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Des médecins en liberté provisoire
06/02/2017 | 19:59
7 min
Des médecins en liberté provisoire

 

Deux médecins ont été arrêtés ces derniers jours, à Sousse et à Gabès. Alors que leur culpabilité, dans une quelconque faute ou erreur médicale, n’a aucunement été prouvée à l’heure actuelle, le juge a décidé d’appliquer une procédure pourtant exceptionnelle qui n’est juridiquement en vigueur qu’en cas de menace avérée. Un grand soulèvement du corps des médecins dénonce « une diabolisation de leur profession » ainsi qu’un « acharnement médiatique ». De quoi relancer aujourd’hui le débat sur la question de la responsabilité médicale, souffrant d’un évident vide juridique qui nuit à la fois aux patients et aux médecins.

 

 

La polémique a éclaté cette fin de semaine. D’abord avec l’émission d’un mandat de dépôt contre un médecin de l’hôpital de Gabès accusé d’une erreur médicale qui aurait entraîné la mort d’un sexagénaire.  Les médecins relevant de l’Ordre des médecins de Gabès ont tenu un sit-in de protestation vendredi 3 février, devant le tribunal pour protester contre l’arrestation de leur confrère.

Cette polémique a pris une nouvelle ampleur, samedi, après qu’une jeune résidente du CHU Farhat Hached de Sousse a été placée en détention provisoire suite au décès d’un nouveau-né prématuré, au service de néonatologie. Le père de l’enfant, en état de choc, avait affirmé que son fils, « bien qu’encore vivant, a été placé dans une boite en carton et déclaré pour mort ». Une déclaration qui a rapidement été relayée par certains médias et qui a entrainé une vague de dénonciation quasi-généralisée du côté des médecins dénonçant « une reprise non professionnelle d’informations imprécises ».

 

La société tunisienne de pédiatrie publie aussitôt un communiqué pour s’exprimer sur les tenants du dossier « loin de tout corporatisme ». Tout en condamnant vigoureusement la mise en garde à vue de la consœur incriminée, on énonce ce qui suit : « la jeune résidente a accompli sa mission dans le respect des consensus internationaux qui recommandent de stopper la réanimation au bout de 20 minutes n’ayant pas récupéré des constantes vitales correctes. Le bébé peut continuer à avoir une activité de quelques battements de cœur du fait de l’utilisation de l’adrénaline lors de la réanimation ». Du côté des médecins, on affirme que « tout a été fait convenablement afin de sauver ce nouveau-né, âgé de seulement 6 mois et pesant près d’un kilo. Un nouveau-né qui était donc très fragile à la naissance et donc non viable ».

Ceci dit, dans le même communiqué, la société tunisienne de pédiatrie précise que des défaillances d’ordre « administratif » ont été commises notamment en matière de déclaration et de conservation du corps du nouveau-né. Défaillances qui « touchent à la dignité du cadavre ». Une version confirmée par Habiba Mizouni, secrétaire générale du Syndicat des médecins, médecins dentistes et pharmaciens hospitalo-universitaires (SMMDPHU). Dans une déclaration donnée aujourd’hui à Radio Shems Fm, elle affirme que « le manque de moyens et les pressions subies par les médecins les empêchent d’assurer le côté humain de leur travail ». « Les conditions de travail des médecins ne permettent plus de respecter la dignité humaine », souligne-t-elle tout en insistant sur le fait que, dans le dossier du nouveau-né du CHU Farhat Hached, « aucune faute médicale n’a été commise ».

 

Une grève générale des médecins a été décrétée hier et se tient encore aujourd’hui dans plusieurs villes tunisiennes en signe de protestation et de colère. Les médecins ont exprimé leur indignation et ont appelé à « l’unité de la profession et à la mobilisation en faveur du changement des textes de loi et de la protection des praticiens » dénonçant une « diabolisation du secteur ».  « Tous les dossiers doivent être ouverts ! C’est l’occasion de faire entendre notre voix ! », se sont exprimés sur la toile nombre de ces médecins indignés. Plusieurs dossiers sont sur la table aujourd’hui touchant, pêle-mêle, les problèmes de financement au sein des hôpitaux publics, le manque d’équipement mais aussi l’absence de protection réglementant le travail des internes et résidents (dont la sécurité, le repos de garde, etc.)

« Ce soir, un collègue partage une cellule de prison avec des criminels et des voyous. Ce soir, des terroristes circulent en toute liberté, impunis dans le pays », a notamment écrit Dr Mizouni sur sa page Facebook. Elle ajoute : « Il est urgent aujourd’hui, d’introduire dans le droit tunisien la notion de l’aléa thérapeutique et de l’accident non fautif ».

 

 

Selon le code de procédure pénale, l’article 85 (Modifié par la loi n° 93-114 du 22 novembre 1993). (6) stipule ce qui suit : « L'inculpé peut être soumis à la détention préventive dans les cas de crimes ou délits flagrants et toutes les fois que, en raison de l'existence de présomptions graves, la détention semble nécessaire comme une mesure de sécurité pour éviter de nouvelles infractions, comme une garantie de l'exécution de la peine ou comme un moyen d'assurer la sûreté de l'information. La détention préventive ne peut, dans les cas visés à l'alinéa précédent, dépasser six mois, la décision de détention préventive est obligatoirement motivée, elle doit comporter les motifs de fait et de droits la justifiant ». Cette procédure est exceptionnelle. Elle est appliquée contre les personnes présentant une menace pour le reste des citoyens. Est-ce le cas de médecins en exercice ? Encore plus pour celui d’internes ou de résidents qui travaillent sous la responsabilité de leur chef de service.

 

Imaginez qu’un médecin fasse un faux diagnostic, commette une erreur de traitement due à un matériel défectueux ou à une bien trop grande fatigue. Est-ce qu’il s’agit d’une erreur ou d’une faute médicale ? Faut-il engager sa responsabilité civile ou bien celle, pénale ?

Sur ce point, la loi tunisienne ne se prononce pas. Il existe un véritable vide juridique réglementant la notion d’erreur, ou de faute, médicale. Au cas où cette faute est avérée, le médecin est juridiquement accusé d’« homicide involontaire ». A ce stade, si ni les avocats ni les magistrats ne sont des médecins, le recours à un comité d’experts s’avère être une nécessité afin de déceler le vrai du faux et de trancher sur la question.

 

S’exprimant seulement 48 heures après l’arrestation de la jeune résidente, la ministre de la Santé, Samira Meraï, a organisé aujourd’hui lundi 6 février 2016, une conférence de presse dans laquelle elle a annoncé qu’un comité d’experts établira un rapport détaillé sur les circonstances de cette affaire.

Alors que le ministère est pointé du doigt à cause d’une réelle « crise des moyens dans les hôpitaux publics » ainsi que « l’absence d’une stratégie claire du secteur de la Santé », Samira Meraï affirme que la priorité aujourd’hui est de « redonner la confiance entre les médecins et les patients ».

 

 

La question des erreurs ou fautes médicales est plus que jamais à poser aujourd’hui. Un concept pourtant primordial pour protéger autant les médecins en exercice, que les patients parfois malmenés dans les hôpitaux tunisiens aux équipements désuets. Alors que le milieu hospitalier souffre aujourd’hui d’un délabrement indéniable, un vide juridique représente un danger de plus pour ceux qui le subissent chaque jour. Le projet de loi sur la responsabilité médicale devrait passer rapidement devant l'ARP afin d'offrir un cadre légal pour protéger les médecins. Une nécessité qui leur garantira des conditions de travail dignes et sécurisées, compte tenu de la complexité de la tâche qu’ils ont à accomplir et des risques qu’ils doivent prendre. Il devra aussi offrir des conditions de soin décentes et humaines à des patients obligés de « subir » les hôpitaux tunisiens mais aussi des moyens de recours contre tout éventuel manquement ou faille, que cela soit causé par le médecin lui-même ou l’établissement hospitalier dans lequel il exerce.

 

Synda TAJINE

06/02/2017 | 19:59
7 min
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Commentaires (10)

Commenter

Lectrice
| 09-02-2017 14:32
On voit que vous n'avez jamais ete victime d'une erreur medicale. Laissons les donc agir en toute impunite et jouer avec les vies..Aux patients de subir les consequences comme ils l'ont toujours fait.

Hatem jemaa
| 07-02-2017 17:40
Dans la tragédie de Sousse peut on nous expliquer comment un individu (médecin ou pas) peut être soupçonné d'HOMICIDE VOLONTAIRE alors qu'il tentait de réanimer le défunt? Pourquoi le juge d'instruction a retenu ce chef d'inculpation? N y avait il aucune autorité judiciaire pour lui dire que le médecin qui a réanimé le mort-né et ce qu'elle qu'en soit le résultat de son action pouvait être accusé de tout sauf d'HOMICIDE VOLONTAIRE? Le RESPECT ça se mérite

salmat
| 07-02-2017 12:51
Toute erreur doit être payée, surtout quand il s'agit de vies humaines! Dans le cadre de la loi bien sûr, quitte à ce qu'elle soit revue pour protéger les patients car la pratique et la société dans laquelle on vit protègent plus les médecins que leurs victimes!

Troika
| 07-02-2017 12:23
Bravo à la Troïka et sa justice. Voilà la Tunisie nouvelle! Tout entrepreneur quel qu'il soit s'il n'est troikiste est un candidat à l'échafaud judiciaire metastasee par cette Troïka de glands. Ayya ya chaab il faut se réveiller.

Candide
| 07-02-2017 11:48
Ce serait un excellent sujet d'information dans CASH INVESTIGATION sur France 2. Cette chaîne TV dénonce toutes les dérives du système.

Les juges ont encore sévit, tel Zorro à l'affût du malfaiteur qu'il faut à tout prix punir.
Ces petits juges capricieux s'en prennent au niveau le plus élevé de la société. Auraient ils tant de compte à régler pour que des innocents soient condamnés avant d'être jugés, et placés sous mandat de dépôt. A la fois juge à la science infuse et parti, ils sont parfaitement capables de remplacer à leur convenance, n'importe quel expert au pied levé. Souffriraient ils d'un complexe aigu de supériorité ? C'est vraiment l'impression qu'ils donnent.

Cette fois ci, il s'agit de médecins, emprisonnés sous de fallacieux prétextes. Pour rendre justice, ces juges se sont appropriés au sens le plus restrictif les lois, qu'ils manipulent et adaptent, sans que le législateur y trouve à redire. J'en veux pour preuve une partie de cet article :
Selon le code de procédure pénale, l'article 85 (Modifié par la loi n° 93-114 du 22 novembre 1993). (6) stipule ce qui suit : « L'inculpé peut être soumis à la détention préventive dans les cas de crimes ou délits flagrants et toutes les fois que, en raison de l'existence de présomptions graves, la détention semble nécessaire comme une mesure de sécurité pour éviter de nouvelles infractions, comme une garantie de l'exécution de la peine ou comme un moyen d'assurer la sûreté de l'information. La détention préventive ne peut, dans les cas visés à l'alinéa précédent, dépasser six mois, la décision de détention préventive est obligatoirement motivée, elle doit comporter les motifs de fait et de droits la justifiant ».

Mon Dieu, ce pays est tombé bien bas pour en être arrivé à ce point de décadence judiciaire. C'est un gag, leur comique est devenu la risée du monde entier.

Effectivement, le corps médical représente un grand danger pour la sécurité du citoyen, et à ce titre il faut l'enfermer'. à double tour et jeter la clé. Ce serait oublier un peu trop vite, qu'en cas d'affection grave, ces juges, n'iront pas voir le rebouteux ou le marabout du coin pour avoir le remède miracle, fruit de la science médicale et de la culture permanente des médecins. Ils feront amende honorable par nécessité.

Cette affaire, m'en rappelle une autre du même genre, l'Affaire avec un grand A, CACTUS PRODUCTION. Là aussi ils ont fait fort en 2011.

Sans preuve, sur plainte syndicale pour mauvaise gestion, ces petits juges ont instruit cette affaire sans en avoir le DROIT. S'agissait d'un établissement public, législativement il est placé sous surveillance de la COUR DES COMPTES. Même le Pdt ESSEBSSI, qui gouvernait au moment des faits a laissé faire. Rien que pour cela, il y a vice de forme, ce qui annule toute la procédure.

Cinq "dangereux criminels activement recherchés", les cinq derniers PDG de la TV tunisienne, ont été placés sous mandats de dépôt et enfermés à la prison d'Al Mornaguia pour être conservé au frais pendant plus de 6 mois, dans des conditions d'incarcération indignes et dans le silence le plus absolu de la presse.

Alors que de nombreux politiques Tunisiens se complaisent et revendiquent leur appartenance à la ligue des droits de l'homme, aucune manifestation de soutien à ces cinq hauts fonctionnaires laissés en pâture entre les mains de ces corbeaux, n'a été enregistrée.

Souvenez vous 2012 ! Le Pdt par intérim Marzouki après consultation de Ben Amou, ministre de la justice sous ENNAHDHA, avait signé la grâce de 1500 prisonniers de droit commun.
Que l'on me démontre où est la logique dans tout cela.

Cinq ans plus tard, où en est cette affaire ? A zéro ! Ces cinq PDG sont toujours privés de sortie du territoire par la volonté d'un petit juge. Dix procès, tous ajournés faute de preuve que l'on attend des experts. Sauf qu'il y a un HIC (difficulté essentielle), il n'existe pas d'expert en ce domaine.

Que faire Monsieur le juge ? Je ne sais pas mon petit gars ! Je tends le relais, mais personne ne veut le saisir. Et bien sur, ce ne sont pas ces experts choisis par les juges qui vont avouer qu'ils ne sont pas compétents. L'Affaire en est là, alors que depuis longtemps elle aurait du être déclarée sans suite.

Il ne m'appartient pas de saisir le Ministre de la justice et de le confronter à ses responsabilités. En acceptant le poste de Ministre, il s'est mis au service de la NATION TUNISIENNE et pour cela, il doit veiller à la bonne exécution des lois. Pour le peu que je sache, pour l'instant, c'est loin d'être le cas.

Alors Monsieur le Ministre, réagissez ! Les juges se sont aventurés dans des voies hasardeuses et sans issues, il vous appartient de les en sortir. Vous n'en sortirez que grandi.

je dis la vérité
| 07-02-2017 11:47
L'opinion publique est vigilante aujourd'hui, surtout depuis que le pays ait acquis des libertés.

Impossible aujourd'hui d'étouffer les bavures médicales.Mettre un professionnel de la santé en taule, cela ne se fait que dans des cas avérés graves et intentionnés.

La bavure médicale, est une faute non intentionnelle, qui dénote :

*Soit l'incompétence.
*Soit la négligence.
*Soit l'effet du stress et de la fatigue.

Le juge, avant de jeter un professionnel de la santé en prison, devrait écouter tous le monde :
*Le patient lui-même ou ses proches.
*Le personnel de la santé, présent.
*Le collège des experts.

Généralement, les erreurs médicales doivent être valablement indemnisées. C'est un droit inaliénable du patient ou des ayants droit.
Le professionnel de la santé, aura vis à vis du Conseil de l'Ordre, une sanction et qui restera dans son dossier, si la faute est confirmée.

Nos concitoyens sont informés sur tout aujourd'hui, surtout, avec l'explosion du web.
La littérature médicale y est accessible. Vous pouvez vous informer sur tout. Il y a des planches d'anatomie, des vidéos, des commentaires, des forums.

Le patient quand il contacte son médecin, est préalablement informé sur ses symptômes et leur évolution.Il a une idée de sa souffrance. Son médecin doit faire attention à son égard.Il ne pourra le "bluffer".

Le rapport médecin-patient est aujourd'hui, dans le monde, sur la corde raide, parce que conflictuel.

Tout a changé.Oui...Tout a changé.

Nos médecins devront en tenir compte et se recycler pour suivre l'évolution de leur métier. Il faut qu'ils soient vigilants.C'est par là,qu'il devront leur salut.

DHEJ
| 07-02-2017 10:24
CHAPITRE IV du code pénal DE LA RESPONSABILITE PENALE


SECTION PREMIERE

ABSENCE DE CRIMINALITE


Article 37


Nul ne peut être puni que pour un fait accompli intentionnellement, sauf dans les cas spécialement prévus par la loi.


Il fallait se poser al question si ce ne sont que des erreurs judiciaires commises par un ignare appelé JUGE, un juge qui ignore la loi!


Nos MEDECINS n'ont que deux intentions:


- Accomplir un acte pour sauver une vie;


- S'enrichir!


J'espère que le code de procédure pénale ainsi que le code pénal soient modifiés pour répondre aux besoins du public!


Qui va INGENIEURISER l'appareil judiciaire???

hbs
| 07-02-2017 07:37
j'ai eu à m"adresser à 2reprises aux services d'urgences de l'hôpital.C. Nicolle: les prestations taient chaotiques, le matériel défaillant, la prescription insensée. sans compter un résident pressé aux urgence H. Raïs et un protocole non respecté. Les politiques, absents, ne légifèrent pas en connaissance de cause; les juges, irresponsables (ils n'ont pas à rendre compte), sont heureux d'exercer et d'abuser. faites goûter de la prison aux juges et aux politiques. merci.

l'idiot du bled
| 07-02-2017 06:29
et des patients en OTAGE

Tounsia
| 06-02-2017 21:08
Tout a fait d'accord avec ce qui a ete ecrit.Le medecin ne se sent plus en securite enTunisie du fait de l'etat de nos hopitaux et des moyens mis a sa disposition. Ce secteur a beaucoup change au fil des annees et devient de plus en plus difficile a pratiquer. De plus l'attitude aggressive et de non respect de certains patients vis a vis du medecin rend la tache plus difficile.
Ce que je ne peux pas accepter c'est comment un juge peut emettre un mandat d'arret a un medecin sans avoir fait une enquete objective auparavant et sans qu'il n'a ete reconnu coupable .
Je demande a ce juge d'imaginer un instant qu'il a sa fille residante qui fait une garde et qui se retrouve incarceree dans une cellule parceque les medias l'ont condamnee a tort.
C'est du n'importe quoi et ceci amenera nos jeunes a partir etudier et travailler a l'etranger .