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Tunisie - La Rue pousse le gouvernement à partir par la porte de derrière
09/01/2014 | 1
min
Tunisie - La Rue pousse le gouvernement à partir par la porte de derrière
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La journée du 9 janvier 2014 est à marquer, à plus d’un titre, dans l’histoire de la Tunisie avec l’annonce officielle de la démission du gouvernement d’Ali Laârayedh, devenant ainsi un simple cabinet de gestion des affaires courantes en attendant la formation de son successeur par Mehdi Jomâa, et l’annonce de la suspension des nouvelles taxes sur les moyens de transport, décrétées dans la Loi de finances 2014, jusqu’à sa révision par l’ANC.

La démission d’Ali Laârayedh était, pourtant, prévue et programmée par la feuille de route, élaborée par le Quartet parrainant le dialogue national et signée par 21 partis politiques. Mais les dirigeants d’Ennahdha ont multiplié les déclarations faisant persister un flou artistique sur les réelles intentions du parti islamiste et du gouvernement de la Troïka.

C’est Rached Ghannouchi qui avait donné le ton en assurant qu’Ennahdha ne quittera pas le pouvoir puisqu’il aura le contrôle de tous les rouages à travers l’Assemblée nationale constituante, « autorité légitime et suprême où il détient une majorité relative mais importante des sièges ».
Ensuite, les Zied Laâdhari, Ameur Laârayedh, Ajmi Lourimi et autres Abdellatif Mekki et Imed Hammami, ainsi qu’Ali Laârayedh en personne, n’ont pas cessé de répéter que les trois processus, constitutionnel, électoral et gouvernemental, doivent s’achever simultanément. Autrement dit, pas de démission du gouvernement avant la mise sur pied de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) et l’adoption de la Constitution.

Mais c’était compter sans cette « Intifadha » de la Rue qui a tout « balayé » sur son chemin et a fait l’effet d’un véritable séisme sous les pieds du pouvoir en place. En l’espace de quatre jours seulement, le mouvement populaire des agriculteurs et des transporteurs a pu avoir raison des ultimes résistances d’un gouvernement accrocheur.
Il faut dire que les protestations ont fait tâche d’huile dans toutes les régions du pays et ont eu un effet boule de neige balayant tout sur leur passage : sièges de gouvernorats, de délégations du parti d’Ennahdha et des postes de polices sans oublier, bien entendu, le blocage de plusieurs routes, ce qui était annonciateur d’une paralysie totale de toute l’activité économique dans le pays.

Face à cette détermination implacable et le risque de voir le pays mis à feu et à sang, Ali Laârayedh a été contraint de hâter la présentation de sa démission. Certaines sources indiquent que cette pression de la Rue a été relayée et renforcée par une autre, à savoir celle des pays étrangers desquels notre pays et notre économie dépendent en grande partie.
En effet, certaines sources bien informées nous ont indiqué que, lors de leurs rencontres respectives avec Ali Laârayedh et Rached Ghannouchi, les ambassadeurs des Etats-Unis d’Amériques et de la Grande Bretagne leur auraient fait savoir que la situation est explosive dans le pays et que l’annonce de mesures d’apaisement et de la démission du gouvernement était souhaitable pour faire baisser la tension et éviter le pire tout en laissant entendre que l’armée, qui commençait à faire sa réapparition à Kasserine, se rangerait, le cas échéant, aux côtés des populations et non du pouvoir, comme elle l’avait fait, précédemment, à la veille et lors de la révolution du 14 janvier.

Ainsi et depuis l’avènement de la révolution, il y a trois ans, c’est le troisième gouvernement qui se voit contraint de quitter la scène sous la pression de la rue. Après Mohamed Ghannouchi, parti sous les cris des sit-inneurs de la Kasbah 1 et 2, et Hamadi Jebali, démissionnaire juste après l’assassinat de Chokri Belaïd, Ali Laârayedh connaît le même sort après l’assassinat de Mohamed Brahmi, qui avait conduit à l’émergence du dialogue national.
Et le dialogue national a abouti à l’élaboration de la célèbre feuille de route préconisant, entre autres, la démission du gouvernement actuel, une démission précipitée par la révolution des agriculteurs et des transporteurs.

C’est donc une sortie par la petite porte que fait Ali Laârayedh, poussé comme il l’a été par ce que tout le monde s’accorde à appeler une autre révolution du peuple de la Tunisie profonde, la Tunisie des régions de l’intérieur qui n’ont pas hésité à sortir dans les rues, à braver les risques des affrontements avec les forces de l’ordre qui, faut-il le mentionner, ont fait preuve de retenue et de sagesse en évitant tout affrontement et toute escalade.
Encore une fois, la preuve est donnée que ce sont les régions de l’intérieur qui peuvent faire reculer le pouvoir central et réussir les révolutions. En 1984, lors de la révolution du pain, en 2008 avec la révolution du Bassin minier de Gafsa et Metlaoui et en 2010/2011 avec la révolution qui a fait chuter le régime de Ben Ali.

On se rappellera des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes qui, des dizaines de jours et de nuits durant, manifestaient et organisaient des sit-in non-stop au Bardo, sans réussir à secouer, un tant soit peu, les Laârayedh, Ghannouchi et autres dirigeants d’Ennahdha et du CPR qui, au contraire, les qualifiaient de poignées de perturbateurs, de comploteurs et même de putschistes.
Cette fois-ci, les Tunisiens de l’intérieur du pays, sous la houlette des agriculteurs et des transporteurs ont pu ramener Laârayedh à rendre le tablier.
Dans son allocution, avec une mine pâle et un aveu d’impuissance face à des gens qui « ne comprenaient pas la justesse des mesures décidées dans cette fameuse Loi de finances », Ali Laârayedh rappelait, par moments, le fameux discours de Ben Ali qui essayait, un certain 13 janvier 2011, de reprendre les choses en mains. En vain !...

En vain, aussi pour Laârayedh, Ennahdha et la Troïka qui n’ont trouvé aucune partie, hormis leurs fanas et inconditionnels, bien entendu, pour les soutenir. Il faut dire qu’ils ont réussi le tour de force de se mettre toutes les catégories sociales et professionnelles à dos !
Les magistrats, représentés par leurs deux organisations de l’AMT et du SMT, les médecins, représentés par le Conseil de l’Ordre et les différents syndicats, les sécuritaires à travers leurs différents organismes syndicaux, les chômeurs, les transporteurs, les agriculteurs, les créateurs, les journalistes, les hommes d’affaires, les sportifs et les douaniers… Toutes ces corporations ont des choses à reprocher au gouvernement sortant.

Pourtant, on se rappelle que Rafik Abdessalem, ancien ministre des Affaires étrangères, se targuait que le cabinet de la Troïka est le gouvernement le plus fort de toute l’histoire de la Tunisie ! Et dire que le même Abdessalem est officiellement mis en examen dans une affaire de corruption et de détournement de fonds publics !
On se rappellera les diatribes prononcées par les Abdelkrim Harouni, Tarak Kahlaoui, Sihem Badi, Sahbi Attig, Nejib M’rad, Walid Bennani, Yamina Zoghlami, Slim Ben Hemidène, Imed Daïmi, Houcine Jaziri, et la liste est bien longue.
On se rappellera les dizaines de mois passés par certains accusés sans procès, ni jugement et encore moins sans chef d’accusation étayé par des preuves ou des dossiers. Certains ont pu être libérés sans la moindre excuse alors que d’autres croupissent encore en prison.
On se rappellera que des jeunes croupissent encore en prison pour des délits d’opinion ou pour de simples graffitis, alors que le président de la République, élu avec 17 mille voix seulement, ose dire, pour un de ces détenus, « qu’il est en prison pour son bien » !

Il est bon de rappeler, pour résumer, qu’Ennahdha paie les frais de son usurpation du pouvoir dans le sens où le scrutin du 23 octobre 2011 portait, au départ, sur l’élection d’une ANC pour UNE année seulement afin d’écrire la Constitution, élaborer le code électoral et mettre sur pied les trois principales instances, en l’occurrence celles des élections, de l’ordre judiciaire et des médias. Point à la ligne.
Mais avec la petite Constitution et l’illimitation de la période transitoire, ce fut le putsch qui a amené Ennahdha et ses deux alliés au pouvoir, donnant lieu à un gouvernement formé, dans sa majorité, par d’incompétents.
Et plus de deux ans après, la Tunisie doit s’en sortir d’une situation dramatique avec plein de champ de mines, dont notamment les milliers de nominations partisanes, que le prochain gouvernement est appelé à désamorcer afin que le processus démocratique transitoire soit mené à bon port avec le minimum de casse.
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