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Tribunes
Ô ministres intègres, Ô conseillers vertueux !!!
21/05/2012 | 1
min
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Par Hédi Sraïeb
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Je n’ai de cesse de rappeler, tout au long de différents articles, que notre modèle de développement est moribond. Tout bien entendu n’est pas à jeter, suivant en cela le vieil adage : on ne jette pas le bébé avec l’eau du bain.
Il n’en est pas moins vrai que la prégnance des choix passés reste vivace dans les esprits et forte dans les choix présents.
La loi de finances et le programme du gouvernement en portent la trace. Pire, les cercles dits avisés, think-tanks et autres comités d’experts, dessinent un devenir tout aussi empreint des mêmes travers, des mêmes lignes de « fuites en avant », toutes à la fois dispendieuses, mercantiles et dévastatrices au possible !

Une forme de mémoire sélective a abouti à s’imaginer que les seuls déterminants de cette crise politique et sociale se réduisaient à la corruption et au népotisme. Du coup, un modus vivendi, semble refaire surface, se réinstaller, autour d’un modèle économique jugé sain, efficient, viable et équitable, une fois débarrassé de ses scories mafieuses. Son essence libérale pourtant outrageusement visible n’est pas pour déplaire à certains milieux d’affaires, d’experts appointés et d’un gouvernement provisoire en quête de légitimité. Quand ce n’est pas aussi à la haute fonction publique.
Or, nos grands commis de l’Etat formés à l’école du consensus de Washington, inquiets un temps, mais qui ont toujours su humer « l’air du temps », se sentent de nouveau pousser des ailes et s’engaillardissent au point de ressortir des tiroirs des projets que l’on espérait définitivement enterrés. Cette administration centrale, pétrie des certitudes orthodoxes, appelée aussi « technocrates », voyant que l’option libérale se confirmait jour après jour, adhère aux options de la troïka et affiche sa complaisance active.

Prenez le temps de lire le document édité par le ministère du Développement régional et de la Planification intitulé « Les grands projets en Tunisie-Mai 2012 »: Edifiant d’indigence, mais plus sérieusement, du déni flagrant d’une indispensable rupture d’avec les tendances lourdes, pernicieuses héritées du passé.
Outre la forme racoleuse à souhait du document, vous ne mettrez pas longtemps à vous apercevoir que ces grands projets ressemblent à s’y méprendre à ceux qui étaient déjà dans les dossiers partagés des services « compétents » du régime déchu et des bailleurs de fonds internationaux, tous marqués des mêmes illusions, des mêmes paralogismes, des mêmes faux espoirs. Illustrations.

Privatiser les secteurs stratégiques ; continuer à bétonner la façade balnéaire, accroitre les capacités hôtelières d’hébergement, multiplier les marinas, les golfs, les centres de thermalisme. Pas l’ombre d’un changement de cap. Il est pourtant admis que ce secteur touristique est littéralement « sinistré » et qu’il pourrait bien nous entrainer vers des abimes jusque là inconnues.
Mieux, j’affirme et ose dire que le secteur du tourisme est un éminent facteur de « risque systémique », à l’instar de la crise des « subprimes » aux USA ou de la crise immobilière en Espagne. Les quelques mille hôtels que compte le pays représentent à eux seuls 75% de l’encours de dettes quasi irrécouvrables du secteur bancaire, lequel est en limite d’implosion : des créances douteuses qui représentent plus de 30% de l’encours de crédit, de quoi faire effondrer sur lui-même, ce secteur névralgique de notre économie. Comment peut-on rester aveugle face à ce risque ?
Outre le fait que dans notre pays, « béton » rime avec « corruption », notre administration centrale, avec la complicité des cercles évoqués plus haut, s’échine à prolonger ce modèle qui a fait grand tort au pays : privatisation rampante, priorité réaffirmée à la rentabilité immédiate, appel aux capitaux étrangers, poursuite d’une compétitivité fondée exclusivement sur le coût du travail.
Chômeurs diplômés, régions à l’abandon ? Rien !

De grandes plateformes logistiques en veux-tu, en voilà ! Dans la même logique que nos 9 technopoles toujours désespérément vides. Mais pour quelles activités industrielles l’installation de telles capacités d’entreposage et de stockage ? Pas l’ombre d’une réponse, mais toujours cette idée fallacieuse que nous pourrions continuer à développer des activités de services sans soubassement industriel ou agricole !
La Tunisie, l’ai-je dit à maintes reprises n’a ni l’histoire ni le devenir de Singapour ! 96 pages d’un document qui donnent cette vertigineuse sensation de déjà vu, mais certes profitable pour quelques uns.
Soyons tout de même beaux joueurs, le document comprend quelques projets de biens infrastructurels : centrales électriques, solaire et éolienne, et stations de dessalement d’eau de mer !
Enfin, il était temps. Non, ne vous s’y trompez pas, 2 projets sur 3, sont réservés aux capitaux privés, toujours et encore et l’un d’eux (le dessalement) allait être réalisé par Sakher El Materi à Djerba.
Vouloir à ce point étouffer les fleurons de nos services publics que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Cette critique n’a rien d’idéologique, mais de simple bon sens. L’Etat devrait consolider sa fonction de fournisseur de biens publics, quand le privé devrait tendre à remonter dans la chaine de la valeur et fournir produits et services à plus forte valeur ajoutée. Rien de tel en perspective ! La sainte-alliance de la cupidité « géographiquement localisée » est de retour !

Pas un seul projet dans l’agroalimentaire, les bioindustries, l’informatique. Franchement, un document affligeant, alors il n’y a rien, non plus, à attendre de cette haute fonction publique trop contente d’exhumer ces projets. Décodez ce document, des appels d’offres à gogo, priorité aux détenteurs de capitaux privés locaux et étrangers… les affaires reprennent !!! Sans toutefois tomber dans le dépit, il me vient à l’esprit cette tirade de Ruy Blas: Bon appétit, messieurs! Ô ministres intègres ! Conseillers vertueux ! Voilà votre façon….. De servir, serviteurs qui pillez la maison ! Lisez la suite en vers dans le texte.

*Hédi Sraieb, Docteur d’Etat en économie du développement
21/05/2012 | 1
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