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Chroniques
Entre Bochra Bel Hadj Hmida et Sihem Badi, le choix est vite fait
03/11/2014 | 15:59
5 min
Par Nizar BAHLOUL

Week-end assez mouvementé à Tunis avec l’arrivée puis l’expulsion de Bernard Henri Levy, le démarrage de la campagne présidentielle et le début de constitution d’un front (qui naitra mourant) pour contrer la candidature de Béji Caïd Essebsi, qu’on présente à cor et à cri, comme étant le représentant de l’ancien régime.
Pendant ce temps-là, j’étais à Madrid avec les trois rédacteurs en chef de Business News pour un stage de trois jours. Nous nous sommes trouvés par hasard, tous les quatre, dans une manifestation pour la liberté de la presse et la liberté d’expression. « Pas de démocratie, sans liberté d’expression », criaient les manifestants. Près de quarante ans après la révolution suivant la mort de Franco, les Espagnols continuent encore à militer pour cette liberté indispensable et incontournable pour la démocratie. Et si j’évoque l’Espagne, c’est aussi pour rappeler le fait historique que la démocratie espagnole n’a pu être réalisée qu’avec les modérés du franquisme. Ce sont eux, ces « azlem espagnols » qui ont permis la fin du régime de Franco, la mise en place d’une démocratie et le dépassement des très fortes tensions internes.

Retour à Tunis où l’on vit encore cette tension interne. On est loin de l’été 2013 où l’on craignait une guerre civile, mais la tension perdure encore. Elle est soigneusement, très soigneusement, alimentée par quelques partis et personnalités politiques qui se prétendent démocratiques. A leur tête, bien sûr, Moncef Marzouki, Abderraouf Ayadi et Mohamed Abbou, les chantres de la division et de l’exclusion. Alors que l’on parle de démocratie et des acquis de la révolution, le président sortant (et illégitime) de la République continue à véhiculer ses messages de haine et de division. Dans son meeting « cinématographique », on criait encore des « RCD dégage ! », on insultait davantage les « azlem » et on épinglait toujours les médias de la honte.
C’est avec ce discours de division que le président de la République compte, croit-il, unir les foules autour de lui. Et de quelles foules ? De quelques centaines de membres de LPR violents et d’islamistes radicaux amassés devant une salle de cinéma ! Le pire, c’est qu’il y croit et qu’ils y croient ! Ils y croient autant que leurs amis-partenaires étrangers, notamment la France, qui ne voient pas d’un bon œil la victoire de Béji Caïd Essebsi.

Et comme si cette tension alimentée par la tête de l’Etat ne suffisait pas, voilà que des partis se prétendant démocratiques se mettent à « comploter » pour barrer la route au président de Nidaa Tounes. Ils y croient eux aussi. Pour eux, M. Caïd Essebsi est plus dangereux pour la démocratie tunisienne que Moncef Marzouki ! Nidaa Tounes est plus dangereux que le CPR ! Quelle déception de voir des gens comme Issam Chebbi ou Maya Jeribi s’asseoir autour d’une table avec Imed Daïmi et Mohamed Abbou. Amer de voir de pareilles personnalités, si respectables, oublier les Lotfi Nagdh, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Ils font un procès d’intention à Béji Caïd Essebsi capable, selon eux, de réinstaurer la dictature et ils oublient les turpitudes de Marzouki et de la troïka. Ils oublient le terrorisme de Châambi, ils oublient la Syrie, ils oublient les martyrs, ils oublient la situation économique dans laquelle ils nous ont plongé, ils oublient les LPR ! Et ils oublient, aussi, que c’est sous Béji Caïd Essebsi que la Tunisie a organisé ses premières élections post-révolution et pondu ses premières lois instaurant des institutions constitutionnelles démocratiques.
A ce stade, on ne peut plus parler d’aveuglement, on parle d’incompétence !

Ce camp se prétendant démocrate estime, en dépit des résultats des élections législatives, qu’ils sont les gardiens de la révolution et de la démocratie.
Ce camp est-il sérieux quand il pense, même une seconde, que Sihem Badi, Slim Ben Hmidène ou Imed Daïmi sont plus démocrates que Bochra Bel Hadj Hmida, Taïeb Baccouche ou Boujemâa Remili ? Est-il sérieux quand il pense que Abdelwaheb Maâtar est plus compétent que Slim Chaker ? Et, pour eux, Samir Ben Amor est plus fréquentable que Rafaâ Ben Achour ? Et qu’il vaut mieux avoir un Tarek Kahlaoui qu’un Mohsen Marzouk ?
En dépit de ce qu’ils répètent matin, midi et soir, et en dépit de ce que déclarent les médias français et qataris (ce sera bientôt un pléonasme), Nidaa Tounes n’est pas et ne peut être considéré comme RCDiste. Rien qu’en listant les noms des Nidaistes ci-dessus, on en est certains. Le RCD est mort, définitivement mort. La dictature fait partie du passé et on ne saurait revenir en arrière. La société civile, les magistrats, les médias et même l’administration ne permettraient plus ce retour en arrière. Sans parler de nos voisins et partenaires étrangers. Ceux qui crient « Nidaa = RCD » n’ont finalement plus que cet argument à brandir pour gagner quelques voix. Leur incompétence est tellement criarde qu’ils sont incapables de renouveler leur discours péroré depuis quatre ans ! Ceci est valable pour Ettakatol, CPR, Wafa, mais aussi pour Jomhouri, Alliance et Tayyar. Il n’y a que les islamistes d’Ennahdha qui ont admis leur incompétence et accepté de faire leur autocritique. Ils ont écarté les Sonia Ben Toumia, Sadok Chourou et Habib Ellouze et invité de nouvelles figures qu’ils estiment capables pour les batailles qui s’annoncent.

Pendant que les CPR/Jomhouri continuent à taper sur un cadavre et à tenter de salir les adversaires sérieux, Nidaa et Ennahdha marquent des points.
Nidaa, créé en juillet 2012, a réussi à devenir premier en très peu de temps. Ennahdha a réussi, pour sa part, à effacer une bonne partie de son bilan au pouvoir et est revenu de loin.
Voilà le constat, quoique disent les « démocrates » qui savent mieux que nous. Aux législatives de la semaine dernière, les Tunisiens étaient départagés en trois, comme dans toute démocratie occidentale. Un camp contre un autre et un troisième camp qui ne sait pas où aller. En Tunisie, nous avons Ennahdha contre Nidaa. Et le troisième camp est un panaché d’incompétents qui se prétendent laïcs et démocrates.
Je synthétiserai le paysage dans la caricature à travers trois figures féminines. Le premier camp est représenté par une Française d’origine tunisienne appelée Mehrezia Laâbidi. Le deuxième est représenté par la militante Bochra Bel Hadj Hmida. Le troisième est représenté par l’ancienne fuyarde Sihem Badi. Entre ces trois, et quand on est profondément démocrate et laïc, on ne se pose même pas la question pour qui on voterait.

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