin de faire réussir l’année universitaire tout en faisant primer l’intérêt des étudiants.

 

Boutheïna Laâtar

09/06/2019 | 15:59
6 min
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Commentaires (1)

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Citoyen de Tunisie
| 10-06-2019 11:46
Toutes les grèves ne se résument qu'à cela.
Plus de pognon, moins de travail.
Plus de pouvoir aux syndicalistes, moins de pouvoir au gouvernement.
Plus d'avantages aux enseignants, moins de savoir aux étudiants.
L'enseignant qui avait failli être prophète n'est plus qu'un squatteur de la banque centrale, la noblesse chez nous est de bien savoir mendier.