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Tribunes
Harouni, il ne faut pas accepter de « mission » quand on n'est pas à la hauteur.
30/09/2013 | 1
min
Harouni, il ne faut pas accepter de « mission » quand on n'est pas à la hauteur.
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Par Mustapha Mezghani

Dans un discours enflammé prononcé samedi 28 septembre à Mnihla, Abdelkarim Harouni a justifié le refus du gouvernement de démissionner en se basant sur les préceptes religieux de la « confiance » considérant que le pouvoir a été confié au gouvernement par le peuple à travers les élections du 23 octobre 2013. Aussi, considère-t-il qu’il est de son devoir de ne pas quitter le gouvernement avant la fin de la mission de l’ANC et la ratification de la constitution.

Sur le principe, le raisonnement tient la route, il faut certes tenir ses engagements. Cependant, il ne faut pas accepter de « mission » quand on n’est pas à la hauteur, il ne faut pas accepter de « mission» quand on n’est pas capable de le préserver.
Il semblerait que Abdelkarim Harouni, aussi érudit soit-il, a ignoré les bases ainsi que les composantes du « dépôt » ou de la « confiance » ainsi qu’un ensemble de conditions devant être réunies.
Nous évoquerons dans ce qui suit certains points occultés par Harouni.

1°) Contrairement à ce que prétend le ministre du Transport et nombre de ses semblables, ce gouvernement n’est pas élu, loin de là, il a été désigné par la Troïka islamiste. C’est donc l’ANC et son parti qui lui ont confié cette « mission ». Son parti ayant annoncé son accord sans réserve pour la feuille de route du quartette qui prévoit une démission du gouvernement, il est de son devoir de respecter la décision de celui qui lui a confié cette « mission » et qui ainsi lui demande d’y renoncer. Il doit alors démissionner. A défaut, il sera considéré comme ayant trahi cette « confiance ».

2°) Il est du devoir du dépositaire qu’il est, lui et le reste du gouvernement, de préserver le « dépôt » qu’il leur a été confié, ce qui est loin d’être le cas. Tout le monde s’accorde à dire que la situation économique du pays est au bord du gouffre, ce qui n’était pas le cas à l’arrivée de ce gouvernement, au moment où cette « mission » a été confiée au gouvernement. Harouni ignore-t-il qu’il est de son devoir de refuser le « dépôt » s’il sait qu’il est incapable de la préserver ?

3°) A supposer qu’il pensait être capable de préserver ce « dépôt » et que c’est sur cette base-là qu’il l’a accepté, ne devait-il pas le restituer quand il s’est aperçu qu’il n’allait pas pouvoir le préserver ? Pourquoi n’a-t-il pas pris exemple sur Hamadi Jebali qui a préféré restituer le « dépôt » et démissionner quand son parti a refusé sa proposition visant à préserver ce « dépôt » ?

4°) Concernant « la mission » confiée, il est bon de rappeler à Harouni et à son gouvernement qu’il leur a été demandé de servir le pays et non de s’en servir, qu’il leur a été demandé de gérer le bien public « en bon père de famille » et non d’en abuser et de s’y servir pour motiver leurs troupes, de les nommer aux postes de responsabilité sur la base de leur allégeance et non de leurs compétences et surtout de plomber le budget de l’Etat en procédant à des recrutements dont l’administration et les entreprises publiques n’ont pas besoin, etc.

5°) S’il considère qu’il est « dépositaire » du pouvoir Gouvernemental, pourquoi veut-il ignorer la demande populaire qui a été faite par des centaines de milliers de tunisiens descendus dans la rue aussi bien au Bardo qu’à travers toute la République, pour demander au gouvernement de partir ? Pourquoi veut-il faire la sourde oreille à toutes ces demandes faites de la part de celui qui lui a confié ce « dépôt » ? Pourquoi tient-il à rester en poste ?

En réalité, le peuple n’a rien confié à Harouni en tant que ministre ni au gouvernement. Il n’est pas le véritable dépositaire. Le véritable dépositaire n’est autre que l’ANC qui a été élue. Cependant, même cette assemblée, à travers la Troïka islamiste composant une majorité, a trahi la confiance des électeurs.

6°) Au terme de ces élections du 23 octobre, le peuple a confié à une Assemblée Nationale Constituante, ANC, la rédaction d’une nouvelle Constitution dans un délai d’un an. Une fois élue, cette ANC a réfuté la durée d’une année en criant haut et fort que c’était un engagement moral (malgré la présence d’un écrit) et non contractuel. Reniant ainsi l’importance des promesses, ce qui est pécher pour un vrai croyant. Près de deux ans plus tard, rien n’a été fait. N’y a-t-il pas là une trahison de la « confiance » des électeurs ? La notion même de « dépôt » n’est elle pas basée sur la confiance ? L’une des conditions du « dépôt » n’est-elle pas de rendre le « dépôt » à ses ayants droit au moment convenu soit une année après les élections dans notre cas ?

7°) Le peuple a élu 217 membres au sein de l’ANC, cependant, une majorité d’entre eux ont composé une Troïka islamiste qui a fait une OPA sur l’ANC et qui a imposé par la force tous ses désirs, qui a empêché de lever l’immunité de ses membres et alliés qui devaient être poursuivis en justice,…. N’y a-t-il pas là une trahison de cette « confiance » par la majorité ?

8°) Ces élus de la Troïka, ne se sont-ils pas engagés à représenter le peuple, tout le peuple et non pas uniquement ceux qui les ont élus ? Ne se sont-ils pas engagés à mettre le pays et la patrie avant tout ? Pourquoi renoncent-ils à leurs engagements et oublient-ils cette « confiance » du peuple au moment de chaque vote, au moment où ils auditionnent les membres du gouvernement,… ?

Pour terminer, le dépositaire doit être compétant et honnête, surtout honnête pour, entre autres, préserver le « dépôt » et reconnaitre son incompétence le cas échéant.
Compétant, pour pouvoir prendre soin du « dépôt », le pays dans le cas d’espèce, et l’entretenir ou le faire fructifier si besoin est. Honnête, pour ne pas s’en servir ou s’y servir à titre personnel et le rendre comme convenu, à l’échéance fixée ou, à tout moment à la demande du propriétaire. S’il n’a pas la compétence requise, le dépositaire se doit de refuser le « dépôt » afin de ne pas trahir la confiance des autres. S’il s’est surestimé et a accepté une « mission » ou un « dépôt » malgré son incompétence, il se doit de le restituer dès qu’il s’en aperçoit. A défaut, ce ne sera que de mauvaise foi.
30/09/2013 | 1
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