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Tunisie- Ce qu'Ennahdha voudra, la Constituante pourra
27/11/2011 | 1
min
Tunisie- Ce qu'Ennahdha voudra, la Constituante pourra
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Voilà près d'une semaine que l’Assemblée Constituante a inauguré ses travaux, lors de la séance d’ouverture, forte de multiples rebondissements, du lundi 22 novembre 2011. Tahar Hmila s’était alors remarquablement distingué par ses frasques et son style inimitable. Après l’élection de Mustapha Ben Jaâfar, tard dans la journée, à la présidence de la Constituante, l’homme posé et consensuel qu’est le leader du parti Ettakatol avait réussi à rétablir le calme et accélérer les travaux. Le lendemain en fin de matinée, deux commissions étaient élues, comportant chacune 22 membres de l’Assemblée constituante afin de discuter des projets sur le règlement intérieur de l’Assemblée et l’organisation provisoire des pouvoirs publics. Les commissions se réunissant à huis clos, il a fallu attendre que ceux qui y participent nous transmettent le déroulement des pourparlers.

À la lumière des informations qui ont filtré, les débats semblent vifs au sein desdites commissions. Mais que se passe-t-il au sein de ces réunions à huis clos ?
Ces premières informations parvenues nous laissent penser que les désaccords et les controverses ne font que commencer.
Après le différend entre Ennahdha et Ettakatol au sujet d’un accord qui n’aurait pas été respecté par le parti islamiste de nommer un élu de l’opposition (en l’occurrence le PDP) en tant que membre du bureau directeur de la commission en charge d’établir le règlement intérieur, c’est à présent au sein de l’autre commission, celle de l’organisation des pouvoirs, que les débats font rage.

Iyed Dahmani, élu du PDP, a été parmi les premiers à critiquer le projet que la coalition souhaite faire passer au sujet de l’organisation des pouvoirs. Celui-ci est pour le moins controversé. En effet, vendredi et samedi derniers, les discussions ont porté sur les prérogatives du président de la République et du Premier ministre, d’une part, et sur la manière dont le gouvernement doit être formé et les possibilités d’y opposer un contre-pouvoir, d’autre part.

Ennahdha et ses alliés auraient donc préalablement préparé un document où il est question de donner les pleins pouvoirs au chef du gouvernement et de ne donner au président de la République qu’un pouvoir extrêmement restreint, essentiellement symbolique et protocolaire. Par ailleurs, le mouvement Ennahdha souhaite que le Premier ministre soit obligatoirement issu du parti ayant eu la majorité, même relative. Ceci n’ayant rien d’étonnant, ce point était déjà précisé dans le programme électoral d’Ennahdha.

Le point qui a été fortement dénoncé samedi 27 novembre 2011 par des représentants de l’opposition était enfin la proposition concernant la motion de censure au gouvernement. Le mouvement Ennahdha propose en effet que le vote de confiance au gouvernement se fasse à la majorité absolue (50% +1) mais que la motion de censure pouvant éventuellement le faire tomber ne puisse être votée qu’aux 2/3. A titre de comparaison, en France, il est possible de proposer une motion de censure au gouvernement avec la signature de 10% des députés et celle-ci est adoptée si elle obtient la majorité absolue des voix (50% + 1), le principe est globalement le même en Angleterre, en Turquie, etc.
Ettakatol aurait, pour tenter de trouver un compromis, proposé que la motion de censure puisse être votée aux 3/5 au lieu des 2/3 d’Ennahdha. Ce qui ferait passer la proportion de 66% à 60% de voix favorables. Une remise de 6% qui ne change, en réalité, pas grand-chose.

Ainsi, dans les deux cas (60 ou 66%), le mouvement Ennahdha, avec 41% de sièges à l’Assemblée Constituante serait assuré de garder le pouvoir, quoi qu’il arrive, au moins jusqu’aux prochaines élections. Et, si hypothèse improbable où une motion de censure est votée contre elle (ce qui voudrait concrètement dire que, pour arriver aux deux tiers, un certain nombre d’élus Ennahdha devraient voter une motion de censure contre leur propre parti), l’obligation, selon les vœux d’Ennahdha, pour le président de la République de nommer un Premier ministre issu du parti majoritaire lui redonnerait automatiquement le pouvoir. Autant dire que c’est une organisation élaborée sur mesure pour le parti islamiste, du moins pour cette période provisoire. Voire une période autrement plus longue si ce projet inscrit dans le programme d’Ennahdha passe lors de l’élaboration de la Constitution.
Hamadi Jebali avait déjà prévenu que si aucun consensus n’était trouvé concernant le régime parlementaire qu’ils défendent, ils passeraient directement au vote. Autrement dit, soit vous êtes d’accord sur le régime parlementaire soit nous l’imposerons par le vote. Il s’agirait là, plus de mettre tout le monde devant le fait accomplis, que d’un consensus.
Un autre point du projet qui mériterait d’être soulevé concerne, à ce sujet, la manière dont les articles de la Constituante devront être votés. Le projet stipule que si la majorité des deux tiers n’est pas obtenue pour un article, il serait procédé à une seconde lecture dudit article dans le mois qui suit, et la majorité absolue serait alors suffisante pour l’adopter. Nous y reviendrons.

La première interrogation concerne alors le rôle joué par Ettakatol et le CPR dans l’élaboration de ce projet. Car la question de l’organisation des pouvoirs a été au centre des concertations post-électorales au sein de ce qui a été appelé les commissions tripartites, et tout porte à croire que l’accord d’alliance conclu entre les trois partis englobe ce projet.
Quel intérêt auraient alors les deux partis minoritaires dans cette alliance à accepter ces conditions. Les petites parts de gâteau qu’ils ont récoltées ont-elles suffi à faire pencher la balance en faveur du parti islamiste ? La politique politicienne a certainement des raisons que la raison ignore… et, s’il est aisé de cerner l’intérêt d’Ennahdha entre les lignes de ce projet, les voies du CPR et surtout d’Ettakatol semblent impénétrables.

Ces questions, qui n’ont pas été tranchées au sein des commissions, seront débattues en séance plénière, probablement à partir de mardi, et nous aurons alors plus de visibilité sur les desseins de chacune des parties présentes. À suivre…

Monia BEN HAMADI

Consultez le projet complet d’organisation des pouvoirs (en arabe), tel que publié dans le journal Assabah, ici
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