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Chroniques
Je te terrorise et je te vole, tu m'indemnises et tu la fermes !
30/12/2013 | 1
min
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Par Marouen Achouri

Le 30 décembre 2013 est une date qui restera dans l’histoire de la Tunisie comme étant celle du plus grand et du plus beau braquage de l’histoire moderne de ce pays. Plusieurs élus ont convenu une ratification dans la loi de Finances 2014 pour y inclure la mise en place d’un fonds destiné à indemniser les prisonniers politiques.

Il n'y a pas de montant spécifié clairement mais on parle de plus de 1000 millions de dinars destinés à garnir les poches des prisonniers politiques qui se trouvent être des nahdhaouis principalement. Cela veut dire que le combat qu’ils ont mené contre la dictature est un combat qui se monnaye et qui s’achète. Vol, arnaque, braquage… ces mots ont fleuri sur la toile en réaction à cette mesure introduite en catimini au milieu de la nuit. La contestation a commencé au sein de l’hémicycle par Iyed Dahmani qui a qualifié ce qui se passait de vol. Les députés s’en sont trouvés dérangés en plein travail. A tel point qu’on a tenté de s’en prendre physiquement à l’élu d’Al Joumhouri.

Le plus ironique c’est que c’est Tarek Bouaziz, élu d’Al Aridha, puis à la solde de Bahri Jelassi, qui a tenté de s’en prendre à Iyed Dahmani. C’est un braquage institutionnel qui a été perpétré cette nuit-là au sein d’un Assemblée décimée. Les constituants de l’opposition n’ont pas jugé utile d’être présents pour voter la loi de Finances 2014. On ne peut que les comprendre, comment faire des plateaux télé en ayant des cernes sous les yeux ?

Une opposition qui ne s’oppose qu’à elle-même en réalité. S’ils mettaient une partie de la hargne qu’ils développent entre eux à défendre les intérêts du peuple, il aurait été possible de sauver ces quelques millions de dinars qui vont servir de parachutes dorés aux élus de la Troïka. Une opposition qui n’hésite pas à donner le bâton pour se faire battre puisque les absents ont toujours tort. Quand l’un d’eux tente de se révolter contre une mesure ou une proposition, on brandit à son visage l’argument massue de son absence lors des travaux de l’assemblée. Lors du vote de cette loi de braquage, seulement 120 élus étaient présents sur un total de 217, 87 d’entre eux ont voté oui.

On verra dans les prochains jours les stars de l’opposition se succéder sur les plateaux télé pour dénoncer les grands méchants d’Ennahdha. Pour nous expliquer qu’on est en train de se faire voler. En somme, les stars de l’opposition s’adonneront à leur sport favori : défoncer des portes ouvertes, accumuler les lieux communs en comptant sur la bêtise du citoyen pour en faire un discours politique.
Leurs homologues de la majorité ne valent pas mieux. La lutte pour la démocratie et pour la liberté ne se monnaye pas puisqu’elle n’a pas de prix. Etre arrivés à l’hémicycle pour écrire la Constitution de leur pays devrait suffire à les honorer. Par contre, on pourrait trouver une logique à cette démarche de « retour sur investissement » si l’on considère que c’est une indemnisation pour les tentatives de putschs ratées ou pour une conquête infructueuse du pouvoir. Il faut bien que ce peuple inconscient paye pour la souffrance de ceux qui tentaient de le guider vers le mieux !

Mais il faudra établir un contrat avec les personnes qui vont profiter de ces indemnisations. Puisqu’on paye pour leurs déboires passés, on demandera à ce qu’ils ne brandissent plus, en aucun cas, ce passé glorieux d’activistes de la démocratie et de combattants anti-dictature. Ce passé appartient au peuple puisqu’il l’a acheté avec son argent. Plus question de pleurnicher en faisant la victime, plus question d’entendre les diatribes du genre : « On m’a torturé, on m’a spolié, on m’a privé de mes droits ». Toute cette souffrance a été achetée, en espèces sonnantes et trébuchantes.

Les justifications présentées par certains pour la création de ce fonds d’indemnisation sont surréalistes. Samir Ben Amor dit qu’il n’y a pas d’indemnisations mais juste une loi pour créer le fonds sans que les moyens de le financer ne soient encore prévus. Il veut dire par là que l’indemnisation n’a pas commencé et qu’il est inutile de s’affoler vu qu’on ne sait pas encore d’où viendra l’argent. Il semble oublier que quelle que soit la formule de financement trouvée, ce sera au contribuable de payer. Ce sera au contribuable d’acheter les nouvelles bagnoles et les nouveaux appartements !

Il est ironique que cette manœuvre ait été dénommée « Fonds de la Dignité ». Un écrivain était venu trouver le célèbre dramaturge irlandais, Georges Bernard Shaw, pour l’accuser d’écrire pour l’argent alors que lui, écrivait pour la gloire. Le grand auteur répliqua magnifiquement : « Chacun de nous recherche ce qui lui manque ». A méditer.
30/12/2013 | 1
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