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Tunisie - La constituante est-elle un saut dans l'inconnu ?
02/09/2011 | 1
min
Tunisie - La constituante est-elle un saut dans l'inconnu ?
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On pensait au départ, ou du moins ceux qui l’ont défendu bec et ongles, que les élections d’une assemblée constituante allaient régler tous les problèmes du pays et concrétiser la réussite de la transition démocratique. Mais plus la date du 23 octobre approche, plus il apparaît qu’il existe nombre de problèmes que cette assemblée pose et qu’il faudrait régler sans tarder si nous voulons éviter un blocage institutionnel catastrophique pour la révolution, les citoyens, l’économie et le pays.

Déjà, l’élection d’une assemblée constituante n’était pas au départ une revendication populaire et donc pas une émanation de la révolution. Ce sont les assiégeants de Kasbah 2, soit les quelques milliers les plus politisés parmi la population qui ont porté ce slogan et l’ont imposé au gouvernement Ghannouchi.
Cela ne veut pas dire que c’était une mauvaise idée. Au contraire, la constituante a le mérite de matérialiser une rupture nécessaire avec un système politique évincé par la révolution du 14 janvier 2011 et les élections de cette assemblée constitueront, à coup sûr, le déclenchement du processus de la réalisation de la révolution et de ses objectifs. Cela veut dire tout simplement que la constituante n’était pas une revendication populaire au départ mais qu’elle l’est devenue par la suite.

Seulement la constituante a ses caractéristiques propres. Elle se donne un pouvoir absolu dans la mesure où elle rédige une nouvelle constitution, choisit un président de la république provisoire, nomme un premier ministre et un gouvernement, provisoires eux aussi, et détient un pouvoir de contrôle sur ces derniers en plus d’un pouvoir législatif d’une assemblée parlementaire ordinaire. Enfin, seule la constituante peut déterminer d’une manière souveraine la durée de sa mission.
C’est cette concentration des pouvoirs aux mains de la constituante qui dérange aujourd’hui et qui suscite les inquiétudes non seulement de certains partis politiques, mais aussi d’un pan important de la société civile tunisienne.
Car imaginons qu’un parti politique obtienne la majorité des sièges au sein de la constituante, on s’orientera inéluctablement vers un système hégémonique comparable à la situation politique en 1956, à l’occasion de la première constituante. Et même si ce scénario est peu plausible aujourd’hui compte tenu du système électoral mis en place qui écarte toute prépondérance, il n’en reste pas moins que le système de coalition et d’alliance entre les partis de proches obédiences pourrait nous ramener à la situation d’hégémonie qui ne reposerait plus sur l’unité organisationnelle mais sur l’harmonie et l’uniformité idéologique.

Ces craintes de voir une assemblée constituante détenir sans partage tous les pouvoirs s’expliquent aussi par la méfiance qui caractérise les rapports entre les partis politiques et les citoyens. Pour les avoir vus trop souvent opportunistes, comploteurs, hautains, lointains, mesquins, frileux et parfois insignifiants, plus soucieux de leurs dividendes partisanes que de l’intérêt public, les Tunisiens n’accordent pas ou plus leur confiance aux acteurs politiques et réagissent par la peur qui est excessive, peut-être, mais sûrement justifiée.
L’idée d’un référendum qui sera organisé le jour même des élections de la constituante le 23 octobre prochain puise sa légitimité dans cette méfiance à l’égard des partis politiques. Les initiateurs de cette idée, des partis, tous créés après la révolution, et des personnalités indépendantes proposent de donner au peuple la possibilité de s’exprimer sur des questions fondamentales qui touchent à la durée du mandat de la constituante qui ne doit pas dépasser les six mois, à ses prérogatives qui doivent se restreindre à la promulgation d’une constitution ainsi qu’au choix du régime politique qui doit être consacré dans le texte de la nouvelle constitution.

Mais l’idée de référendum, quoique séduisante, pose problème elle aussi. Autant la question de la limitation de la durée du mandat de la constituante est pertinente et réalisable parce qu’elle pourrait être l’objet d’un large consensus entre les partis, autant la question de la limitation des prérogatives est discutable dans la mesure où une constituante doit préserver les caractéristiques de son appellation. La fonction législative est tout autant nécessaire au cours de la prochaine période et il est plus rationnel que cette fonction soit assurée par des membres issus d’un suffrage universel que concentrée entre les mains d’un président nommé d’une manière provisoire.
Quant à la question de déterminer, au préalable et par référendum, le système politique qui constituera le socle de la nouvelle constitution, elle risque de mettre le pays dans une situation de contradiction inextricable entre l’expression d’une volonté populaire et l’expression de représentants légitimes de la volonté populaire. Cette hypothèse quoique lointaine peut devenir réelle si le système politique choisi par référendum se trouverait différent du système prôné par les membres de la constituante eux-mêmes élus le jour même par les mêmes électeurs.

Ne serait-il pas plus sain, dans ce cas, de trouver un consensus politique sur la limitation de la durée du mandat de la constituante, laisser cette dernière faire son travail et soumettre à la fin de son mandat la constitution rédigée à l’approbation populaire ?
Le référendum serait donc l’aboutissement du processus qui aurait permis entre autres choses, de dépasser le ressentiment de méfiance, de rapprocher l’opinion publique des actants politiques et de regarder enfin dans la même direction pour poursuivre ensemble le même rêve. Nous ne pourrons pas reconstruire notre pays si l’une de nos deux mains a le doigt constamment sur la gâchette.
02/09/2011 | 1
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