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Chroniques
Abir Moussi, Moncef Marzouki : le langage de l’instinct animal
Par Nizar Bahloul
18/03/2019 | 15:59
7 min
Abir Moussi, Moncef Marzouki : le langage de l’instinct animal

 

Abir Moussi, leader du parti destourien libre, a fait un tabac parait-il ce week-end à Sousse. Là où elle passe, elle fait un tabac d’ailleurs, si l’on jette un coup d’œil furtif sur ses meetings soigneusement organisés par des professionnels en la matière.

Moncef Marzouki, leader d’Irada, lui aussi fait un tabac là où il passe.

L’une et l’autre croient dur comme fer qu’ils ont raison, qu’ils détiennent la science infuse, qu’ils sont intègres, qu’ils sont dans le droit chemin, qu’ils sont plus intelligents que les autres, qu’ils ont plus de connaissances et de savoir que les autres, qu’ils sont (surtout) plus patriotes que les autres. CQFD.

Dans ce paysage politique composé de 216 partis, et autant de chefs de partis à l’égo surdimensionné, parler de ces deux énergumènes est, en soi, beaucoup trop d’honneur pour eux quand on sait qu’ils n’ont rien à donner au pays.

Parenthèse, en passant, nous aussi journalistes et chroniqueurs avons l’égo surdimensionné et croyons, aussi, être plus intelligents que les politiques. A la différence que nous sommes dans notre rôle de l’analyse et de la critique.

 

Dans ce paysage de 216 partis et chefs de partis, Abir Moussi et Moncef Marzouki occupent les deux extrêmes. L’une est dotée de 3% d’intentions de vote, l’autre est doté de 11%. Des pourcentages assez bas en valeur absolue, à vrai dire, mais quand on connait le discours de l’une et de l’autre, il est plus prudent de les tenir à l’œil plutôt que de les ignorer. Qu’ils aient 14% à eux deux, c’est déjà beaucoup. Pourquoi ?

Que l’on soit d’accord ou pas avec Tahya Tounes, Nidaa, Ennahdha ou le Front populaire, ces partis du « centre » (ou plutôt du milieu) ont le mérite d’avoir une vision républicaine du pays.

On peut toujours faire des procès d’intention à Ennahdha et dire que leur discours n’est qu’une façade mensongère pour cacher leur véritable programme d’islamiser et « khomeïniser » le pays, mais ça reste un procès d’intention. Dans leurs discours, dans leur comportement, dans leur programme, les islamistes s’acharnent à répéter (à ceux qui voudraient bien les croire) qu’ils ont une vision républicaine et civile du pays.

On peut toujours dire que Tahya Tounes, Nidaa, MPT, Afek et autres partis modernistes-laïcs-centristes, sont des néo-RCDistes, des corrompus, un patchwork d’opportunistes hétérogènes, des bons à rien, etc. Dans leurs discours, dans leur comportement, dans leur programme, les Selim Azzabi, Yassine Brahim, Saïd Aïdi ou Mohsen Marzouk ont une vision intègre, moderne, laïque, salvatrice et constructive du pays.

On peut aussi gloser jusqu’au matin à propos du Front populaire, les folies de Hamma Hammami et les cris de Mongi Rahoui et l’anachronisme chronique des frontistes, ils demeurent incontestablement patriotes. Comme l’a si bien dit un jour Hamma Hammami, dans un tacle historique adressé à Moncef Marzouki, « Mon seul pays est la Tunisie, je n’ai pas d’autre pays où me réfugier quand la Tunisie est malade ».

 

A la différence de tout ce beau monde, des principales tendances politiques du pays, Abir Moussi et Moncef Marzouki ont un discours autre basé sur l’exclusion et la haine.

Alors que tous les autres défendent leur propre idéologie et leur propre vision, indépendamment des autres, l’existence des Marzouki et Moussi n’est possible qu’à travers les autres.

Prenez n’importe quel discours de Abir Moussi, au hasard, et vous trouverez systématiquement des passages relatifs à la nécessité d’exclure les islamistes du paysage et de les renvoyer aux prisons. Ça ne rate jamais. Si on enlève les islamistes du pays, il ne reste plus rien dans le programme de Mme Moussi.

Prenez n’importe quel discours de Moncef Marzouki, au hasard, et vous trouverez systématiquement des passages relatifs aux « azlem » (ou leurs homonymes du type « autres (lokhrine)», « ancien système », « ancien régime », « Etat profond », « corrompus », etc) qu’il faut bannir du paysage. Pour exister, Moncef Marzouki a besoin du bouc émissaire (ou faire-valoir) des médias corrompus (100% des médias qui n’épousent pas sa vision), des politiques financés par les Emirats et de l’argent sale. Retirez ces adjectifs des discours de Moncef Marzouki et il ne restera plus rien. Mais vraiment rien !

Abir Moussi a toujours besoin d’accuser les islamistes pour exister. Moncef Marzouki a toujours besoin de jouer la victime des « azlem » et du « fassed » pour vivre.

S’il n’y avait pas une justice encore sur pied dans ce pays et s’il n’y avait pas encore de lois le régissant, l’une et l’autre auraient intégré les mots « potence » et « napalm » dans 100% de leurs discours et leur programme.

 

Cette mentalité de l’exclusion de l’autre a des adeptes qui, selon les sondages, représentent 14% de l’électorat. Une mentalité comparable à celles des fascistes pour appeler les choses par leur nom.

A à peine sept mois des élections, dans un pays qui veut sincèrement construire une démocratie, cette mentalité est dangereuse pour cet ambitieux projet.

On dira (à raison) que cette mentalité fasciste gagne du terrain partout dans le monde, que c’est une composante inévitable de la démocratie et qu’il suffit de voir l’Italie, l’Autriche, Israël ou les États-Unis, c’est vrai. Sauf que ces grandes démocraties ont des Etats solides et des démocraties ancrées. Qu’ils ont des médias qui sont vraiment des contre-pouvoirs et une justice froide et aveugle capable de défendre la démocratie et ses institutions.

La Tunisie n’en est pas encore là. Son Etat est en déliquescence, sa justice n’est pas saine, ses médias sont agonisants, ses institutions sont malades et sa démocratie encore balbutiante.

 

Avec une pareille réalité, peut-on nous permettre de maintenir dans notre paysage des partis comme ceux de Moussi et Marzouki dont le programme se résume en l’exclusion des autres ?

On peut être contre, totalement contre, les islamistes sans pour autant les exclure du paysage. Il faut juste les combattre par les urnes en qualité d’adversaire politique et non en qualité d’ennemi. Ce n’est pas l’avis de Abir Moussi.

On peut être totalement contre les « azlem » sans pour autant les exclure du paysage et salir leur honneur aves des mensonges, mais ce n’est pas l’avis de Moncef Marzouki.

Aussi bien Abir Moussi que Moncef Marzouki usent de la plus vile des méthodes pour conquérir leur électorat : l’instinct.

Pour séduire leur public, ce type de personnages politiques fait peur aux gens et leur parle de monstres, ce qui les pousse à aller systématiquement vers eux. C’est le refuge systématique de tous ceux qui ont peur de l’autre, juste parce qu’il est différent d’eux. C’est l’essence même du fascisme. Ce n’est pas par hasard qu’on trouve, dans les rangs de ce genre de familles politiques, des racistes, des homophobes et des néo-nazis.

 

Quelle solution y a-t-il pour les contrer ? Dans les démocraties établies, les médias et la justice jouent leur rôle et réussissent à sensibiliser les gens sur le danger de ce genre de personnages.

Dans une démocratie comme la nôtre, l’exercice est dangereux, car les contre-pouvoirs classiques ne fonctionnent pas correctement. La solution la plus facile est d’exclure ces gens qui appellent à l’exclusion. Pas de démocratie pour les ennemis de la démocratie. C’est d’ailleurs le discours même de Marzouki and co dans les années 2011-2014. Ils ne l’ont pas réussi heureusement.

En dépit de sa facilité, cette piste de l’exclusion est encore plus hasardeuse. Aussi dangereux soient Abir Moussi et Moncef Marzouki, avec leur mentalité comparable à la mentalité fasciste, ils doivent demeurer dans le paysage. Ils doivent cependant être minorés et on doit, autant que faire se peut, leur mettre un maximum de bâtons dans les roues.

Pour l’intérêt de la démocratie tunisienne et du pays, c’est aux médias de dénoncer nuit et jour leur comportement et leur discours haineux. Autant que faire se peut aussi, c’est aux médias aussi de limiter leurs apparitions médiatiques, comme ils ont limité les apparitions de Bahri Jelassi et Hachemi El Hamdi.

Avec les médias, il y a un autre pilier de la démocratie qui doit pleinement jouer son rôle, la justice. C’est à elle de demander des comptes à Moncef Marzouki sur son discours haineux, mais aussi sur son financement, ses relations avec des puissances étrangères, ses adhérents qui veulent utiliser les armes, ses accusations infondées etc. La justice a bien fonctionné pour questionner Abir Moussi, elle se doit de faire pareil avec Moncef Marzouki.  Il y va de l’intérêt suprême du pays, il y va de la survie de notre démocratie naissante.

Par Nizar Bahloul
18/03/2019 | 15:59
7 min
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Commentaires (122)

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NC
| 01-04-2019 14:58
Bonne analyse. On devrait aussi limiter les commentaires stupides et souvent mal ecris de bcp de lecteurs-commentateurs ... comme je dis souvent: certains sont nes pour ecrire, d'autres pour commenter.

GO JO
| 24-03-2019 00:44
La Graine de Picasso:
=================
On raconte qu'un homme qui admirait une toile de Picasso lui fit une critique sur son style:
- Visiblement vous ne savez pas peindre, juste des traits qui s'entremêlent et ces couleurs...
Picasso sourit, et commença à dessiner sur le sol une graine. La graine semblait tellement réelle qu'une poule qui se trouvait à côté essaya de la manger, en vain.
'?tonné, l'homme lui dit:
- Pourquoi continuer à peindre ces choses étranges alors que vous êtes visiblement un excellent peintre?
Alors, Picasso lui répondit:
- En vérité, je ne peins pas pour les poules.

Maxula
| 22-03-2019 21:38
J'avais dit : (19-03-2019 01:56)
"Si je devais un jour choisir(*) entre Moussi et le tartour, je n'hésiterais pas une fraction de seconde"
Mais le cas ne se présentera pas, ne serait-ce qu'au vu des derniers sondages !
Vous n'avez donc pas compris, et c'est normal, "Léon" ne vous aura pas qualifié de "primate" pour rien !
Je vous cède donc la priorité pour "preparer le cheval et la zokra" à Adel Almi ou Bahri Jlassi !
Maxula.

Amilcar
| 22-03-2019 20:07
Encore un effort, peut être finira tu par accoucher de tes desseins obscurs

Forza
| 22-03-2019 19:10
Allez preparer le cheval et la zokra pour Abir .

Maxula
| 22-03-2019 17:45
Je cite le forçat de la bêtise, le seul, l'unique surdoué de la place(*), à savoir le destinataire de ma deuxième baffe : "L'Iran lui est en partie une démocratie relativement à la Tunisie de Ben Ali par exemple car il organise des élections"
"si on les [élections à la mode des ayatollahs] compare à la Tunisie de Bourguiba et Ben Ali, ils sont relativement démocratiques."
Et si on vous compare à un chapon vous serez certainement le dindon de la farce !

La "démocratie iranienne" est à votre image, kif khliq'tek, en somme !
Maxula.
(*) Qui a même détrôné le châtré !

Amilcar
| 22-03-2019 14:41
Les Tunisiens ont compris la fourberie et la mauvaise foi des islamistes fascistes intolérants.. Ton Gourou se fait jeter partout au pays où il se rends preuve que la religion n' est plus comme thème de campagne est dépassé et entièrement grotesque qu' il en est balayé du revers de la main..

Alors que te reste -te il comme argument à faire valoir avant de te retrouver assez vite au chômage?..

Mais bien sûr! On va tomber à bras raccourcis sur la dictature et les anciens serviteurs de l' état ayant peu ou prou par obligations travaillé honnêtement à gagner leur vie..

En un mot vos acolytes islamistes ne réussirons pas non plus sur ce chapitre... Parce-que . Il n y aura plus de dictature, mais seulement des programmes et des gens responsable et compétents pour sortir le pays du marasme dans lequel vous l' avez mis.!

Quand à vous si vous persistez indéfiniment dans votre litanie de dénigrement de gens honnêtes pour le bien de la.tunisie, je ne donne pas cher de votre peau de mercenaire Scribouillard trash..



rends....

Citoyen_H
| 22-03-2019 13:43
"il est clair que Mr Bahloul est sorti d'une certaine neutralité " & "il faut discréditer Abir en la comparant à Marzouki qui a été au pouvoir et a fait preuve d'un amateurisme et d'un populisme de très bas niveau".

Exact Coco2000.

Alors que marzougui le morfale n'avait jamais montré, ne serait ce un soupçon de patriotisme, il me semble que A.moussi est l'unique personnalité politique de l'après révolution, qui l'exprime systématiquement à chacune de ses interventions.
De plus, malgré la chasse aux sorcières tous les pingouins opportunistes affamés brouettistes et traitres de tous bords, elle ne s'est jamais écartée de ses prérogatives, à savoir, la NATION prime sur tout le reste



welles
| 22-03-2019 11:30
Faute d'excuses de la part de M. Bahloul, je réclame l'intervention d'un autre chroniqueur qui n'a pas la même vision de la scène politique et qui n'est pas à la botte du chef du gouvernemnt
Bien à vous.

Forza
| 22-03-2019 06:41
J'ai écrit que l'Iran est en partie démocratie par rapport au style de gouvernement de Bourguiba et Ben Ali. Ils ont des éléments de démocratie comme des élections périodiques et sans falsification mais ce n'est pas une démocratie entière et ce n'est pas un état de droit. L'état de Bourguiba et Ben Ali ne sont pas des états de droit non plus. C'était l'état arbitraire et le pouvoir absolu d'un individu. Bourguiba pouvait nommer un ministre le matin et le virer le soir. C'est cet état de parti unique, de leader unique, de médias à tendance unique, d'opposition de façade, de justice sous commande que prône Abir Moussi. On accuse les nahdhaouis sur l'intention qu'ils ne sont pas démocrates alors que les rcdistes durs comme Abir Moussi ont prouvé durant 60 ans qu'ils ne sont pas démocrates, ce n'est plus du domaine de jugement sur les intentions.
Que des abiristes parlent de démocratie est vraiment drôle, au moins G&G est conséquent et dit bien qu'il veut une dictature à la Sissi et il espère Abir deviendra cette dictatitrice comme il a écrit. Au moins ce n'est pas hypocrite. Et l'autre qui se veut Amilcar et qui ne peut même pas être amir d'une chooba de Abir, amir qafafas au plus.