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Sami Fehri, l'extraordinaire parcours d'un nouvel homme d'affaires
03/10/2008 | 1
min
Sami Fehri, l'extraordinaire parcours d'un nouvel homme d'affaires
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Il y a ceux qui l’encouragent et ceux qui le jalousent, Ceux qui le dénigrent et ceux qui l’encensent, Ceux qui l’adulent et ceux qui le détestent.
Lui, Sami Fehri, continue tranquillement à parcourir un chemin semé d’embûches. Parti de rien, il est devenu "quelqu’un". Il n’était qu’animateur radio, il est devenu en sept-huit ans animateur vedette, producteur et réalisateur. Ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin n’ont que d’éloges sur lui. Des millions, il en gagne et en fait gagner. Sami Fehri se présente comme l’homme à tout faire et, en dépit des critiques positives ou négatives, il sort de l’ordinaire.
Un nouvel homme d’affaires est né. Le type de businessmen qu’on voit naître tous les jours aux États-Unis, tous les mois en Europe et très rarement en Tunisie.


C’est un véritable parcours du combattant que de rédiger un article sur Sami Fehri, ce jeune qu’on a découvert sur les ondes de RTCI (Radio Tunis Chaîne Internationale) à la fin des années 1990.
Alors qu’un animateur radio est réputé, d’abord, pour être bavard, Sami Fehri, lui, cultive la réputation de quelqu’un de discret. Très discret. Il refuse de rencontrer les journalistes et encore moins d’accorder des interviews. On ne le croise jamais dans ces endroits où l’on rencontre généralement les hommes des médias et de culture. Inutile de le chercher au Maz’Art, à la Joconde, à l’Espace Bouabana, à la Maison du Journaliste, chez M’barek à Ennasr, au Café Journal à Gammarth, ou à l’Univers à Tunis. Il n’est pas pour autant mystérieux. Ceux qui le côtoient régulièrement ne tarissent pas d’éloges sur son caractère, sa bonne compagnie, son sérieux et son respect des choses bien faites.

Originaire de la Marsa (banlieue chic de Tunis), né un 7 novembre 1971 (ça ne s’invente pas !) et père de deux filles, Sami Fehri entame son parcours médiatique à la fin des années 1990 comme simple animateur sur RTCI. Ses émissions, dans un français parfait, séduisent les fans du rock, les nostalgiques du classique et les fleurs bleues amoureuses des balades romantiques. Pas évident !
Le jeune est ambitieux. Il constate très tôt que les talents sont rapidement bridés dans ce Studio 1 de RTCI, bureaucratie de l’ERTT oblige ! Il fallait voir ailleurs pour démontrer son savoir-faire et ses connaissances. Ailleurs, ce n’est pas très loin, c’est la porte à côté : Tunis 7 et Canal 21. Il propose une émission de jeux qui ne cartonne nullement (similaire au défunt Maillon faible de Laurence Boccolini sur la chaîne française TF1). Ce flop ne le démotive pas pour autant. Il enregistre ce qui ne va pas et rectifie le tir en prenant en considération les expériences des chaînes européennes à succès. Parmi les constats, il pense que l’ERTT devrait être un organe diffuseur et ne peut être également organe producteur. Il crée sa société unipersonnelle Cactus productions et propose des émissions à la télévision tunisienne, unique diffuseur dans le pays.
Sa première émission sera "le monde du web".Un succès, bien qu’il soit relatif. L’expérience lui permet surtout de savoir comment trouver des annonceurs et des sponsors pour financer une production. Toujours ambitieux, il rêve d’une émission grandiose, à l’instar de ce qui se fait en Grande Bretagne, en Italie, en France, en Espagne. Avec le petit pécule amassé par sa première production, il vole vers Amsterdam là où siège Endemol, l’une des plus grosses boites de concepts d’émissions du monde. Il négocie les droits de "Akher Qarar" et les achète avec toutes ses économies. Pour le jeune parti sans le sou, ces droits de plusieurs dizaines de milliers de dinars représentent déjà un gros pactole. Les droits à eux seuls ne font cependant pas l’émission, puisqu’il faut des moyens mille fois plus importants pour financer la production.

Il prend son bâton de pèlerin et frappe à la porte des banquiers. On lui rit au nez. Le banquier tunisien n’a pas encore la folie de ses homologues européens (ou américains) pour financer les idées d’un jeune producteur télé. Il frappe à la porte des Sicars. Il constate rapidement que celles-ci ne portent que le nom et sont frileuses aux risques. Pas d’hypothèque, pas de garantie, pas de financement. Ainsi est la mentalité chez les financiers de Tunisie.
Sami panique, car il a des deadline à respecter s’il ne veut pas perdre les droits d’Endemol, acquis avec ses économies. Dernière cartouche, les investisseurs privés. Même déception, jusqu’à ce qu’il rencontre quelqu’un acceptant de lui faire confiance et de lui accorder le financement nécessaire.
Qui ? Ceux que nous avons contactés refusent de nous le dire. L’information est pourtant publique, c’est le groupe Karthago de l’homme d’affaires tunisien Belhassen Trabelsi. On la trouve sur le site internet du groupe. Une excellente preuve du pari de ce groupe dans les jeunes talents tunisiens. Un pari que n’osent ni banquiers, ni Sicars (mais que prennent heureusement certains hommes d’affaires, Business News en sait quelque chose). Grâce à cet appui financier et ce coup de pouce moral, Sami est de nouveau motivé et remet en route tout son enthousiasme et son professionnalisme, uniques garants du succès. Cactus Prod, créée le 1er janvier 2002 pour réaliser des émissions de divertissement destinées à un large public, renaît de ses cendres.

Un an plus tard, "Akher Qarar" est diffusée sur Tunis 7 et connait, de 2003 à 2005, un succès sans précédent, en réalisant des parts de marché dépassant les 80%. C’est la première fois que sont proposés à la télévision tunisienne des gains de 200.000 dinars avec, en prime, une voiture flambant neuve.
2005, Sami (via Cactus) acquiert les droits d’une autre émission à grand succès : Deal Or No Deal. L’émission est fort connue en Tunisie puisqu’elle est diffusée sur TF1 par Arthur (à prendre ou à laisser). Un Arthur qui témoignera, plus tard, que Fehri a été meilleur que lui dans l’animation de l’émission.
Comme "Akher Qarar", l’émission (qui a pris le nom de "Dlilek Mlek") démarre en trombe avec, en prime, une cagnotte de 300.000 dinars, que se partagent le candidat sur le plateau et un téléspectateur tiré au sort par l’entremise du SMS. Des records d’audimat et de parts de marché avoisinant les 90% ont été atteints, là aussi. Le pactole est des plus importants au vu des très importantes recettes générées par la publicité et par les SMS. Tout le monde y a trouvé son compte : Tunis 7 qui a réussi à redorer son blason auprès de ses téléspectateurs (partis vers les chaînes étrangères) avec une émission qui lui a coûté zéro dinar, les participants à l’émission qui ont gagné des millions dont ils ne rêvaient pas, Tunisie Telecom qui a récupéré (en exclusivité) une partie de ces recettes générées par les SMS et, naturellement Sami Fehri et Cactus. Dans cette histoire, Sami Fehri a réussi l’exploit de gagner et de faire gagner des millions à tout le monde.

Il n’y a pas que des succès, l’échec peut également être au rendez-vous, comme dans toute création. Ce sera le cas de l’émission "Seul contre 100", diffusée en prime time par Farah Berrjeb.
Le succès est par ailleurs mitigé avec "Ahna hakka", présentée par Nizar Châari, bien qu’il soit important de noter que cette émission est diffusée en access prime time (19-20) et a réalisé un record absolu d’audience durant cette tranche horaire.
La grande nouveauté de 2008 est cependant le feuilleton "Mektoub", diffusée durant le mois de ramadan. Sami Fehri entreprend une nouvelle expérience. Il n’est plus animateur, mais producteur et réalisateur. Cette première expérience sera un succès. Très rares sont les réalisateurs au monde qui peuvent se targuer d’un tel résultat lors de leur premier coup d’essai.
Dans les coulisses de ce feuilleton, et auprès de quelques acteurs "bavards", nous obtiendrons quelques autres informations sur Sami Fehri. C’est l’amoureux du détail et de la précision qu’on découvre. C’est quelqu’un qui bouleverse les habitudes de la profession, mais aussi de la fiction télévisuelle en Tunisie. Pour la première fois dans l’histoire de la télévision tunisienne, on "ose" aborder clairement des tabous, tels les mariages mixtes avec des personnes de couleur, la drogue, les mères célibataires… C’est la première fois aussi qu’on fait un zoom sur les riches et les nouveaux riches du pays et leur manière de vivre en 2008. Il faut dire que Sami Fehri a su s’entourer d’un certain Tahar Fazâa qui a pu se donner à cœur joie sans la "censure" ou l’ "autocensure" auxquelles il était habitué. On ne manquera pas de noter enfin cette chance donnée à de nouvelles figures qui ont toujours trouvé face à eux des refus de la part de réalisateurs quinquagénaires qu’on voit chaque année à la télé.

Hors caméra, on nous témoigne de la générosité du bonhomme qui a payé comédiens et techniciens jusqu’à dix fois plus les soldes auxquels ils étaient habitués. Ils sont, de surcroit, payés avant la diffusion du 1er épisode (fait extrêmement rare). Poussant le détail jusqu’au bout, il refusera de faire chausser ses comédiens des lunettes de contrefaçon ou d’habiller ses comédiennes avec des vêtements achetés à Moncef Bey. « Quand il faut des Gucci et un Dior pour mon personnage, je dois les acheter en vrai. Il ne faut pas qu’il y ait un seul téléspectateur pour me dire que le produit porté par untel n’est pas authentique », dira Sami à l’un de ses proches. Cela a naturellement un coût.
Le succès de ce feuilleton ne s’est pas accompagné sans polémique. On cherchait même à casser gratuitement, vu que certaines critiques ont été pondues le lendemain même de la diffusion du premier épisode. La première de ces polémiques fut le timing. Mektoub a pris la place, en prime time, de la sitcom fétiche des Tunisiens "Choufli hall". Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on voulait programmer le feuilleton vers 23 heures. Timing qui aurait fait échouer le projet financé exclusivement par Cactus. Ce qui n’a pas été dit, c’est que la télé tunisienne n’a pas acheté ou financé la production (contrairement à ses autres émissions), mais les diffuse sans avoir déboursé un millime. En contrepartie, et pour se financer, Cactus récolte les recettes des spots publicitaires diffusés pendant, juste avant et juste après le feuilleton. Quel annonceur aurait accepté de diffuser ses spots à 23 heures ? Autre polémique déclenchée, la coupure au milieu du feuilleton pour diffuser des spots publicitaires. Très rares sont ceux qui ont apprécié cette coupure sur une chaîne publique récupérant son budget à partir de prélèvements publics obligatoires.

Après cette première expérience et pour consolider ses acquis, Sami Fehri continue à acquérir les droits d’émission à droite et à gauche.
Le grand succès fort attendu de 2009 sera l’émission "Sans aucun doute" que présentera Moez Ben Gharbia. Cactus Prod a également acheté les droits de l’émission "Cé Posta Per Té" ou "Y a Que La Vérité Qui Compte" de Magnolia, la société de production italienne propriétaire du concept. Il s’agit d’une émission à caractère social où des gens invitent des proches sur le plateau pour leur faire une déclaration importante. Elle était diffusée sur TF 1 et présentée par Bataille et Fontaine.
Autre projet de Sami Fehri, une émission pour enfants est prévue avec des droits acquis auprès d’Endemol International. Il s’agit de "Mini Play-back Show", une émission de divertissement ou des enfants âgés de 6 à12 ans imitent les stars de la chanson internationale.
A court terme, la société compte diversifier davantage ses projets en produisant des variétés de grand divertissement appelés les "talent shows" dont la fameuse série "Idol" ou "La Nouvelle Star" acquise auprès de Fremantle Media.
Au vu de tout ce programme, et si en 2008, on parle encore de parcours, tout indique qu’on va bientôt parler de la saga de Sami Fehri. Un Sami Fehri en vacances (dans un pays lointain) à distance du bruit et des coins habituels des animateurs, journalistes et hommes de culture.

03/10/2008 | 1
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