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Sami Zaoui parle de la censure d'internet, de Tunisie Telecom, de la concurrence et de l'avenir
03/02/2011 |
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Sami Zaoui parle de la censure d'internet, de Tunisie Telecom, de la concurrence et de l'avenir
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C’est une discussion franche et à bâtons rompus que nous avons eus, mercredi 2 février 2011 avec Sami Zaoui, secrétaire d'Etat chargé des technologies de la communication.
Président de l’ATUGE et partenaire-conseiller d’Ernst & Young, il a dû quitter précipitamment ses fonctions pour rejoindre le gouvernement d’union nationale. Ce privé pur se retrouve, donc du jour au lendemain, au beau milieu de l’administration dure.
Quels sont ses projets comment va-t-il aborder les dossiers urgents, comment va-t-il retirer les distorsions flagrantes dans le secteur des télécommunications, quelle est sa position face à la censure de l’internet ? Sami Zaoui accepte toutes les questions et reste fidèle à son habitude, il ne vous coupe jamais la parole. Mais cela ne veut pas forcément dire qu’il répondra à tout ou que ses réponses soient convaincantes.


Hier c’était un ministère, aujourd’hui c’est un secrétariat d’Etat collé à l’Industrie. Sami Zaoui ne semble pas s’en faire avec ce qui peut être considéré comme une marginalisation d’un secteur aussi important. Avec le ministre de l’Industrie, il y a une symbiose, dit-il, et une bonne communication et trouve normal ce resserrement gouvernemental. Industrie et technologies vont de pair pour lui. Voire ! Il y a quelques années, les technologies et le transport allaient bien de pair aussi, selon Ben Ali.
Premier point abordé avec le jeune atugéen, la censure des sites dits contraires aux bonnes mœurs. Une décision qui passera via le ministère public et sera prise par un juge. M. Zaoui tentera de justifier la position du gouvernement en évoquant la censure des sites pédophiles (par exemple) dans les pays occidentaux et par la volonté de répondre à la demande de la majorité silencieuse.
Il y a un hic, c’est que cette majorité qu’il appelle silencieuse ne semble pas vraiment embarrassée par les chaînes satellitaires qui passent sans cryptage dans son téléviseur. Frise-t-on donc l’hypocrisie ? « Il faudra savoir où mettre le curseur », répond M. Zaoui. Puisqu’il faudra bien en mettre un, pourquoi ne pas créer un abonnement internet ouvert et un autre avec une sorte de contrôle parental ? A la question, le secrétaire d’Etat répond que les FSI ne sont pas équipés. Soit. Et l’ATI ? Elle est bien équipée et pourra bien proposer ce service. M. Zaoui promet de se pencher sur ce point avec le gouvernement, mais sans grande conviction apparente.
Il rappelle un point fondamental, cependant, la nécessité de mettre en place une loi légiférant l’Internet puisqu’il y a actuellement un vide juridique. Une sorte d’Hadopi à la tunisienne en somme et dont l’élaboration nécessitera une bonne année au minimum.

Deuxième sujet abordé, celui des télécommunications. Premier gros chantier du secteur, l’autorité de régulation dont le président, Kamel Saâdaoui, a été nommé aujourd’hui même.
« L’INT n’a jamais pu jouer son rôle de régulateur convenablement en raison des multiples ingérences, dit-il. En fait, tout le secteur a été pénalisé par ces ingérences, de ces licences qu’on donne aux uns et pas aux autres » Et de citer la 3G, le dégroupage et autres.
L’orientation du secrétaire d’Etat est que l’INT fonctionne normalement et conformément aux standards internationaux dans les six mois.
L’objectif étant de retirer toutes les distorsions observées dans le secteur de telle sorte que les trois opérateurs téléphoniques soient à égalité avant la fin de l’année.
En d’autres termes, Tunisiana aura sa 3G cette année, les prix de l’interconnexion seront révisés à la baisse (et donc les prix des communications téléphoniques des Tunisiens) et tout ce qui fait que la concurrence soit saine et bien saine.

S’agissant de l’ATI, Sami Zaoui indique qu’elle sera transformée et qu’elle ne sera plus le nœud unique de l’internet tunisien. Tunisie Telecom devrait, par ailleurs, sortir de son capital. Son existence demeure justifiée, cependant, vu la grande valeur ajoutée qu’elle présente à l’internet tunisien. « Je vous garantis qu’elle a une bonne place dans le paysage technologique. »
Le sujet de l’introduction en bourse de Tunisie Telecom (qui était prévue en février) a été abordé et le secrétaire d’Etat a indiqué que des négociations sont actuellement en cours avec l’actionnaire émirati Tecom. La décision d’introduction n’est pas abandonnée, mais il est fort probable que le timing sera changé. Une décision en ce sens sera annoncée dans quelques jours. M. Zaoui rappelle que parmi les éléments à prendre en considération par rapport à ce sujet, le moral des investisseurs.
La même question a été évoquée s’agissant de l’introduction de Tunisiana et des parts appartenant à Princesse Holding.
Aucune décision n’a été prise et ce sujet n’est pas exclusif à Tunisiana et Princesse Holding uniquement, mais à tous les biens appartenant aux membres de la famille Ben Ali dont les noms ont figuré sur la liste publiée par le gouvernement.
Reste à savoir pourquoi a-t-on désigné certains comme étant des « voleurs » et d’autres pas. A cela M. Zaoui indique que rien n’est définitif, que ces personnes ont fui le pays et qu’il y a tellement d’éléments concordants qui ont poussé le gouvernement à établir cette liste d’une manière conservatoire.
Quelle sera la tendance quant au sort de ces entreprises ? Elles continueront à fonctionner (sans aucun doute) et, parmi les pistes évoquées, il y a celle de la nationalisation avant la cession à des tiers ou l’introduction en bourse. Parmi les problèmes liés à l’idée, la capacité d’investissement du pays pour reprendre ces entreprises et s’il ne sera pas meilleur de consacrer cet investissement à d’autres secteurs. Toutes les pistes restent donc ouvertes d’autant plus qu’il s’agit de milliards de dinars. Les 25% de Tunisiana représentent à eux seuls quelque 600 millions de dollars.

Quelle est la priorité des priorités du secrétariat d’Etat ? « L’emploi ! », répond Sami Zaoui et surtout l’emploi dans les régions. Des problèmes liés à l’infrastructure (notamment les locaux) persistent, mais il n’y a rien d’handicapant.
Le dossier semble bien avancer et cela grâce au duo Naceur Ammar et Lamia Chafaï Sghaïer (anciens ministre et secrétaire d’Etat) qui ont tout balisé déjà, indique le secrétaire d’Etat remerciant vivement ses prédécesseurs.
Un secrétaire d’Etat peut-il aborder autant de sujets alors qu’il n’appartient qu’à un gouvernement de transition et qu’il n’entend guère rester ensuite ?
« Je multiplie les rencontres, j’ai vu les représentants d’Infotica, les premiers dirigeants des opérateurs, le représentant des publinets et on fait de notre mieux pour accomplir le travail dans les six mois, répond-il. On est là pour répondre positivement aux demandes des professionnels.
D’autres sujets nécessitent davantage de temps, mais on va faire de telle sorte que les choses avancent suffisamment bien pour que le gouvernement, né des élections, prenne le relais rapidement. »

Cela semble être la devise de plusieurs autres de ses homologues et, nous l’espérons bien, que la roue tourne plus rapidement que précédemment et dans les plus brefs délais.
« Le fait même de supprimer les ingérences, de clarifier la situation et de retirer les autorisations inutiles nous permettra d’avancer», conclut Sami Zaoui. Pourvu que cet optimisme ne soit pas « censuré » par la réalité. Rendez-vous dans six mois.
03/02/2011 |
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