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Le terrorisme n'a pas de pays, la tolérance non plus
11/01/2015 | 16:06
5 min
Le terrorisme n'a pas de pays, la tolérance non plus
Alors qu’une marche de solidarité se prépare en France, quelques jours après les attentats sanglants ayant visé le journal satirique Charlie hebdo, les avis en Tunisie divergent quant à un positionnement clair par rapport aux faits. Entre le soutien et les justifications, oscillent les avis. « Je suis Charlie », « Je suis Ahmed », « Je suis Chourabi » ou Nadhir… la solidarité virtuelle fleurit et en dit long sur des polémiques fluctuantes se nourrissant de conflits idéologiques et politiques.

C’est le cas de la polémique ayant commencé hier suite à une information selon laquelle Netanyahou serait parmi les personnalités qui viendront défiler à Paris lors de la grande marche prévue pour ce dimanche 11 janvier 2015. Que Mehdi Jomâa y participe ne plait pas à beaucoup. L’accueil est d’autant plus virulent parmi ceux qui se positionnent foncièrement contre Charlie. La position hostile quant à un journal ayant défié nos interdits religieux prime au regard de ceux-là sur la position hostile à la violence. S’y ajoute l’argument politique « panarabique » pour révéler nos différences et parfois nos contradictions.

Mehdi Jomâa n’a pas à soutenir un journal qui a personnifié et caricaturé le prophète. Il n’a pas à marcher aux côté d’Israël quels que soit la finalité et le message à faire passer. La bataille semble donc être entre les convictions formelles et celles avec a priori. Elle est l'expression d’une divergence entre ceux qui sont foncièrement contre la violence et qui font de ce fait abstraction des différents a priori et entre ceux pour qui les a priori priment. « Oui je suis contre la violence mais je suis d’abord contre ceux qui portent atteinte à mes convictions », « oui je suis contre la violence, mais je ne défilerai jamais aux côtés des Israéliens »… Voilà ce que nous entendons autour de nous et lisons sur la toile.

Rappelons, par ailleurs, que parmi les victimes des attentats ayant eu lieu en France, il y avait des Tunisiens. Celui dont on parle le plus depuis hier est Yoav Hattab. Il s’agit d’un jeune tunisien âgé de 21 ans parti en France récemment. Des photos de Yoav ont circulé depuis l’annonce de son assassinat dans un hypermarché casher de la porte Vincennes. On le voit porter le drapeau de la Tunisie ou brandir fièrement l’index après avoir voté. Pour certains, Yoav est avant tout Tunisien. Pour d’autres, il est avant tout juif. Mais au-delà de la primauté du religieux ou de l’appartenance culturelle et géographique sur l’identité, il faut rappeler que c’est un Tunisien qui a été assassiné ce jeudi 10 janvier. Ce Tunisien a été là où il était au mauvais moment. Un acte anodin du quotidien lui a été fatal. Il a été victime du hasard mais surtout de son appartenance. Car Yoav n’a pas été assassiné par hasard, mais vraisemblablement, parce qu’il est juif, le lieu de l’attaque n’est certainement pas anodin et le choix du timing (un vendredi) non plus.

Le terrorisme a ciblé en cette semaine sanglante les « mécréants », la police qu’on désigne dans les milieux islamistes comme étant le « taghout » et les juifs. Ce choix est représentatif de la stigmatisation de certaines personnes dans la logique extrémiste qui voit, en eux, ses ennemis à abattre. Dans cette logique affrontant à coup de balles et de couteau la différence qui dérange, les extrémistes tentent en cette période politique instable de s’imposer, de conquérir une place et de gagner, par la force, une légitimité.

Installés dans le chaos libyen, au Mali ou au Yémen, les extrémistes religieux essaient de faire passer un message au monde entier afin de dire leur puissance et l’étendue de leur action. Du Châambi, à la Syrie, au Mali, au Yémen et même à Paris, ils agissent dans une harmonie déconcertante et leur action est le reflet effarant de réseaux installés et non visibles dans le monde digital et virtuel et dans celui réel et international.

Les extrémistes sont parmi nous. Leurs attaques et leurs communiqués en font état. Ils savaient à quelle heure se tenait la réunion de rédaction d’un journal satirique à Paris et savaient tout de Sofiene Chourabi ou du moins ce qui les intéresse. Dans un communiqué publié sur un site rattaché au mouvement islamiste au Maghreb, on lisait en réponse aux photos évoquant l’assassinat potentiel des deux otages tunisiens en Libye, une anecdote selon laquelle Sofiene Chourabi aurait bu du vin pendant le ramadan, qu’il se serait positionné du côté de Nadia Fani quand le film de celle-ci a suscité la polémique et qu’il a soutenu également la chaîne Nessma qualifiée d’être celle de la mécréance.

Ceux qui nous épient ont donc une marge d’avance sur ceux qu’ils visent. Loin d’être coupés du monde, ils sont ces citoyens qui estiment que la République ne les représente pas car trop éloignée de leurs idéologies voire de leurs idéaux. « Liberté, égalité, fraternité », « Liberté, dignité, justice, ordre » : autant de devises qui ne parlent aucunement aux fondamentalistes dont le seul crédo est de lutter pour l’islam et pour la mise en place d’une politique qui s’en inspire directement.

Tout ce qui diverge est ennemi, tout ce qui est autre est futile. Telle est la perception des fondamentalistes et de ceux qui font primer l’affront sur la violence qui se dit réponse à lui. Alors quand d’autres scandent « Je suis Charlie » et quand certains programment une manifestation en l’honneur d’un Tunisien juif mort sous les balles, ceux-là ne sont pas touchés par la cause et ne peuvent se sentir concernés par le soutien qui en découle. Loin de rassembler, la violence extrême a révélé de nombreuses scissions. Des lectures différentes pour un même fait et des réactions antagoniques quant à ce qui aurait pu être lu sans équivoque. Le constat ne doit pas être uniquement affligeant, il doit surtout être lu en profondeur et appréhendé d’un point de vue social et par le prisme politique. L’harmonie même dans la divergence est elle encore à la portée ? Une réponse est nécessaire pour pouvoir avancer.
11/01/2015 | 16:06
5 min
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Commentaires (31) Commenter
Et pourtant... deux états!
Gg
| 15-01-2015 18:31
Et pourtant, je voudrais que l'on débouche sur une solution : 2 peuples, 2 états.
Et chacun vit comme il veut.
Yasser Arafat avait failli réussir, et vraiment je n'ai pas apprécié la présence de netanyahu dans le cortège pour Charlie!
@ Hannibal, Gaza? Pffff....
Gg
| 15-01-2015 18:00
Je me souviens, c'était il y a une quinzaine d'années? J'habitais Strasbourg, j'étais allé à un forum de discussion dans le cadre des Droits de l'Homme.
Une jeune femme, environ 20 ans, avait pris la parole. Elle a raconté que, née Palestinienne, les hasards de la vie l'avaient envoyée, toute petite, aux Etas Unis.
Un jour, sa famille lui dit: Tu vas aller en Palestine, retrouver tes origines et ta famille.
Elle y est allée.
Et là bas, on lui a mis le foulard de force, elle a été violée par un oncle, puis mariée de force à un connard qu'elle ne connaissait même pas.
Elle s'est enfuie, en Israël. Et eux l'ont mise dans un avion pour les States.
C'est ça, votre modèle????
Je ne suis pas Gaza!
Gg
| 15-01-2015 17:46
Ils ont mis le Hamas au pouvoir, et le but du Hamas est la destruction d'Israël.
Alors non, je ne plains pas Gaza. On est responsable des gens que l'on choisit pour nous diriger.
Interessant sujet de Mme Oueslati !
Gg
| 15-01-2015 17:34
L'incompréhension est totale entre les commentateurs. Voilà qui nous promet de beaux jours....
je Gaza suis pas Charlie (Norman Finkelsein)
Sadok chikhaoui
| 15-01-2015 14:00
La publication nazie Der Sturmer, éditée par Julius Streicher, était connue pour ses caricatures antisémites obscènes.
Imaginez qu'une paire de frères juifs, éperdus de douleur face à la mort et à la destruction qui s'étaient abattues sur le peuple juif, aient fait irruption dans les bureaux du journal et assassiné des membres de son personnel.
Élèverions-nous au rang de martyrs et de héros ceux qui ont choisi de se moquer des croyances profondément ancrées dans les consciences d'un peuple souffrant et méprisé ; de dégrader, rabaisser, insulter et humilier les Juifs à l'heure de leur épreuve, alors que le monde qu'ils avaient connu se désintégrait tout autour d'eux ?
Imaginez qu'un million de Berlinois se soient mobilisés pour pleurer les pornographes politiques.
Applaudirions-nous à cette manifestation de solidarité ?
Streicher a été condamné à mort durant le procès de Nuremberg.
Il n'est pas rapporté que beaucoup de personnes dans notre Occident éclairé aient versé des larmes.
Désolé, Charlie.
@ Hannibal
Gg
| 15-01-2015 13:31
Ami, les tueurs ont eu contre eux le RAID, la BRI et le GIPN! Et des escadrons de CRS!
Des pelotons d'élite, hyper entraînés, avec des moyens énormes.
Le jour d'avant, les deux de Charlie ont tenté de s'enfuir. Ils ont échoué, chassés par 88.000 policiers et gendarmes, aidés par la population!
Ils n'avaient aucune chance.
Et le mélange, le doux mélange?
Gg
| 15-01-2015 13:26
Ne pensez vous pas que le mélange des cultures est infiniment plus prolifique que l'affrontement?
Il est prolifique, parce qu'il est doux et fraternel et parce que, multiplié par un nombre incalculable de cas, il fait avancer TOUTES les causes.

Tenez, exemple.
Comme vous le savez, puisque j'accapare les commentaires de BN au-delà du raisonnable, je suis marié avec une Tunisienne, musulmane par conséquent.
Je suis converti à l'islam, il le fallait pour nous marier aussi en Tunisie, mais je suis aussi musulman que j'étais catholique, c'est-à-dire sur le papier. En fait, je suis agnostique.
Eh bien chez nous, à la maison, nous ne mageons plus de cochon. Ai-je été tout à coup frappé d'aversion pour cette délicieuse bestiole?
Non, mais il est important pour ma femme de ne pas manger de cochon. Alors je n'en mange plus (d'autant que c'est moi qui fais la cuisine, je ne vais pas faire 2 repas!). Même en son absence, par une sorte de fidélité de l'appétit, je ne mange plus de cochon.
Je ne bois plus non plus d'alcool, ou très peu, en tous cas pas les vendredis.
Chez nous, un Coran trône en belle place dans le salon, et ma petite femme sort avec ou sans le foulard, selon les jours... comme elle veut.
Je fais en grande partie le ramadan, j'ai lu le Coran, expliqué par ma chérie.

Dans ma famille, même ma mère, ô combien gauloise pur jus, a accepté ces détails de vie, par amour pour ma femme, qu'elle adore!
Avant de la connaître, jamais vous n'auriez fait accepter à ma mère de ne pas manger de cochon! Mais maintenant, lorsque nous sommes ensembles, le gouteux animal n'a plus sa place dans le frigo.
En retour de tout cela, ma femme rentre dans les églises, nous parlons de la Bible et du Coran, elle me voit boire mon verre de vin à table, elle même ne crache pas sur une Celtia.

Il m'est même arrivé, lors d'un conseil municipal, de dire que puisque dans telle école il y a une majorité de musulmans, pourquoi n'acceptons nous pas de sortir le cochon des menus? Tout le monde mangera du poulet....
Mais cela s'est passé dans l'amitié, chacun faisant un pas vers l'autre.
Une autre fois, cela a bloqué sur les séances de piscine, pas d'horaires séparés pour les garçons et les filles. Là, comme d'autres, je me suis opposé, l'égalité hommes-femmes s'apprend à l'école, tandis que manger du cochon n'apporte rien à l'humanité.


Et voilà, on avance, et doucement, notre cas multiplié par des millions, produit le miracle du VIVRE ENSEMBLE sur un même sol.
Cela s'appelle la TOLERANCE et la FRATERNITE.

Des symboles, des valeurs...
Gg
| 15-01-2015 12:08
Je rebondis sur certains commentaires.

On peut être choqué par le fait que l'assassinat de quelques dessinateurs, fussent-ils d'un immense talent, mobilise des millions de personnes alors que dans le même temps, daesh assassinait des milliers de Nigeriens dans l'indifférence générale, et d'autres meurent de faim.
Je le suis aussi, choqué.

Mais je vous réponds: pourquoi l'assassinat de Chokri Belaïd a t-il mobilisé des centaines de milliers de personnes dans les rues de Tunisie? Ramenée aux populations relatives des deux pays -11 millions d'un côté, 66 millions de l'autre, cette mobilisation tunisienne pour le leader politique était encore plus considérable!

C'est que certains hommes, femmes, incarnent une cause, sont des symboles des valeurs d'un peuple.

Ici en France, les terroristes ont attaqué les valeurs qui font qu'il est possible de vivre ensemble, toutes religions confondues, dans le pays.
Ces valeurs:

Liberté (d'expression en l'occurrence),

Egalité (des hommes et des femmes, de tous devant la République),

Fraternité (vivre ensemble sur un même sol)

Laïcité (les religions, pour vivre ensemble, doivent s'effacer devant les lois de la Répulique, qui s'appliquent à tous et doivent être respectées par tous).

C'est pourquoi je vous proposais les deux lettres citées plus bas, écrites par de grands penseurs musulmans, elles invitent à une vraie réflexion des deux parties.

Dit plus directement, jamais la France ne se pliera à l'une de ses composantes religieuses, jamais elle n'incluera dans ses lois des diktats religieux, quand bien même certaines populations le revendiquent au nom de leur sacré.

VIVRE ENSEMBLE.
Cela exige que le sacré des uns, puisse être discuté par les autres.
Mon sacré n'est pas votre sacré, et réciproquement, et nous devons, pour vivre ensemble, accepter que l'on en parle, écrive, par la plume ou le dessin.
Enfin quoi, si les sacrés des uns et des autres s'imposent comme autant de lignes rouges à tous, on ne peut plus parler ni écrire ni penser, tout devient interdit!
Le vouloir est risible, et inadmissible.

C'est bien là le fond du sujet: il est, sur Terre, des groupes religieux qui, au nom de leur religion, voudraient imposer leur ordre et ses lois à l'ensemble de la planète.
C'est insoutenable, inadmissible.
D'ailleurs, est-ce vraiment la religion qui porte ces fanatiques? N'est-ce pas plutôt la soif du pouvoir, cachée sous la religion?

Vraiment, lisez ces deux lettres... merci.

J'en redonne les liens:

http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2793p034.xml0/#.VLPHUvVuZFg.facebook

http://blog.oratoiredulouvre.fr/2014/10/tres-profonde-lettre-ouverte-au-monde-musulman-du-philosophe-musulman-abdennour-bidar/
Fraternité? Oui!
Gg
| 15-01-2015 11:19
Ce matin j'ai envoyé mes voeux à un ami tunisien.

Voici mes voeux:

Bonjour mon ami!
Il n'est pas trop tard pour te souhaiter personnellement une bonne année, à toi et à ceux qui te sont chers!
Bonne année donc, j'espère que les évènements récents ne nuiront pas à notre amitié.
De mon côté j'oeuvre pour que mes amis français ne tombent pas dans le piège de l'amalgame, et ça marche...
Je t'embrasse!


Et sa réponse:

11:12
----------------
Bonjour cher ami, Bonjour Gérard,
Une bonne et heureuse année à toi et à tous ceux qui te sont proches.
Aucun acte inhumain ne peut ébranler de pres ou de loin ce à quoi je crois et pour le lequel je milite durant maintenant quelques décennies.
Ces derniers actes terroristes ne peuvent que renforcer ma volonté du vivre ensemble où on se trouve et peu importe nos convictions ou notre religion.
Avec toutes mes amitiés et mes affections fraternelles.
Elements de réflexion
Gg
| 15-01-2015 08:57
L'article de Madame Oueslati me paraît très indécis et flou dans son absence de conviction, mais le sujet l'est aussi.
Les commentaires, pour la plupart, m'affligent.
Mais il a le mérite de poser la question du vivre ensemble. C'est pourquoi je propose aux commentateurs soucieux d'harmonie entre les peuples, et qui veulent bien se donner la peine de débattre de ces sujets, de lire les deux lettres suivantes:

http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2793p034.xml0/#.VLPHUvVuZFg.facebook

http://blog.oratoiredulouvre.fr/2014/10/tres-profonde-lettre-ouverte-au-monde-musulman-du-philosophe-musulman-abdennour-bidar/