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Chroniques
Lettre à Socrate
23/12/2014 | 15:59
3 min
Par Inès Oueslati

Voilà des mois que vous nous avez quittés, victime d’un terrorisme sanglant ayant endeuillé notre pays. Vous qui, ravis à la fleur de l’âge, embaumez le jasmin, vous avez été à la révolution son plus fort prix et à la démocratie sa plus chère leçon. Pour que le peuple apprenne à choisir et donne en cela l’exemple, vous avez été le tribut lourd consenti en sacrifice.

Socrate, je m’adresse à l’emblème que vous êtes devenu car, au-delà de vous-mêmes vous incarnez désormais une mosaïque de visages de jeunes tombés comme vous en proie à la bêtise humaine. Morts par dizaines à coup de balles et de mines, vous avez été vengés ce dimanche 21 décembre.

La majorité de vos compatriotes qui vous portent désormais dans le cœur ont écarté du pouvoir celui sous le régime duquel le terrorisme a pu se répandre, s’étendre et atteindre la Tunisie dans ce qu’elle a de plus cher : Vous, sa jeunesse. Ces Tunisiens qui vous ont vus partir, un à un, sur leurs écrans, n’avaient rien pu faire pour que cessent les pertes. Eux qui n’étaient jusque-là capables que de quelques pensées émues accompagnant la tragédie qu’en vous perdant ils vivaient, ils ont cessé d’être passifs en votant dimanche pour une alternative qui fera ses preuves prochainement.

A la tête de cette Tunisie dont vous avez été l’offrande, ce peuple a choisi de désigner le candidat le moins jeune d’une liste longue d’une vingtaine de noms. Car loin de voter pour une personne, la majorité a désigné un mode de vie, une vision et une dimension de la politique dépassant le politique vers le social dans une alchimie de conséquences avec le salut national. Pour vous, ceux-là ont choisi une vision unificatrice, loin de celle qui en disant privilégier les minorités les plus extrémistes, leur a permis de vous stigmatiser, de vous viser et de vous abattre.

Parce que tout va de pair, y compris le deuil et la joie, même nationaux, la Tunisie vit, en ces jours exceptionnels, la fin d’une étape et le début d’une autre. Nous dépassons ainsi les limites largement atteintes d’un régime politique pour en entamer un nouveau. Une étape qui a permis de prouver que la présidence d’un pays en mutation n’est pas aisée, que bon opposant et bon dirigeant, ne sont pas corollaires et qu’entre les idéaux et leur mise à exécution il y a un gap. Ce gap dépasse les ambitions personnelles et celle partisane car il peut s’avérer fatal, quand le hiatus est grand entre la grandeur de la tâche et les petits calculs égocentrés.

Parce qu’il ne s’agit justement pas de personnes ni d’égo, la majorité de la majorité n’a voué de culte qu’à un schéma pouvant la sortir de l’embrouille où, seule, elle s’était mise, un certain octobre 2011. Ecarter les islamistes and co de la sphère décisionnelle, ne pas les occulter comme variante composant la société tunisienne et sa scène politique, et choisir une voie nouvelle en faisant abstraction de critères de choix qui auraient pu être éliminatoires, la majorité l’a fait !

Vous avez été, Socrate, comme nos autres martyrs, l’objet d’un pragmatisme qui mènera le pays vers une nouvelle étape. Vous, la perte de la Tunisie devenus sa plus grande gloire, vous avez été présents dans les esprits quand il s’est agi de cocher une case et de glisser un bulletin.

Les Tunisiens n’ont pas choisi celui qui vous vengera parce que pareil dessein est désormais dépassé, mais ils ont choisi d’éliminer celui qui regardait ailleurs quand on vous achevait un à un. C’est en soi une vengeance, Socrate, une vengeance qui ne sera effective qu’avec une promesse ferme que le pays ne tombera pas si bas, que des martyrs ne tomberont plus par dizaines pour des causes qui ne sont incontestablement pas les bonnes, que l’effort se concentrera sur nous, cercle élargi et non sur celui restreint de la complaisance.

Si tout cela est réalisé, nous serons vengés de vous, martyrs de cette Nation. Vous les frères, fils, maris et pères, vous le jasmin de cette terre qui de pourpre l’avez arrosée, vous l’illustration d’un hymne dont plus que jamais nous avons compris le sens, vous son rythme et sa quintessence, nous vous entendons, d’ici, entonner « Nous mourrons, nous mourrons, pour que vive la patrie ! » et la partie vivra.
23/12/2014 | 15:59
3 min
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Commentaires (11) Commenter
très bel hommage
mamina
| 26-12-2014 08:58
Merci pour ce texte poignant. Allah yarham nos martyrs, et que vive la Tunisie. Namoutou,namoutou, wa ya7ya elwatan.
@anis
ya bladi
| 25-12-2014 12:36
nos martyrs ne dormiront en paix que quand on connaitra les commanditaires.Alors,oui,nous en parlerons tout le temps pour ne pas oublier ceux qui t'ont permi de t'exprimer librement.Cordialement.
Merci et Bravo
César
| 24-12-2014 15:32
Merci pour ce très bel hommage et ces paroles vraies et sincères.
Pourquoi distinguer Sokrat des autres Martyrs?
Egalité
| 24-12-2014 13:52
J'espère que tous les martyrs soient traités de la même manière. Pourquoi cette mobilisation médiatique spéciale pour Sokrat et pas pour les autres? surtout sur le site BN?
Tous les martyrs sont pareils.
Hommage pour eux tous sans exception.
Un bel hommage à nos martyres
boubaker sadok
| 24-12-2014 12:45
qui ont lutté jusqu'au sacrifice de leur vie pour vaincre le projet totalitaire des islamistes et sa milice armée
@ Ines Oueslati
anis
| 24-12-2014 10:15
STP laisse nos martyrs dormir en paix
mamezelle@Oueslati
ODIN
| 24-12-2014 00:37
malgré le fait de savoir l'amitié que vous porte et avoir deviné en moi un être sensible.Et malgré tout ça,vous me brisez le coeur,à chaque occasion.mais cette fois,et je suis sérieux,vous avez fendu mon pauvre coeur. Avec ou sans gap vous avez réussi a m'émouvoir.
honte a moi !!!!
Merci
Ahmed
| 23-12-2014 18:27
.
paix à son ame
ameur k
| 23-12-2014 18:19
pensées emouvantes car elles parlent vrai ...
le grand cherni et tous les autres martyrs méritent au moins une petite reconnaissance par l'appellation d'edifices publics , grande rues ou autres en leur nom
sensible Ines ...merci pour cet hommage aux martyrs
aimer
| 23-12-2014 18:04
Les martyrs, il ne sera jamais assez de les évoquer , de rappeler leur sang qui a coulé .
Socrate et les autres ,les jeunes et les moins jeunes ...

.in CHEALLAH

NAFTAH AL BATHRA

WA NOURAYYAR AL KATRA