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Tunisie – Assemblée constituante : Ennahdha prend tout le monde à contre-pied
06/01/2013 | 1
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Tunisie – Assemblée constituante : Ennahdha prend tout le monde à contre-pied
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Cela avait commencé en décembre dernier, lors du vote pour le budget de l’Etat et la Loi de Finances pour l’exercice 2013. Tous les budgets de l’ensemble des ministères ont été votés, à l’exception d’un seul… celui de Moncef Marzouki, président de la République tunisienne. Le CPR s’indigne et menace ! Il s’agit là d’un coup de poignard dans le dos asséné par Ennahdha à l’un de ses principaux partenaires, fortement affaibli. Principaux partenaires qu’Ennahdha entend bien faire redescendre sur terre…

Après le coup du budget de la présidence, que le CPR était seul à défendre et qui a obligé les conseillers d’un président humilié à sortir leurs griffes, menaçant de recourir à des arrêtés républicains pour obtenir ce qu’ils réclament… Ennahdha opère un spectaculaire coup de bluff sur le projet d’amendement du Règlement intérieur, prenant tout ce beau monde qui s’égosillait à s’indigner, à contre-pied… refusant en bloc et contre toute attente, ledit projet.

Retour, dans un premier temps, au projet en soi. Une aberration selon la quasi-totalité des élus. Du jamais vu dans un pays démocratique digne de ce nom, selon de nombreux experts en droit parlementaire.
Le problème de l’Assemblée nationale constituante peut être classé en deux sous-parties : la lenteur des débats pour la discussion et l’adoption des projets de loi et la lenteur des débats pour la rédaction de la Constitution. Ces deux problèmes doivent être résolus, dans le Règlement intérieur, par deux types de procédés. Le premier : les sanctions à l’égard des élus dont l’absence et le manque de ponctualité freinent le travail à l’Assemblée. Le second : élaborer des règles claires et précises quant aux procédures, afin que les lacunes constatées dans de nombreux articles du Règlement intérieur, soient palliées, afin de ne plus laisser aux élus la liberté d’interpréter lesdits articles, selon leur bon vouloir. Etablir un calendrier n’étant pas encore à l’ordre du jour.

Ainsi, durant plus d’un an, les élus naviguaient à vue. Aucune séance plénière n’a jamais commencé à l’heure prévue, le quorum n’étant jamais atteint et la séance souvent levée et retardée d’une heure (théorique)... Les députés utilisaient, pendant la séance, les points d’ordre comme des fourre-tout, pour crier, s’indigner et accessoirement ou principalement, commencer la campagne électorale avant l’heure… et ne surtout pas gâcher un passage remarqué à la télé. Des réunions des commissions ont également été purement et simplement annulées, faute d’élus suffisants. Retardant et la rédaction au sein des commissions constituantes et l’élaboration des projets de loi dans les commissions législatives.
Lorsque les élus membres des commissions constituantes avaient, enfin, trouvé leur rythme et achevé le premier jet de la partie dont ils avaient la charge, ils se sont retrouvés dépourvus lorsque les recommandations du comité mixte en charge de la coordination et de la rédaction sont venues. Voyant que ses recommandations n’étaient pas les bienvenues, le comité mixte aura à cœur de les rendre contraignantes. Pour toutes ces raisons et d’autres encore, rien de mieux que d’amender le Règlement intérieur.

La commission spéciale du règlement intérieur et de l'immunité, à la tête de laquelle se trouve Haythem Belgacem, aura cette lourde tâche. À rappeler, à toutes fins utiles, que M. Belgacem, président du groupe parlementaire du CPR, n’est membre d’aucune autre commission.
La nouvelle année s’ouvrira donc sur ce projet, élaboré par ladite commission. Des mois que les députés parlent de l’amendement nécessaire du Règlement intérieur pour accélérer les travaux. Des mois que cette commissions travaille donc pour pallier les lacunes du Règlement actuellement en vigueur. Mustapha Ben Jaâfar et Habib Khedher auditionnés, quelques personnes consultées et le projet est publié sur le site officiel de l’ANC. Et quel projet ! « Ma cervelle a fini par avoir un bug », conclura Adel Bsili, conseiller juridique de premier ordre à l’Assemblée constituante, sur son blog.

En effet… Pour être sanctionné à cause de ses absences injustifiées, il faut que l’élu s’absente trois fois de manière consécutive. S’il vient donc une fois sur trois, il est considéré comme assidu. Il s’agira du seul droit « octroyé » au député, le reste étant un ensemble de devoirs vis-à-vis de la sacro-sainte présidence de l’Assemblée et de sa cour (le bureau). Habib Khedher, rapporteur général de la Constitution, aura également droit à quelques faveurs, loin d’être négligeables.
Les élus montent au créneau. L’article 104 donne les pleins pouvoirs au comité mixte, l’article 89 empêche un député de demander plus d’un point d’ordre par séance, l’article 91 interdit aux élus de déposer plus d’un amendement par article, si ces élus font partie de la commission concernée par le projet, il n’auront droit à aucun amendement. L’article 100 donne les pleins pouvoirs au bureau, présidé par Mustapha Ben Jaâfar, pour sanctionner les élus qui se comporteraient mal, sans laisser aux élus la possibilité de se défendre, etc. Députés de tous les blocs montent au créneau pour crier au scandale, s’indigner, s’égosiller à rejeter, arguments à l’appui, chacune des aberrations (ou pas) de ce projet. Seuls les élus d’Ennahdha resteront relativement discrets, faisant valoir la nécessité d’amender le Règlement intérieur, mais sans trop entrer dans les détails.

Haythem Belgacem, seul au monde, tente de relativiser et de temporiser. Des heures ont été nécessaires, ce jeudi 3 janvier 2012, pour réunir les multiples amendements présentés pour ce projet. En costume-cravate, une fois n’est pas coutume, Haythem Belgacem se justifie : « Nous avons étudié les règlements des autres pays ». Il donne donc l’exemple de plusieurs pays « démocratiques » comme l’Algérie pour justifier le fait que 10 élus au moins peuvent présenter un amendement. Le Maroc qui limite à une minute le point d’ordre, le Liban ou le Cameroun pour justifier le droit d’exclure un élu… « Nous n’avons rien inventé, nous sommes même revenus au Règlement intérieur de l’Assemblée constituante de 1956, et nous sommes également remontés à l’époque du beylicat en 1922 », déclare M. Belgacem.
« Haythem Belgacem était le président de la commission, et en cette qualité, il ne représente pas le CPR », se désolidarisait Samia Abbou sur les ondes de Shems Fm.

Entretemps, les députés d’Ennahdha font passer le mot, en toute discrétion. Hors de question pour eux de laisser l’occasion au CPR de leur rejeter la faute des incohérences du Règlement intérieur. Sans dire à personne, sans même, selon plusieurs témoins, s’être réunis, les élus d’Ennahdha, y compris les élus membres de la commission spéciale, votent en bloc contre le projet d’amendement du Règlement intérieur, rejeté à 104 voix contre, sur 108 présents, sous le regard stupéfait de Haythem Belgacem. Un sérieux coup apporté au président du bloc du CPR, mais aussi au président de l’Assemblée, et leader d’Ettakatol, Mustapha Ben Jaâfar ; histoire pour Ennahdha de rappeler à ses partenaires qui est le maître.
06/01/2013 | 1
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