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Crise de l'eau : Nous ne trouvons même pas de quoi laver nos morts !
29/08/2016 | 19:59
7 min
Crise de l'eau : Nous ne trouvons même pas de quoi laver nos morts !

 

Rationnement de l’eau, déficit pluviométrique et nappes phréatiques saumâtres, insalubrité de l’eau potable, problèmes d’assainissement des puits et des barrages, inégalité de l’accès à l’eau, les Tunisiens résidents dans les zones rurales sont confrontés, depuis trop longtemps, à cette problématique majeure.

Alors que le droit à une eau potable propre et de qualité et à des installations sanitaires a été consacré par l’article 44 de la Constitution, il apparait qu’en Tunisie ce droit n’est pas encore effectif sur tout le territoire de la République, mais pas que, car le problème est mondial.

Samir Taïeb, ministre de l’Agriculture dans le gouvernement d’union nationale qui a succédé à Saâd Seddik a du pain sur la planche et d’importants défis à relever.

 

 

« Eau tu n’as ni goût, ni couleur ni arôme, tu n’es pas nécessaire à la vie, tu es la vie !». C’est ce qu’écrivait St Exupéry en 1938 dans son livre la Terre des Hommes. Plus qu’un joli proverbe, cette phrase démontre, encore aujourd’hui, à quel point l’eau et sa distribution revêt un aspect vital. En effet, la dignité des hommes ne peut être effective sans un accès équitable à cette denrée indispensable. Cette perte de dignité confronte l’homme à ses instincts les plus primaires comme dans la vidéo extraite de la page Facebook Béja TV qui a fait le tour des réseaux sociaux, hier dimanche 26 août  2016. On y voit des habitants de la région, femmes et hommes d’un certain âge, se réunir autour d’une source d’eau et perdre complètement leur sang-froid. Ils en arrivent même aux mains pour remplir leurs bidons ! C’est sous un soleil de plomb, attendant leurs tours pour pouvoir s’approvisionner avant la coupure décrétée par les autorités locales, que ces personnes ont exprimé leur désarroi.

 

Au micro du journaliste, une des femmes s’est exprimée : « Nous vous supplions de nous approvisionner en eau, nous avons soif et nous mourrons à petit feu. Je vis dans cette région depuis 36 ans et notre problème en eau n’a jamais été résolu. Nos enfants ont tous migré vers la capitale à cause du manque d’eau, ils y vivent dans une grande misère juste pour fuir la soif ». Et d’ajouter : « Certains matins nous venons nous approvisionner en eau autour de cette source, mais nous nous apercevons que l’eau est coupée. Nous rentrons alors avec nos bidons vides. Nous sommes même prêts à boire l’eau des oueds. Nous n’avons besoin de rien d’autre, juste de l’eau dans nos robinets ».

 

« Nous ne trouvons même pas de quoi laver nos morts !» c’est ce que déclare, plein d’amertume, un homme âgé de la région. Il poursuit : « Quand ma mère est décédée, pour l’enterrer décemment, je me suis approvisionné en eau à Nefza, c’est-à-dire à 14 km de là où j’habite. Ceux qui possèdent un âne peuvent faire des allers retours pour s’approvisionner en grande quantité mais ceux qui n’ont pour moyen de locomotion que leurs jambes doivent se rationner comme en temps de guerre ».

 

Face à la montée des tensions entre les habitants et aux problèmes de voisinage engendrés par le manque d’eau, les femmes, chargées de remplir les bidons, ont déclaré : « Nous demandons au chef du gouvernement, Youssef Chahed, de bien vouloir étudier notre cas car nous mourrons au vrai sens du terme. En cas d’incendie, nous nous demandons comment nous ferions ».En effet, le stress hydrique rejaillit sur les liens sociaux et altère la quiétude des habitants. Les institutions étatiques de la région ne sont pas non plus épargnées. Comme l’a déclaré un des habitants : «  Les écoles et les hôpitaux de la région n’ont pas l’eau courante. Ces institutions publiques s’approvisionnent, également, à partir de cette source ! ».

 

Les petits commerces de la région sont aussi touchés. La propriétaire d’un café de la région a déclaré à ce sujet : «Si les services de l’inspection de l’hygiène se déplacent jusqu’ici, ils fermeront mon café car je n’ai pas de raccordement au tout-à-l’égout et donc pas de WC. Pourquoi ne nous installent-ils pas un raccordement que nous paierons ? Je loue régulièrement des voitures pour m’approvisionner en eau. Qu’avons-nous fait à l’Etat tunisien pour qu’il nous traite ainsi ? ».

Autre phénomène directement lié à la soif : l’exode rural. Une habitante a supplié les autorités locales d’installer un raccordement qui permettra aux habitants d’avoir l’eau courante chez eux. Elle a déclaré : « A Raoued et Bhar Lazreg des raccordements ont été installés, pourquoi pas ici ? Nos enfants ont-ils moins de valeur que ceux qui habitent dans le Grand-Tunis ? Nous n’avons ni de quoi boire, ni de quoi nous laver, ni de quoi faire nos lessives et nos besoins les plus primaires. Le gouvernement nous traite comme des sous-hommes ». Il est utile de rappeler que dans la région de Béja le problème n’est pas le manque d’eau mais sa distribution, comme l’a expliqué le président d’une association militant pour l’accès à l’eau dans la région : « Le problème est un problème d’infrastructure d’alimentation en eau, c’est un problème de raccordement qui est défaillant, car l’eau est disponible mais n’est pas raccordée ».Il a également fait état de la dilapidation des deniers publics pourtant consacrés à la résolution de ce problème : « Tous ceux qui sont venus faire des études sur le sujet ont lâché l’affaire, prés de 500 millions de dinars ont été dilapidés sans qu’il n’y ai, ne serait-ce, qu’un début d’amélioration. Si ce chantier venait à voir le jour,nous serons tranquilles pour 100 ans ».

 

Saâd Seddik, le ministre sortant de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a, dans plusieurs interventions, fait état de la problématique de la distribution de l’eau. Le 17 août 2016, pour évoquer les problèmes d’eau potable en Tunisie, le ministre a expliqué que nous avions opté pour le choix stratégique de la désalinisation de l’eau de mer par le biais de stations dédiées à cet effet pour éviter « la catastrophe ». Des moyens non conventionnels pour alléger la pression sur les nappes du centre car la Tunisie est en dessous du seuil de pénurie hydraulique, selon les termes employés par le ministre. Ainsi à Djerba, la station de désalinisation entrera en cours d’exploitation au cours du premier trimestre de 2017 en plus d’une autre station à Gabès d’une capacité de 50 mille m3 etqui pourra atteindre les 75 mille m3. Il a également évoqué une station à Sfax d’une capacité de 100 mille m3 extensible jusqu’à 200 mille m3.

 

Dans une autre intervention datant du 24 août 2016, M. Seddik annonce que si le déficit pluviométrique se poursuivait, il faudrait s’orienter vers la rationalisation de la consommation de l'eau d'irrigation, une solution qui entrera en vigueur d’ici la fin du mois de septembre. Puis face à la gravité de la situation, le ministre a finalement annoncé que le ministère de l’Agriculture sera amené à revoir ses priorités en termes d’irrigation en révisant à la baisse la quantité d’eau destinée à l’irrigation, spécialement pour les productions qu’il qualifie de non stratégiques.

 

La catastrophe hydrique semble donc à nos portes et la SONEDE s’en est aperçue. Le 8 août 2016, l’institution publique a décidé d’augmenter les tarifications du prix de l’eau. Ses tarifs ont été publiés au JORT N°44 du 31 mai 2016 et indiquent que pour les ménages la hausse du prix est comprise entre 11% et 30%. Pour le secteur touristique, cette hausse est de 10.5%. La politique d’austérité annoncée est donc, d’ores et déjà, appliquée.

 

Samir Taïeb, nouveau ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche dans le gouvernement d’union nationale a donc des défis colossaux à relever en plus des vives critiques dont il fait l’objet de part et d’autres. Ce sujet brûlant, s’il le prend à bras le corps, lui permettra sans doute de faire taire les mauvaises langues.

 

 

Khawla Hamed


29/08/2016 | 19:59
7 min
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Commentaires (33)

Commenter

Fehri
| 31-08-2016 15:09
Gaspillage partout, piscines, lavage de voitures et irrigation de gazon. L, agriculture utilisé les égouts. L'eau c'est la vie! '

Citoyen_H
| 31-08-2016 10:36


ayant subtilisé le pouvoir après la révolution de la brouette et du mulet, avaient juré de tout leur corps qu'ils allaient éliminer ces disparités régionales dès leur accès au trône.
Résultat des courses, dès que leur but s'était concrétisé, ils se sont voracement rués sur les caisses de l'état, tel un repas frénétique de requins dans une mer de sang.
Quant au peuple, il n'a qu'à boire l'eau de mer, comme la péripatéticienne badi s'évertuait tant à le crier sur tous les toits.



@el manchou
"Demandez des comptes aux sponsors de la révolution Bouazizienne, le gouvernement fantoche en place ne peut rien pour vous"

Plus légitime, tu meurs.


@zohra
Très bien dit, appelons un chat, un chat.


@Léon
"Vous avez longuement scandé "Khobz ou Mé, ou Ben Ali Lé".

Bientôt, ce sera le tour du pain
Il est curieux que les détracteurs de ZABA, qui foisonnent sur ce site, aient la conscience si courte.
Comme quoi, la mauvaise foi est désormais devenue l'unique motrice d'une NATION en voie de disparition.

Salutations à vous tous.




Gargantuesque
| 30-08-2016 23:27
La situation dans ces régions est désastreuse les inégalités régionales en Tunisie se creusent comme une fatalité après on nous vante le tourisme ! Mon dieu oh combien nous sommes hypocrites !

nazou
| 30-08-2016 22:11
Jvous comprends, alors je vais le dire autrement...


Oooohhhhh !!!!!, il y en a qui s'y connaissent en sniping !!!!

amal
| 30-08-2016 21:19
Bonsoir Forza,
merci pour cette information d'exportation d'eau à hauteur de 30 Millions de dinars ( 15 millions d'euros qui représentent quel volume ???, c'est important de le savoir ).
Avez-vous connaissance de combien nous importons ?
Juste par curiosité et faire la balance des deux pour savoir si la gestion est entre de bonnes mains.
Parce que la bouteille d'eau Crist..est très répandue en Tunisie alors qu'elle est de loin la plus potable.

Vous savez, l'Afrique du Nord a une réserve d'eau qui nous est enviée par certains mais qu'on risque de souiller avec ce gaz de schiste ( notamment en Algérie qui est prête à l'extraire ) et cette réserve d'eau peut permettre à tous les Africains du Nord de vivre paisiblement sur plusieurs générations ( la nappe phréatique nord africaine est en un seul morceau et il n'y a pas de frontière. Si un pays la souille, c'est toute la nappe qui est souillée..d'où l'obligation de surveiller tout cela de près voire à la loupe ).

Les hommes politiques ne nous le diront pas et ce n'est pas dans l'intérêt de ceux qui tirent profit de cet OR TRANSPARENT et qui veulent tirer profit du gaz de schiste.
Et ceux qui en parlent pour nous éclairer sont intimidés, voici le lien d'un ingénieur tunisien qui va vous éclairer :

Ressources naturelles et souveraineté - Mohamed Balghouthi ...
Vidéo pour "mohamed balghouthi"' 42:06
https://www.youtube.com/watch?v=gJR00fKJKUc

La NATURE ( de par la bonté d'Allah! ) nous donne le droit GRACIEUSEMENT de POUVOIR BOIRE, MANGER et DORMIR SANS LIMITE, jusqu'à ce que mort s'en suive.
Et ce partout où tes pieds te traînent.

SAUF QUE Ce DROIT, le monde moderne et commercial nous en a PRIVE pour nous le VOLER et nous rendre MENDIANTS pour que nous puissions y accéder..c'est un CRIME !!!
Ainsi pour les animaux qui vivent sur cette terre et qui n'ont pas le droit à boire, manger et dormir PAISIBLEMENT.

On nous OBLIGE à PAYER des choses qui à la base étaient gratuites..c'est du VOL !
Ce monde moderne et voué à l'échec car ses fondations sont construites sur des bases qui sont contre-nature et sont évolution est embourbé dans une impasse. Donc tôt ou tard, c'est sur un mur qu'il ira s'écraser.

Alors que si nous avions évolué en HARMONIE avec la nature, c'est un monde qui aurait pu se construire sans ce soucier du lendemain..nous avons fait tout le contraire car le contraire est fondé sur du VOL !!!

La nature reprendra un jour SES DROITS et nous le paierons très cher!

En attendant, bonne soirée Forza et si vous avez l'info de l'importation d'eau, je prends !

SAMIA
| 30-08-2016 20:33
Ces femmes après avoir rempli l'eau polluée retournent chez elles et attendent que les débris organiques et sable se sédimentent, puis elles la filtrent par des foulards par ce qu'elle est pleine de nymphes des moustiques.
la nuit ce sont les porcs qui viennent boire de ces mêmes sources!
Ils y avait des projets d'alimentation en eau potable pour ces régions(j'ai était membre d'une association et je connais même que les études techniques ont été presque achevées),mais hélas après la pseudo révolution on a dépensé 5 milliards de
pour lutter contre le terrorisme..une journée de bombardement coute 3oo milles dinars et plus...latrabba7hom el khouanjiya!!!

Citoyen_H
| 30-08-2016 20:01

"par contre les berlines blindées de ton cheikh, ses palais et ses gardes du corps, paieraient l'alimentation en eau de toute l'Afrique du nord."

Excellent.
Un tir parfait, digne d'un excellent sniper.
Salutations.

zohra
| 30-08-2016 20:01
Je pensais que les lecteurs allaient réagir nombreux sur ce désastre et désarroi de ces gens, on peut résister à la faim mais on ne peut résister à la soif, l'eau c'est la vie, je ne suis pas convaincu qu'on ne peut pas trouver une solution pour gens. où alors on est devenu ignoblement inhumain. on avec la volonté on arrive même à trouver de l'eau dans le désert.

Rabi maa elmeskine. maalich

Gg
| 30-08-2016 19:42
Dans le village où a grandi ma femme, la famille a construit trois petites maisons mitoyennes, il y a une trentaine d'années. Trois maisons joliment typiques, à toit plat où il fait bon dormir en été, sous les étoiles, charmantes avec leur cour intérieure, l'olivier au centre, les massifs de menthe et quelques légumes, des fleurs. Tout le charme tunisien est là !
Et derrière les maisons, un trou, d'environ 3x3m. Ce trou est empli d'une eau noire, qui sent terriblement mauvais, une horreur. Je me suis demandé ce qu'est ce trou ? C'est là que sont rejetées les eaux usées des trois maisons, et d'encore deux maisons proches.
Les eaux usées : vaisselles, laves linge, toilettes.
L'eau de ces trous est à niveau à peu près constant, même en période de sècheresse. A côté, pousse un saule pleureur. Cet arbre ne vit que les pieds dans l'eau ! Cela signifie que ce trou est l'affleurement de la nappe phréatique. La nappe est donc directement polluée, et ce n'est pas un cas isolé : des trous comme celui-ci, il y en a une vingtaine dans le village.
Dans les rues principales du village, il y a des grilles d'égoût. Mais à chaque forte pluie, en hiver, les grilles débordent, parce que les canalisations sont bouchées. Et de toutes façons, il n' y a pas de station d'épuration dans la région.
A la sortie du village, coule un oued, asséché en été... c'est dans le lit de cet oued que le village jette ses déchets : vieux frigos, machines à laver, TV... sacs poubelles pleins, bidons d'huile de voiture, piles usagées... il y a même deux ou trois voitures toutes rouillées. L'oued est la déchetterie du village!
L'oued est mort, bien sûr, il n'y a pas un poisson dedans, juste quelques grenouilles qui ont la vie dure, et des rats.

Tout cela pollue gravement, pour des dizaines d'années, une ressource naturelle infiniment précieuse et fragile.
Le village, ainsi que bien d'autres semblables, est assis sur une bombe sanitaire.
Il faut réagir, vite, vite... cela ne coûte pas une fortune, si on compare au budget du pèlerinage annuel, des voitures de luxe etc...

amal
| 30-08-2016 19:19
Oui Nazou, c'est ce qu'on appelle : " jeter l'argent par la/les fenêtres " ou peut-être qu'il y a un excédent de pognon dont on n'aurait pas eu vent.
En tout cas, on sait à qui profite le crime pendant que certains sont en train de crever la bouche ouverte.
Bonne soirée Nazou et une pensée fraternelle à toutes ces personnes du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest.