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CPG : l’Impasse 
15/02/2018 | 20:00
5 min
 CPG : l’Impasse 

Autrefois fleuron de l’économie tunisienne, participant à hauteur de 10% de l’exportation nationale, la CPG réalisait jusqu’en 2010 des bénéfices qu’elle reversait aux caisses de l’Etat. Depuis 2011, la donne a littéralement changé. L’entreprise se retrouve désormais  empêtrée dans les mouvements de protestations, les grèves et sit-in s’accumulent, à la même vitesse que les pertes... Une entreprise qui se trouve aujourd‘hui en réel péril économique car dans la difficulté de payer les salaires. Entre temps, gouvernement et syndicats peinent à trouver des solutions pérennes pour sortir la CPG de l’impasse dans laquelle elle se trouve…

 

« L’histoire se répète au minimum deux fois, la première comme une tragédie et la seconde comme une face » prophétisait Karl Marx. A la CPG, l’histoire se répète au moins une dizaine de fois depuis 2011. Ce récit est celui d’une entreprise nationale, la compagnie des Phosphates de Gafsa, fondée en 1897 par des géologues français et qui a longtemps constitué un fleuron pour l’économie tunisienne et véritable poumon pour une zone trop longtemps délaissée par les autorités post indépendance.

Seulement, depuis 2011, l’entreprise publique n’arrive plus à se sortir d’une spirale dans laquelle elle s’est empêtrée, celle des grèves, des blocages et d’arrêts à répétition des unités de production. Entre ces grèves, surviennent des périodes de répit où la CPG commence à sortir la tête de l’eau, avant d’y replonger à la moindre contestation sociale tel un Sisyphe qui grimpe au sommet de son rocher avant de chuter et de devoir tout recommencer.

Aujourd’hui, toute la production de phosphate est à l’arrêt, mettant en péril les salaires de plus de 30 000 personnes, concernés de près ou de loin par la production de cette richesse en Tunisie.

 

Le dernier mouvement de protestation remonte au 20 janvier 2018, date de la publication des résultats d’un concours qui a conduit au recrutement de 1700 agents (sur près de 12 000 candidatures). Depuis ce jour, les recalés du concours manifestent et bloquent toute activité des unités de production. Ils manifestent contre le manque de transparence dans les différentes étapes du concours, et réclament la publication des critères utilisés par la direction de la CPG dans l’opération de recrutement.

A ces accusations, l’état major de la CPG a réagi en démontant point par point les arguments utilisés par les protestataires : « C’est d’abord un concours, donc il ne prend en compte que des éléments objectifs, ensuite c’est l’Agence tunisienne de la formation professionnelle qui a géré le processus de A à Z en présence d’un huissier de justice et on a même interdit aux membres de l’Agence de quitter l’hôtel pendant leur séjour à Gafsa » a réagi le chargé de communication de l’entreprise, Mourad Sellimi sur les ondes de Jawhara Fm le 31 janvier 2018.

Cependant, ces arguments sont restés vains et n’ont manifestement pas convaincu les manifestants, qui ont continué à empêcher l’accès des employés aux différentes unités de production et à bloquer le transit des camions transportant le phosphate.

 

Devant l’incapacité de pouvoir effectuer correctement leurs missions, les employés et cadres de la CPG décident de suspendre les activités de leur entreprise, à partir de jeudi 8 février 2018 pour une durée indéterminée.  Les grévistes  réclament ni plus ni moins que leur droit constitutionnel au travail soit respecté, et ont appelé le gouvernement à trancher définitivement sur la question et à éloigner leur société des tiraillements politiques. Une grève contre les grèves en somme.

 

Si le gouvernement et la direction de l’entreprise publique ont pu dans le passé résorber les précédentes crises sociales par des recrutements massifs (sur critères sociaux) à la CPG et  dans les sociétés environnementales créées sur mesure pour faire diminuer le taux de chômage, la donne a changé aujourd’hui.

Intervenant sur Nessma le mardi 13 février 2018, le PDG de la CPG, Romdhane Souid a lancé un véritable cri de détresse en direct en affirmant que l’entreprise luttait pour sa survie désormais et n’était plus par conséquent en mesure d’effectuer de nouveaux recrutements : « Nous sommes réellement en situation de péril économique ! Nous avons même du mal à payer les salaires pour le mois de février 2018 ! Avant on arrivait à employer des agents dans les sociétés environnementales mais ce n’est plus possible économiquement de le faire aujourd’hui, la CPG est aujourd’hui menacée de disparition ! », a-t-il indiqué.

Même son de cloche du côté du ministre de l’Energie des Mines et des Energies Renouvelables, Khaled Kaddour, qui s’est exprimé sur les ondes de RTCI  le lundi 12 février 2018 : « Il faut clairement annoncer aujourd’hui à l’opinion publique que la CPG ne peut pas recruter tout le monde, ni résorber le taux de chômage élevé (28%) de la région de Gafsa », a-t-il clamé avant d’avouer que le gouvernement n’avait pas les solutions actuellement pour résoudre les problèmes des protestataires : « Nous sommes en train de réfléchir à plusieurs possibilités, mais ce n’est pas évident vu la conjoncture actuelle » a simplement commenté le ministre.

 

La puissante organisation syndicale UGTT a de son côté pointé la responsabilité du gouvernement dans la crise actuelle. Si elle est consciente que la CPG n’était plus en mesure de recruter de nouveaux agents, elle interpelle l’équipe gouvernementale sur plusieurs points : « Nous avons alerté les autorités depuis plusieurs années quant à la nécessité de lancer des projets alternatifs à la CPG et à Gafsa. Il faut investir dans l’agriculture. Il y a un projet de fabrication de briques dans cette région qui est bloqué depuis plusieurs années, le gouvernement est complètement inaudible aux préoccupations du bassin minier » a accusé Bouali Mbarki, secrétaire général adjoint de l’UGTT sur les plateaux d’Attesia, tout en exprimant le rejet de son organisation de tout blocage des activités de productions.

 

Indépendamment des opinions des uns et des autres sur la question, opinion forcément influencée par la position qu’occupe chacun des acteurs et des intérêts qu’ils représentent, le problème de la CPG pose au grand jour la question de la gestion des entreprises publiques. Mis à part les banques publiques, la majorité des entreprises publiques sont mal gérées, en sureffectifs et enregistrent des déficits. A titre d’exemple, la CPG employait 4500 agents en 2010, produisait 8 millions de tonnes de phosphate et avait rapporté 1000 millions de dinars à l’Etat tunisien. 7 ans plus tard, la société a pratiquement doublé son effectif et a produit à peine la moitié de ce qu’elle produisait en 2011. Les chiffres ne mentent jamais…

 

Nessim Ben Gharbia

 

15/02/2018 | 20:00
5 min
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Commentaires (7)

Commenter

saz
| 18-02-2018 19:18
...la seconde comme une farce et non face

Abidou
| 18-02-2018 00:19
Une eventuelle solution a ce probleme consisterait a : RENVOYER ( autant que possible ) vers d' autres occupations publiques TOUTES LES PERSONNES QUI TRAVAILLENT SUR PLACE AUX PHOSPHATES ET QUI NE SONT PAS DE LA REGION ET LES REMPLACER PAR CEUX DE LA REGION au moins provisoirement en attendant de leurs creer des emplois . Ce n'est pas possible qu' une grande partie des richesses du pays vient de ces regions ( phosphate , petrole , dattes , olives etc ) et que les HABITANTS N' EN PROFITENT PAS DU TOUT . C' EST UNE PROFONDE INJUSTICE SOCIALE QUI DURE DEPUIS DES DECENNIES . Ca suffit , Il est honnete de reparer ca le mieux qu'on peut actuellement .

TeTeM
| 16-02-2018 19:31
Ma belle maman travaille dans cette société et effectivement, il y a péril dans la demeure... La Tunisie perd ce marché au profit du Maroc, alors que leur phosphate et de qualité moindre ! L'intérêt national c'est que la CPG fonctionne de manière efficiente. Le gouvernement doit faire appliquer la Loi et faire cesser ces blocages illégaux qui sont réalisés par des personnes extérieures à l'entreprise. Il ne s'agit pas ici d'un droit de grêve....

MOUWATEN
| 16-02-2018 17:11
la CPG a 120 ans et le Groupe Chimique ex SIAPE près de 70 ans. Comme l'a dit l'auteur de l'article, ces deux sociétés constituaient jusqu'à peux de temps le fleuron de notre économie. Malgré tout ce qu'on dit sur la pollution provoquée par les sociétés de ce secteur, personne ne pourra nier leur contribution dans le développement des métiers de la construction industrielle et la création d'un grand nombres d'entreprises privées aujourd'hui leaders en Afrique.Personne ne peut nier l'emprunte des cadres Tunisiens sur la Technologie des phosphates dans le monde entier. Personne ne peut nier les apports en devise pour le pays. Cependant la Tunisie aurait dû mieux mettre à profit tout le savoir accumulé pour s'internationaliser comme l'a fait la STEG, la SONEDE ou l'ONAS En bref ces sociétés constituent une partie de l'histoire nationale et de celle du phosphate à l'échelle mondiale. Voyons donc les choses autrement et soyons à la hauteur de cet instant historique.

URMAX
| 16-02-2018 13:30
... L'industrie de la pêche dans le golfe de Gabès, redeviendra fleurissante. ... Ce n'est certainement pas pour rien que les prix des produits marins flambent ainsi : La CPG, le GCT (groupe chimique Tunisien, et les industries pétrolières et dérivés implantés entre Gabès et Sfax y sont grandement pour quelque chose : Avec tous les produits chimiques et les milliers de tonnes de résidus de minerais stérile entreposés aux abords de la mer au nord de Gabès, le biotope marin du golfe de Gabès est pratiquement réduit à néant. ... Une trentaine d'années en arrière, les plus belles soles et crevettes y étaient pêchées : 25 cm / pièce de crevette ! ... Aujourd'hui les chevrettes de 15 cm sont à 45 - 52 DT/Kg ! ... l'un meurt, l'autre renaît ... Puisque nos entreprises sont incapables de se mettre à jour avec les normes environnementales ! (c'est pour cela que c'est moins cher) ... URMAX

DHEJ
| 15-02-2018 21:45
SECTION IV ENTRAVE À LA LIBERTÉ DU TRAVAIL Article 136 Est puni de trois ans d'emprisonnement et de sept cent vingt dinars d'amende, quiconque par violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, provoque ou maintient, tente de provoquer ou de maintenir une cessation individuelle ou collective de travail. Article 137 Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de deux cent quarante dinars d’amende quiconque, dans le but de porter atteinte à la liberté du travail, a volontairement détérioré ou tenté de détériorer des marchandises, matières, machines conducteurs ou producteurs d'énergie, appareils ou autres instruments servant à la fabrication, à l'éclairage, à la locomotion ou à l'alimentation hydraulique. Les peines complémentaires prévues à l'article 5 du présent code peuvent être appliquées.

DHEJ
| 15-02-2018 21:05
Impasse ou cassure entre les 3 pouvoirs d'ailleurs l'auteur pourquoi n'a-t-il pas questionné le role du procureur général pour défendre le droit du travail... et l'application de l'article premier du code de procédure pénale! Alors monsieur N.B.G merci de questionner les trois pouvoirs dans cette crise!!!