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Chroniques
Crier à s'en décrocher la mâchoire
06/12/2014 | 15:49
4 min
Par Synda TAJINE

« Qui sommes-nous ? Où Allons-nous ? » Des questions existentielles, les journalistes s’en posent tous les jours. Surtout lorsqu’ils sont confrontés aux expériences de leurs confrères venant d’autres pays. Tunis a accueilli du 1er au 4 décembre l’ultime session d’une formation en « journalisme d’investigation, corruption, transparence et droit à l’information », qui a réuni des journalistes venant de tout le Maghreb mais aussi d’autres pays comme la France et notamment du très célèbre journal Médiapart, spécialiste français de l’enquête. Cette formation qui s’est déroulée sur une durée d’un an a été l’occasion pour les différents intervenants, participants et formateurs, d’échanger sur la réalité du journalisme dans les pays du Maghreb, notamment dans les domaines liés à la corruption, à la transparence et au droit à l’information.
Du costaud en apparence ! En effet, les thèmes étudiés lors de cette formation peuvent en effrayer plus d’un : investigation, corruption, transparence, droit à l’information, sécurité informatique etc. Mais en réalité ce ne sont pas les dirigeants, politiques ou grosses fortunes qui tremblent à l’idée qu’on s’intéresse un peu plus en profondeur à leurs « dirty secrets ». Ce sont plutôt les journalistes qui tremblent face à cette forme de journalisme très prisée qu’on ne maîtrise pas encore, pour laquelle les moyens manquent et l’implication, toujours absente. En fait, directions de journaux, propriétaires et patrons de presse ne voient pas, en majorité, l’intérêt de faire de l’enquête.

En Tunisie, pays en pleine transition démocratique, on est plutôt friand d’un autre type de journalisme. Une presse de commentaire et d’opinion. Une presse parfois engagée, parfois partisane, mais où informations et commentaires se mélangent et composent un résultat assez déconcertant…pour un lecteur non averti du moins.
En Tunisie, il est important de savoir de quel bord est un journal afin de pouvoir remettre en question, ou non, les infos qu’il communique à ses lecteurs. S’il s’agit d’un journal de droite, les informations qu’il donne sur le « camp adverse » sont à remettre en question. Idem pour un journal de gauche. Il est utile de se demander en lisant un article couvrant une manifestation si le nombre de manifestants est exact, s’il n’a pas été grossi ou amoindri. Il est aussi utile, en se penchant sur une interview, de savoir dans quel contexte ces déclarations ont été données et si elles n’ont pas été déformées.
En Tunisie, il demeure difficile de s’informer. On peut vous servir des analyses à faire pâlir d’envie les plus chevronnés des politologues et des chroniques et éditoriaux où le verbe est manié à la perfection, mais une info brute et fiable dénudée du moindre commentaire est, dans nos contrées, une denrée plutôt rare.

Mais ce constat, peut également être fait dans les autres pays du Maghreb. En Algérie, au Maroc ou en Mauritanie, pays ayant aussi participé à cette formation, la situation de la presse n’est guère meilleure. Manque de moyens, précarité, un « cause toujours tu m’intéresses » de la part des autorités, et j’en passe. Dans des pays comme l’Algérie ou le Maroc, la presse ouvertement partisane reste encore présente. Elle étonne et choque mais elle fait partie du paysage. L’accès à l’information reste conditionné, entravé et alourdi et de gros groupes contrôlent certains organes de presse employant, non des journalistes, mais de véritables mercenaires de l’encre et du papier. En Mauritanie, les journalistes se disent libres, mais les autorités bougent peu. On a beau dénoncer, pointer du doigt, faire les plus pointilleuses des enquêtes, la situation reste la même et les articles dénonciateurs ne sont qu’un pavé dans la mare.

Ceci n’est pas un jugement. Ceci n’est qu’un simple constat. Un constat que les journalistes ne cessent de scander à s’en décrocher la mâchoire. La presse d’opinion n’intéresse, en grande majorité, que ceux qui l’écrivent. Elle ne fait jubiler que quelques pseudo-intellectuels débattant dans les salons feutrés. Elles ne servent qu’à gonfler l’égo de ses auteurs, vivant avec l’illusion qu’ils ont pour mission de penser à la place des autres, de leur souffler leurs idées et leurs théories. Mais le citoyen lambda n’a pas besoin qu’on pense pour lui, il n’a pas forcément besoin des idées des autres, il n’a pas toujours besoin qu’on lui bourre le crane avec les détails des soubresauts de la classe politique. Il est capable de réfléchir de lui-même, de se faire ses propres opinions et de décider de la destinée qu’il veut donner à son pays.

La Tunisie vit une réelle transition démocratique, n’en déplaise à certains. Tout est à reconstruire et tout est à refaire. Qu’une presse d’opinion émerge d’années de dictature est une tournure tout ce qu’il y a de plus naturelle. Que les articles d’opinion et les journaux, à la ligne éditoriale tranchée, fusent de toutes parts afin d’influencer l’issue des élections, est parfaitement compréhensible. Mais ce qui est dangereux, c’est que les « élites » continuent à croire qu’elles peuvent avoir une influence en occultant une des choses les plus sacrées : une information brute et sans le moindre état d’esprit.

Pour faire passer ce message, certains n’hésitent pas, comble de l’ironie, à infliger à leurs lecteurs, encore et encore, leurs opinions et états d’esprit. D’autres, en crient à s’en décrocher la mâchoire !
06/12/2014 | 15:49
4 min
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Commentaires (18) Commenter
@Synda Tajine
Kairouan
| 08-12-2014 18:22
J'espere Madame que vous prendrez mes critiques positivement.
Je ne voulais en aucun cas vous attaquer gratuitement en remettant en cause vos capacites journalistiques, votre modestie, ou votre disposition a prendre et a apprendre des feedbacks que vous recevez.

Ecrire est un acte courageux et je tiens, malgre le "dephasage" de certaines reactions, a vous saluer pour votre choix profesionnel d'exposer vos idees, et votre non-peur des reactions,

En vous souhaitant courage et bonne chance.
Une lectrice fidele.

@STet BN
nazou
| 07-12-2014 14:40
Restez vous meme .
Les donneurs de leçons étrangers peuvent garder leurs leçons pour eux meme !!!
Ils sont soumis ,et d'une telle soumission ,que le citoyen lambda ne soupçonne meme pas !!!
Votre meilleur barometre ;ce sont le nombre de vos lecteurs !!!
Et meme les donneurs de leçons visitent régulierement votre site .
Code pénal 60 bis et 60 quatr...
DHEJ
| 07-12-2014 14:34
Est-ce que les journalistes du maghreb sont manipulables par les pauissances étrangères afin de leur divulguer sous prétexte de la liberté de L'ENQUETE ET L'INVESTIFATION des secrets?

ZABA a fini par comprendre en ajoutant l'article 61 bis...

Et pourtant dans les pays des puissances étrangères, les memes lois existent et sont sévèrement punissables...

Mais les complexés ./. aux blancs comme le M. ABBOU ne comprendront jamais la notion de souveraineté d'état violable par les TRAITRES!

Juste pour enrichir le débat comme souhaité par l'ami @SALAHTATOUINE!
@Synda TAGINE
tounsia2
| 07-12-2014 11:31
J'approuve tout ce qui est écrit dans le commentaire de Hassanine |06-12-2014 23:02), et pour appuyer son commentaire, je me contenterai de rapporter une discussion que j'ai eu avec un journaliste d'opinion qui me disait que ses articles lui appartiennent tant qu'il ne les a pas soumis pour publication, mais une fois publiés, ils deviennent la propriété des lecteurs qui sont libres de comprendre l'article comme il veulent, ce qui rejoins l'adage journalistique cité par @Hasanine "l'information est sacrée, le commentaire est libre".
l 'objectivité est une utopie
citoyen
| 07-12-2014 09:06
BFM appartient au groupe Bolloré
Courrier Internationl a été longtemps dirigé par Alexandre Adler
ARTE ;BHL a été ou est le directeur de son conseil d 'administration
pour l 'investigation prenez des cours chez Pierre Pean ou les deux américains qui ont fait tomber Nixon
Pleynel a été directeur du Monde;vient d 'ecrire un livre pour fustiger l 'islamophobie qui pourrit l 'air en Europe;Mitterand l 'a mis sur écoutes car il a dévoilé l 'affaire des irlandais de Vincennes
Démanteler la yougoslavie de TITO est une erreur ;les serbes ne sont pas tous des salauds et les kosovars des saints et HIZIT BEGOVITCH est un pro islamiste défendu bec et ongles par BHL
l 'objectivité est utopique
citoyen
| 07-12-2014 08:19
BFM appartient au groupe Bolloré
Le directeur de Courrier Internationa fut longtemps Alexandre Adler
le directeur du conseil administratif d'ARTE est BHL
Pour l 'investigation demandez à Pean ou au deux journalistes américains qui ont dévoilé le Nixongate
pleynel a été directeur du Monde ;Mitterand le faisait écouter lui e ttout son entourage;l ex yougoslavie de Tito a été démantelé et le chef militaire qui défendait Saraevo était un militaire serbe;tous les serbes ne sont pas des salauds et les kosovars des saints IZIT BEGOVITCH était un pro islamiste défendu par BHL
Pleynel vient d 'ecrire un livre qui attaque l 'islamophobie qui pourrit l 'air partout en Europe
excellent
katkoutou
| 07-12-2014 08:07
Victor Huguo a bien dit: le prisonnier c est le prisonnier d esprit. Excellent ton article j espère au avec le temps et le bon déroulement de la démocratie on aboutira comme tu a bien écrit a enterré ces mercenaires de l encre et du papier
Journalisme d'occasion
G&G
| 06-12-2014 23:19
Le journaliste n'est même pas esthéticien. C'est un maquilleur qui sait manipuler les crèmes antirides made in china qui ne tardent pas à disparaître sous l'effet de la chaleur. Il est capable de diaboliser Ben Ali et de glorifier Bouazizi pour ensuite le renvoyer vers l'oubliette et le remplacer par Belaid et Brahmi. Il critique le dictateur Bourguiba pour en faire plus tard un symbole nationaliste inégalable. Il anticipe sur la météo pour profiter de quelques gouttes d'eau de pluie.
Le journaliste est le seul qui parle pour dire le contraire de ce qu'il pense. C'est par son matraquage qu'il réussisse à me convaincre pour oublier le Miracle Tunisien et aimer le printemps arabe.
En d'autres termes, c'est un flatteur qui vit au dépend de celui qui l'écoute.
Absence totale d'humilité
Hassanine
| 06-12-2014 23:02
Constatant que la faute a été corrigée, j'ai décidé de reprendre la lecture de votre chronique qui, faut-il l'avouer, est impeccablement rédigée sur le plan de la forme.
Venons-en au fond. Une remarque s'impose : vous vous prononcez contre toutes les formes d'écrits journalistiques, sauf ceux d'enquête donc d'investigation et d'information brute sans le moindre commentaire.
Ma première réaction est la suivante : Pourquoi vous écrivez, alors, des chroniques ? C'est pourtant le genre pur et dure d'article d'opinion ! Et puis, qui vous a permis de donner des cours et des leçons en journalisme à vos pairs ? Je vois votre nom à Business News depuis seulement trois ans à peu près, c'est à dire que vous êtes en train de faire vos premiers pas dans le domaine. Et vous vous permettez de décider de ce qui doit être écrit et ce qui ne doit pas l'être ! Des journaux comme Le Monde, Le Nouvel Obs, pour ne citer que ces deux là, abondent dans le genre "Tribune", "Commentaires", "Billets", "Humeurs", "Chroniques".
Même les interviews, vous n'avez pas l'air d'apprécier. Pourtant, Business News en a publié toute une série, tous récemment !
En suivant votre raisonnement, on devrait supprimer les plateaux télé et radio puisqu'ils ne font qu'analyser et commenter des faits et des événements !
Allons donc, soyez humble et ayez assez d'humilité.. vous n'êtes qu'au tout début de votre carrière. Sinon, vous ne pourrez jamais faire des progrès. Ce que je ne vous souhaite point.
Et pour commencer, et pour être conséquente avec vous-même, arrêtez d'écrire des chroniques qui ne sont pas, toutes réussies, à commencer par celle que je suis en train de commenter.
Et pour conclure, n'oublier pas l'adage journalistique : "l'information est sacrée, le commentaire est libre". N'est-ce pas madame la donneuse de leçon en journalisme ? Autrement dit, l'information existe et le commentaire, aussi. Et n'oubliez, surtout pas, la prétention est la pire des attitudes
Quelque chose ou quelqu'un
kif'kif
| 06-12-2014 20:53
"Les journalistes sont des avocats qui écrivent." Alphonse Karr.
Avocats de qui, pour défendre quoi, c'est toute la question.