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Ahmed Manaï dénonce l'argent sale d'Ennahdha et l'avidité du pouvoir
19/04/2013 | 1
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Ahmed Manaï dénonce l'argent sale d'Ennahdha et l'avidité du pouvoir
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Le militant tunisien, expert auprès de l’ONU et auteur du livre « Le Jardin secret du général Ben Ali », Ahmed Manaï, expose depuis peu à l’opinion publique son point de vue quant à ce que vit la Tunisie ces derniers temps. Estimant que la Tunisie ainsi que les pays arabes et la religion musulmane passent par une crise, il a livré, dans le cadre de l’émission Labess de Naoufel Ouertani, diffusée sur la chaîne Ettounseyia, mercredi 17 avril, de nombreux détails concernant la période Ben Ali et particulièrement le coup d’Etat planifié par les islamistes et qu’il présente comme une « avidité excessive du pouvoir. »

Il y a de cela quelques jours, Ahmed Manaï a défrayé la chronique en dévoilant ce que percevait le président actuel, Moncef Marzouki, comme revenu lorsqu’il vivait en France. La somme de 6000 euros a été évoquée, selon le militant tunisien, suite aux propos de l’un des conseillers de M. Marzouki qui, tentant de justifier la collaboration de celui-ci (en tant que pigiste) avec la chaîne qatarie Al Jazeera, a présenté cela comme un recours lui permettant d’arrondir ses fins de mois.

Retraçant son parcours islamiste puis celui de réfractaire au parti Ennahdha, M. Manaï explique qu’il avait été contacté par Habib Mokni, un exilé en France depuis 1981, afin de rencontrer Rached Ghannouchi et un dirigeant d’Ennahdha à l’époque, dénommé M. Ennouri. Il avait compris, lors de cette rencontre qui a duré plusieurs jours, qu’Ennahdha planifiait de perpétrer un coup d’Etat en 1991 afin de prendre le pouvoir.
Les propos d’Ahmed Manaï n’accablent pas que les dirigeants d’Ennahdha, mais aussi des dirigeants français qui leur ont annoncé, à l’époque, la volonté de certaines parties du gouvernement français et notamment du ministère des Affaires étrangères, de faciliter aux islamistes l’accès aux médias français.

Des dirigeants islamistes entreprenaient de rentrer en Tunisie et s’organisaient même quant à la distribution des portefeuilles ministériels, d’après l’opposant Manaï. Ils envisageaient de recourir à la force. Cependant, M. Manaï avaient préféré quitter le parti Ennahdha suite au contraste entre la persécution que vivaient les islamistes restés en Tunisie et ceux qui vivaient à l’étranger et dont le seul souci était la querelle relative aux postes. Il affirme avoir quitté la commission spécialisée dans la communication, en août 1991 parce qu’il a découvert les plans d’Ennahdha, sans en avoir été officiellement informé.

Selon Manaï, la période allant de 1987 à 2011 doit faire l’objet de clarifications et d’analyses. Il affirme avoir exhorté Rached Ghannouchi à s’excuser auprès de ceux dont il a été à l’origine de l’emprisonnement et de la persécution en planifiant un coup d’Etat à distance. Les dirigeants islamistes de l’étranger ont manipulé les partisans en Tunisie en les endoctrinant afin d’arriver à leurs fins, dixit Ahmed Manaï qui a fait le parallèle entre ce type d’instrumentalisation à laquelle Ennahdha a fait recours en 1991 et celle qui se passe aujourd’hui en Syrie et ayant pour cibles les jihadistes.
Docteur Manaï fait état d’enregistrements effectués en France lors de son séjour de quelques jours avec Rached Ghannouchi et dans lesquels celui-ci incitait les partisans du parti islamiste à la violence dans un discours « dénué de discernement et de sagesse», selon ses dires. Il est donc du droit des Tunisiens, affirme-il, de connaître la vérité à savoir qui était derrière le supplice vécu par les jeunes islamistes en 91, leur emprisonnement, la torture qu’ils ont subie et leur éviction des institutions universitaires. Ces mêmes personnes sont désormais au pouvoir et il est de leur devoir d’assumer cette responsabilité factuelle et historique, selon lui.

Ahmad Manaï est revenu sur les propos de Ghannouchi le jour de la fête nationale de l’Evacuation, le 15 octobre dernier, à Bizerte et où le leader d’Ennahdha présentait les personnes mortes dans les combats qui opposaient la Tunisie à la France non pas comme des martyrs, mais comme étant des victimes du narcissisme bourguibien. L’ex d’Ennahdha assimile cela à du « narcissisme ghannouchien ».
Ahmed Manaï envisage de publier un livre où il décortique le passé des islamistes au pouvoir. Cependant, il préfère laisser aux Tunisiens le temps de connaître d’eux-mêmes ceux qui les gouvernent désormais.

Il dresse de Ben Ali un portrait différent de l’image diabolisée que certains veulent lui imputer après la révolution et voit, comme il le dit, en les 23 ans de pouvoir de l’ancien président une période pendant laquelle le pays a connu, certes des vols et autres abus, mais a vu surtout son infrastructure s’améliorer et ses institutions se moderniser.
Les Tunisiens mesureront, d’après Ahmed Manaï, l’apport négatif de la montée des islamistes au pouvoir d’ici peu, quand ceux-ci auront quitté le pouvoir. Il évoque, à titre d’exemple, le cas de Noureddine Bhiri, actuel conseiller du chef du gouvernement qui, en 1988, dans le cadre de sa défense des accusés islamistes sous le règne de Ben Ali, percevait des sommes importantes alors qu’il était membre du parti pour lequel se sont damnées ces mêmes personnes et dont les familles vivaient souvent dans la précarité. Comme après chaque période de guerre, des richesses s’accumulent chez certaines personnes, celles-là mêmes qui sont souvent parties prenantes et bénéficiaires à la fois.

Ahmed Manaï est passé, suite à ses propos controversés par les dirigeants d’Ennahdha, au statut d’ennemi du parti. Il fut même accusé d’être un collaborateur du régime répressif de Ben Ali. Chose qu’il dément, formellement, dans des propos menaçants envers ceux qui l’accusent et dont il tient des dossiers accablants.
Après avoir œuvré, des années durant, pour faire de la persécution que subissaient les islamistes une affaire d’ordre national voire international en mettant au profit de ceux-ci sa connaissance et ses réseaux de contacts, Manaï dévoile les dessous de ce parti, des dessous entachés de profits financiers et d’avidité de pouvoir d’après ses dires.

« Dans les années 90 notamment, un commerce lucratif a été mis en place au sein des arborescences islamistes », dit-il. De ce fait, « l’origine de l’argent que ces partis détiennent demeure inconnue tout comme la manière dont ces sommes sont dépensées », affirme l’ex militant islamiste. Celui-ci manifeste une suspicion quant à l’argent qui a servi à organiser la campagne électorale d’Ennahdha, en faisant un clin d’œil aux Cheikhs et autres Emirs des pays du Golfe qui seraient le principal soutien financier des islamistes.
Il exprime, également et surtout, son étonnement à propos de la poussée, comme des petits champignons, des nombreux bureaux luxueux d’Ennahdha à travers tout le pays. D’où est venu cet argent en un laps de temps si court ?, s’interroge t-il.

Par ailleurs, la réplique de Ben Ali au coup d’Etat orchestré par les islamistes en 1991 était, selon l’ex dirigeant d’Ennahdha, une réaction normale car, quand un régime se trouve menacé, il est tout à fait normal qu’il tente par tous les moyens qui sont en son pouvoir pour se défendre et assurer sa survie.
Celui qui a fait l’objet d’actes de tortures qu’il évoque, dans son livre « Supplice Tunisien », pourrait être taxé par certains de proie à un syndrome de Stockholm lui qui se met à justifier la torture. Cette notion psychanalytique inventée par le psychiatre Nils Bejerot en 1973 se définit comme un « comportement paradoxal des victimes de prise d'otage consistant à « développer une empathie, voire une sympathie, ou une contagion émotionnelle avec ses geôliers ». Ahmed Manaï a été doublement victime : cible de la persécution de Ben Ali, il aura aussi été celle du discrédit infligé par ses compagnons de routes islamistes.

Cependant, sa parole, désormais, libérée est loin d’être l’expression de celui qui s’est laissé corrompre par son ennemi au pouvoir à l’époque, mais celle d’une expression cathartique qui lui a permis de retrouver goût à la vie comme l’expliquent certains critiques et comme il l’affirme lui-même.

Inès Oueslati

19/04/2013 | 1
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