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Interview de Mohamed Frikha : Je ne suis pas le candidat caché d'Ennahdha
10/10/2014 | 1
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Interview de Mohamed Frikha : Je ne suis pas le candidat caché d'Ennahdha
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Mohamed Frikha a reçu Business News dans son bureau à Telnet dans la ville de Sfax, mercredi 8 octobre 2014 pour nous livrer sa vision dans le cadre des interviews hebdomadaires des candidats à la présidence de la République. Le fondateur de Syphax Airlines et de Telnet Holding, dont il a abandonné les commandes pour se consacrer à la politique, ambitionne de donner un nouveau souffle au pays, mais aussi à sa ville natale, Sfax.  Dans son bureau, où trône un exemplaire de Mansour Moalla, ce bourguibiste de père en fils, dit avoir toujours été intéressé par la politique, et oeuvrer aujourd'hui à réaliser un voeu pour le pays, mais aussi pour Bourguiba. Interview.



Quelles ont été les motivations de votre candidature à la présidence de la République ?

Le pays vit une situation catastrophique. Aujourd’hui, parmi les candidats, certains ont travaillé avec Ben Ali et sont responsables du blocage actuel. D’autres, qui ont gouverné après la révolution, n’ont pas satisfait le peuple. En voyant tout cela, je me dis que le pays a besoin de nouveaux visages, un apport nouveau et une vision nouvelle de la Tunisie. J’ai voulu apporter cette vision nouvelle d’une Tunisie qui fait travailler ses jeunes et assure aux Tunisiens des conditions de vie paisible, dans les domaines de la santé, du transport, de la sécurité, etc. Je vois aussi que mon pays est divisé, il y a donc un réel travail à faire pour unifier les idées et le modèle de vue de la Tunisie, mais aussi pour soigner une économie qui est aujourd’hui malade.
Tout cela m’a poussé vers l’élection présidentielle afin de donner une nouvelle vision de la Tunisie qui sera partagée par tous. Le peuple est aujourd’hui exaspéré par les promesses non tenues et il demande des actions concrètes. Je pense que moi j’ai la capacité de transformer rapidement les idées en projets et réalisations et j’ai une vision pragmatique pour y parvenir.

Vous évoquez les personnes qui ont déçu le peuple après Ben Ali. Ennahdha, en tant que membre de la Troïka en fait partie. Pourquoi avoir choisi de représenter ce parti aux législatives ? 
Le peuple a reproché à Ennahdha de ne pas s’être entouré de compétences. Maintenant qu’elle a fait ce pas, on ne va pas la blâmer. Ennahdha a reconnu qu’il a fait des erreurs dans sa gouvernance et il essaye de corriger aujourd’hui et de se rattraper à travers l’ouverture aux compétences nationales et aux nouvelles spécialités.


Votre rapprochement avec Ennahdha a beaucoup surpris, pourquoi avoir attendu les législatives pour exprimer ce choix ?
Ce rapprochement a, en effet, surpris plusieurs personnes. En tant qu’homme d’affaires je suis amené à avoir des contacts avec les différents gouvernements qui se sont succédés. J’en ai eu avec les ministres de Béji Caïd Essebsi, dont certains sont de grands amis, et j’en ai aussi eu dans les gouvernements de la Troïka et même au sein d’Ennahdha.
Il y a eu cet appel de la part de la centrale syndicale qui a dit que la prochaine étape sera économique et que le gouvernement aura besoin, pour développer le pays, de s’entourer d’hommes d’affaires. Contrairement à ce que certains ont pensé, ce n’était pas une mainmise des hommes d’affaires sur la politique, mais plutôt une nécessité d’offrir les compétences de personnes qui connaissent le terrain des affaires pour aider le gouvernement. Des contacts ont été entrepris avec plusieurs partis et lorsque j’ai été sollicité par Ennahdha, je n’ai pas réfléchi, j’ai tout de suite accepté. Je partage avec ce parti certaines idées et je n’en partage pas d’autres. J’aurai tout aussi bien pu le faire avec Nidaa Tounes.

Pourquoi ne pas avoir fait partie des listes de Nidaa Tounes ?
Ils ne m’ont pas sollicité. Mais s’ils m’avaient appelé, j’y aurai réfléchi. Ennahdha m’a contacté en premier et j’ai accepté pour l’intérêt du pays et de la région. Plusieurs personnes ont été surprises et je sais que certains lobbies ont bloqué ma participation à la vie politique. Les gens ne s’attendaient pas à ce que j’intègre la politique aux côtés d’Ennahdha, et c’est ce qui explique cette réaction surdimensionnée au moment où j’ai annoncé ma candidature. Je ne suis pas le seul homme d’affaires à l’avoir fait, que ce soit aux rangs d’Ennahdha ou d’autres partis tels que Nidaa Tounes. J’étais pourtant le seul à avoir été critiqué.


Ennahdha a-t-il essayé de vous dissuader de concourir à la présidentielle ?

Oui. Mais ce qui a dérangé Ennadhha ce n’est pas la candidature en elle-même, mais le fait qu’eux ont décidé de ne pas proposer un candidat en leur nom. Ils ont donc eu peur que ma candidature crée un amalgame auprès de leurs partenaires qui peuvent comprendre qu’Ennahdha a tenté une manœuvre. Ils ont essayé de me dissuader et je n’ai pas eu droit aux parrainages d’élus d’Ennahdha ni aux signatures de ses militants pour mon dossier de candidature.
J’ai mes convictions et, en voyant les membres de l’ancien régime se présenter à l’élection, j’ai dit à Ennahdha : « Vous n’avez aucun candidat à présenter, je me présente alors ». C’était de bonne foi et en toute transparence, je ne leur ai pas tiré dans le dos. Eux ont présenté leur point de vue et je les comprends. Je ne suis pas le candidat caché d’Ennahdha. Je suis indépendant et je tiens à mon indépendance. Il s’agit d’une initiative personnelle et je l’ai fait de manière citoyenne. 


Vous ne pensez donc pas être le candidat consensuel d’Ennahdha pour la prochaine présidentielle ?

Je suis le candidat qui va défendre les intérêts des Tunisiens, quelles que soient leurs classes, du jeune chômeur qui recherche du travail, à la famille moyenne qui voit son pouvoir d’achat diminuer, aux cadres de l’administration publique, aux agents de la police et de l’armée, ou encore, à l’homme d’affaires qui veut développer le pays. Je suis le porte-drapeau et le porte-parole de ces gens-là et c’est là la fonction de président de la République, c’est de représenter tous les Tunisiens. Même si dans la Constitution, les prérogatives de la présidence sont limitées le fait qu’il soit élu par le peuple et qu’il préside le conseil des ministres et l’exécutif lui permettra de défendre les intérêts de toutes les classes. Il faut que présidence, gouvernement et parlement s’unissent, indépendamment des prérogatives de chacun et de leurs couleurs politiques. C’est cela qui est important. C’est cette vision de la Tunisie qu’il faut avoir aujourd’hui, afin de donner la volonté aux Tunisiens de réaliser leurs rêves et de leur assurer le leadership nécessaire pour réaliser cela. Le Tunisien en a marre de la politique, il veut des réalisations concrètes. J’ai été hier en visite dans la localité de Mahress et j’ai vu de près les problèmes de la Tunisie profonde qui souffre d’un réel manque d’eau potable, mais aussi de transport, de santé, de routes et de chômage.
On me reproche de ne pas avoir d’expérience politique, mais l’enjeu, aujourd’hui, n’est pas politique. Les politiques ont fait leur travail en mettant en place une Constitution et en instaurant des libertés. Les Tunisiens ont aujourd’hui besoin de travail, de santé, de vie paisible, de transport, etc. c’est là le grand enjeu de la Tunisie. Cette prochaine étape requiert une union nationale mais aussi la restauration de la fierté d’appartenir à la Tunisie. Cette fierté qu’on a eue après la révolution et qui a finit par être oubliée avec tout ce qui s’est passé par la suite. Le président devra mobiliser les Tunisiens autour de ce projet et leur redonner espoir.


Vous avez accompagné Rached Ghannouchi lors de son récent voyage en Chine, quels sont les dessous de ce voyage ?

Dans le contexte actuel, les équilibres internationaux sont en train de basculer vers l’est. Je pense qu’il est important de consolider nos relations avec les pays d’Europe et des Etats-Unis mais aussi s’ouvrir sur les pays de l’Est, qui sont les pays du Golfe, la Turquie et la Chine. C’est dans cette logique que j’ai participé à ce voyage. Grâce à la ligne de Pékin de Syphax Airlines, j’avais des contacts en Chine et dans le cadre de mes candidatures aux législatives et à la présidentielle, j’en avais avec des responsables et des hommes d’affaires chinois. Ce voyage a été l’occasion de discuter des possibilités de projets en Tunisie. Les Chinois peuvent apporter beaucoup en matière de projets d’infrastructure et ils sont connus pour leur rapidité de réalisation des projets qu’ils entreprennent. Avec la Chine, il existe plusieurs projets en matière de développement régional qui permettront d’aider les régions défavorisées en Tunisie.
Ceci ne met pas en cause nos projets avec l’Occident, il s’agit d’une complémentarité. Les pays occidentaux ont des problèmes économiques aujourd’hui ce qui peut limiter leurs aides. Il est donc important de s’ouvrir vers d’autres partenariats, en attendant que la Tunisie reprenne en main son économie et se développe en comptant sur elle-même. 


Vous êtes non seulement le candidat de la Tunisie mais aussi de Sfax. Quels sont vos projets pour la ville ?

La ville de Sfax a longtemps été marginalisée. Elle a aujourd’hui besoin d’engagements et non de promesses. Il y a de nombreux projets évidents, dont celui de la ville nouvelle de Taparura qui donnera une nouvelle dimension à Sfax. J’ai des idées pragmatiques et des contacts et je m’engage à fermer l’usine de la SIAP (Société industrielle d'acide phosphorique et d'engrais), dans un délai d’un an, deux ans maximum, afin de remédier au problème de pollution dont souffre Sfax. Pour les problèmes d’emploi, les solutions ne manquent pas. Le projet Taparura créera toute une dynamique d’emploi pour cette région, notamment pour les jeunes et le nouveau métro permettra de pallier au problème du transport en assurant une continuité avec le reste de la ville. Il y a aussi des problèmes d’infrastructure et de santé. Le projet du nouvel hôpital de Sfax est bien avancé avec les investisseurs chinois, ce qui m’a été certifié lors de mon dernier voyage en Chine. Sfax est aussi candidate aux jeux méditerranéens et elle a été désignée capitale culturelle pour l’année 2016. Ceci implique la construction de la ville sportive de Sfax mais aussi un nouveau bâtiment culturel pour marquer cette date.
Je suis respectueux de mes engagements et je l’ai prouvé aussi bien au niveau national avec Telnet que régional grâce à Syphax Airlines. Pour ces projets-là, des contacts ont déjà été entrepris au niveau national mais aussi international.


Votre candidature à Sfax est tout de même plutôt controversée. Que répondez-vous ?
Les Sfaxiens ne le savent pas, mais j’ai senti que les politiques veulent utiliser la ville pour gagner les élections, compte tenu de son grand poids sur l’échiquier politique. C’est, notamment, pour cette raison que j’ai tenu à présenter ma candidature afin de défendre les intérêts de la ville, mais aussi de toute la région environnante (Sidi Bouzid, Gabès, Kairouan et Kasserine). Sfax pourra assurer le rayonnement de tout le sud tunisien mais aussi le centre et sera la porte de la méditerranée pour le développement de ces régions. Lorsque Sfax a été cloisonnée sous Ben Ali, c’est tout le sud et le centre qui en ont souffert. Sfax sera la locomotive du développement du sud et du centre du pays, et là, beaucoup de projets sont à réaliser.


Vous avez démissionné de la direction de Telnet et de Syphax avant les élections. Que ferez-vous si vous n’êtes pas élu à la présidence de la République ?

J’ai décidé d’aller vers la politique et je souhaite me concentrer et me donner le temps nécessaire pour y parvenir et sauvegarder, en même temps, les intérêts de Syphax Airlines et de Telnet. En Tunisie, nous n’avons malheureusement pas encore atteint un seul de maturité politique nous permettant de faire la distinction entre la politique et les affaires. J’ai constaté que des attaques se sont faites, au niveau de la bourse, contre les deux entreprises, j’ai donc voulu protéger mes actionnaires.


Vous ne pensez
donc pas que cela va léser les deux entreprises ?
Au contraire, je pense que Syphax Airlines va prospérer avec Christian Blanc, qui est une grosse pointure. Pour Telnet, je pense qu’il est temps, après 20 ans, de passer le relai et de donner un nouveau souffle. Je pense que Raouf Chekir, avec ses compétences, pourra réussir cette transition qualitative. Même s’il n’y avait pas d’élections, j’aurai pris cette décision de toute manière car il est important d’apporter un nouveau souffre et un nouvel apport. Cela vient au bon moment.


Quelles sont les grandes lignes de votre programme électoral ?
D’abord, l’emploi des jeunes et le développement de la qualité de vie des Tunisiens, et ce, afin de stimuler la consommation, renflouer les caisses sociales et créer toute une nouvelle dynamique ainsi que de nouveaux repères et horizons pour le pays.
Des projets concrets seront entrepris dans ce sens qui seront réalisés par l’Etat, par des investisseurs locaux mais aussi des partenaires étrangers. Pour créer une nouvelle dynamique, un plan Marshall devra être mis en place en Tunisie à travers la mise en place de projets d’infrastructure, de technologies nouvelles, de zones franches autour des frontières, etc. Ces projets dépendent bien sur du gouvernement, mais le président pourra donner cette vision et faciliter sa réalisation grâce à des contacts avec des investisseurs étrangers.
La Tunisie devra avoir un constructeur automobile afin de faciliter l’accès des Tunisiens aux voitures. J’ai entrepris des discussions dans ce sens avec des partenaires étrangers qui m’ont certifié que cela peut être réalisé en Tunisie en un temps rapide. Des constructions devront également être réalisées afin de permettre au Tunisien d’accéder au logement. En Tunisie, il est important de faire un plan de décollage « take-off » pour créer de la dynamique et rendre la confiance aux Tunisiens.
Il y a aussi du travail au niveau des forces de sécurité et de l’armée nationale. Il faut miser sur la qualité et les technologies pour avoir une armée solide. Sans armée forte, c’est notre souveraineté qui est en jeu et cela peut compromettre la réalisation de tous ces projets. Concernant les forces de l’ordre, il faut mettre en place une agence de renseignement centrale et il faut aussi investir dans les équipements nécessaires. Pour ma part, je m’engage à fournir les équipements nécessaires dans les 60 jours qui suivront les élections, grâce à mes contacts.
La première chose à faire après les élections sera d’organiser un congrès réunissant tous les partis politiques et les organisations nationales afin d’appeler à l’union nationale. La période de transition est derrière nous et chacun a commis des erreurs. Il faut tourner cette page aujourd’hui. La révolution a été faite par les jeunes et les jeunes ne s’intéressent plus à la politique, ils veulent de bonnes conditions de vie. Le président devra rassembler autour de ce projet.


Au milieu de tous ces candidats, où vous situez-vous? Est-ce que vous pensez que vous avez des chances d'accéder au second tour ?

Je pense que tout est possible et chaque candidat a ses chances. Je suis le candidat d’une nouvelle Tunisie et d’une nouvelle approche de la politique tunisienne. On dit qu’il faut des hommes d’Etat qui ont de l’expérience mais regardez comment ces hommes d’expérience ont tiré la Tunisie vers le bas. Je pense que le pays a aujourd’hui besoin de nouveaux visages et d’une nouvelle génération. C’est ce qui se fait dans le monde moderne et il faut que la Tunisie suive ce mouvement mondial.


Certain observateurs disent que vous tentez d’acquérir une immunité parlementaire ou présidentielle à travers vos candidatures, que leur répondez-vous ?

Pas du tout. J’ai toujours mené toutes mes affaires dans la transparence totale. Sous Ben Ali, je me suis tenu à l’écart de la politique et j’ai tenu mes affaires en toute indépendance. Je n’ai jamais eu de problèmes au contraire, j’ai eu la visite à Telnet de grands dirigeants étrangers et j’ai démarré mon entreprise avec un petit capital, sans l’aide de personne. Avec Syphax Airlines,  mes deux entreprises sont cotées en bourse, il n’y a rien de plus transparent. J’ai fait les choses dans les règles de l’art et je n’ai reçu de l’aide d’aucune partie politique. Je n’ai, par ailleurs, financé aucun parti et toujours tenu à mon indépendance. Hier à Mahress, les gens étaient désespérés. Ils m’ont regardé et m'ont dit : « On va attendre mais on ne vous pardonnera pas si notre situation ne s’améliore pas ». Ceci est un engagement pour moi, avant tout devant Dieu parce que je suis croyant, mais aussi devant les Tunisiens. J’honore mes engagements et j’assume mes responsabilités. J’ai la capacité de tenir mes promesses et je l’ai déjà prouvé par le passé à travers mes deux entreprises.


En une phrase, pourquoi on voterait pour vous ?

Si vous votez pour moi, vous votez pour une Tunisie nouvelle, pour les jeunes et pour l’espoir de la Tunisie. Un espoir réalisable et non pas un espoir de science-fiction. En tant qu’élu, je serai proche de tous les Tunisiens. Le sens d’engagement, de la compétence et de la crédibilité, vous votez pour tout ça et pour quelqu’un qui aime son pays et l’aime de tout son cœur.

Interview réalisée par Synda TAJINE

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