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Chroniques
Cinquante nuances de grèves pour les investisseurs
28/11/2016 | 16:25
4 min

 

A l’actualité cette semaine, les préparatifs pour la Conférence internationale de l’Investissement « Tunisia 2020 », les préparatifs de grèves dans l’enseignement, les préparatifs de grèves chez les avocats et les préparatifs d’une grève générale chez l’UGTT. La Loi de finances 2017 continue à être discutée à l’assemblée et le gouvernement ne sait plus où donner de la tête pour boucler son budget, honorer ses engagements et créer de la croissance.

 

La conférence aura lieu demain mardi et après-demain mercredi 30 novembre et devrait enregistrer la présence de plusieurs centaines de patrons de groupes internationaux.

Pour bien les accueillir, on a mis les petits plats dans les grands. Les services de sécurité ont fermé plusieurs artères de la capitale, on a mobilisé les jardiniers pour désherber les boulevards et les routes par lesquels passeront nos « illustres » invités et on a même refait les peintures de certains trottoirs.

Du côté du gouvernement, on ne cesse de supplier de donner la meilleure image qui soit du pays afin de « convaincre » que la Tunisie a changé.

A-t-on vraiment changé ? CQFD…

 

On est ce que l’on est, et ce que l’on est n’est pas beau à voir pour un investisseur étranger. L’actualité de la semaine le démontre bien. Les avocats ont choisi ce moment de la conférence de l’investissement pour annoncer leur grève. Ils refusent d’admettre la notion de l’équité fiscale des contribuables, ils se croient supérieurs aux autres et demandent, sous peine de grève et de sit-in, des avantages fiscaux, ainsi qu’une amnistie fiscale, pour leur corporation et leur corporation seulement.

Chez les enseignants, on veut la tête du ministre qui leur a refusé je ne sais plus quelle augmentation ou quelle indemnité. Après avoir pris les élèves en otage, ils organisent des excursions pour descendre crier leur colère.

Du côté du parti de l’opposition, on ne cesse de dénigrer toute initiative. C’est de bonne guerre, diriez-vous, mais il y a un temps pour tout.

Du côté du parti au pouvoir, on est à couteaux tirés et on use de slogans qu’on n’a même pas osés contre ses pires adversaires politiques.

 

Quand on lit les manuels d’économie, quand on voit les expériences des pays développés, quand on raisonne avec du bon sens, la seule et unique recette-miracle pour qu’il y ait de la croissance, de l’emploi et des richesses s’appelle la productivité. Et pour produire, il faut travailler. Ne cherchez pas trop, il n’y a pas d’autres solutions. Même pour extraire du pétrole des sous-sols, il faut travailler.

Cette corrélation travail-croissance ne figure pas dans notre culture générale tunisienne, un mélange de culture occidentale et orientale.

Des expériences des cultures occidentales en matière de productivité, on a retenu celle de se reposer le samedi en l’incluant aux jours de repos hebdomadaire et celle de décréter une grève à chaque fois qu’il y a un différend avec l’employeur.

Des expériences des cultures orientales en matière de productivité, on a retenu celle de l’Etat providence et celle de la séance unique l’été et le ramadan.

 

Travailler chez nous se présente comme étant un service qu’on rend. « Mzeyya ». Quand on se fâche, on cesse de travailler. Quand on veut exiger quelque chose de l’Etat, on cesse de travailler. On fait du chantage à la productivité, alors que nous sommes loin d’assurer la productivité nécessaire à la bonne marche du pays.

Le comble de la bêtise est la colère des avocats qui décrètent une grève alors qu’ils vont être les premiers, et les derniers, à payer son prix, puisqu’ils travaillent pour leur propre compte.

Le comble de l’ignorance est la colère des enseignants qui décrètent les grèves les unes derrière les autres, alors qu’ils sont censés inculquer aux générations futures les notions de travail et de productivité.

Le comble de l’abject est ce parti au pouvoir dont les dirigeants s’insultent et se lancent des noms d’oiseaux en faisant appel à de véritables voyous-mercenaires.

 

Alors bienvenue aux milliers d’investisseurs qui sont là pour la conférence internationale, mais le scepticisme est de mise.

A quoi sert-il de lancer des projets si vous avez un parti au pouvoir sans véritable dirigeant, des partis d’opposition qui n’ont rien à proposer, des corporations ayant pour seul slogan « après moi le déluge » ?

En dépit de tout, Béji Caïd Essebsi et Youssef Chahed tentent leurs dernières cartouches avec cette conférence internationale. Ca passe ou ça casse.

Parce que ce pays est le nôtre, parce qu’on ne va pas aller se réfugier à Paris, à Londres ou à Doha, il faut que ça passe ! Comment ? En travaillant…

28/11/2016 | 16:25
4 min
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Commentaires (16)

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1919
| 04-12-2016 15:38
A propos de l'idée de l'article : tu parles.

Dr. Jamel Tazarki
| 29-11-2016 14:08
Merci pour votre feedback.

Mr Youssef Chahed et son équipe vont pouvoir faire l'indispensable afin de faire sortir la Tunisie de l'impasse! Ils ont le savoir-faire socio-politique et socio-économique


La Tunisie n'est pas l'UTICA mais plutôt 13 millions de Tunisiens!

Très Cordialement
Jamel

https://www.youtube.com/watch?v=z2Sl7zTEPWs&index=9&list=RDWVzK42Q17CE

G&G
| 29-11-2016 12:40
Aujourd'hui ma femme est en grève. Ma cuisine est fermée pour trois jours parce que j'ai failli à ma promesse pour un petit dej que je n ai pas respectée
Comptabilisez-en SVP.

Ranjeet Singh
| 29-11-2016 09:40
facile de dire " on devrait faire ceci, on devrait faire cela"; si les Tunisiens continuent de cultiver la tomate , c'est qu'il doit bien y avoir une raison; pour le reste ils ne sont ni Chinois ni Allemands.Pour le devenir il faudrait peut être importer des crânes.

LIBRESPRIT
| 29-11-2016 09:19
"nous sommes loin d'assurer la productivité nécessaire à la bonne marche du pays."dites-vous à nos HOTES ! Hélas c'est une REALITE, mais mauvaise PUBLICITE ! Il faut avoir pitié de ce pauvre pays et de son VAILLANT PEUPLE !

okba
| 29-11-2016 08:34
mille bravo NB pour cette analyse combien pertinente de la situation catastrophique résultant de la mentalité lamentable des Tunisiens notamment ceux qu'on croyait un tant soit peu instruits . Comme vous le dites , l'adage de chacun devient*après moi le déluge*

Forza
| 28-11-2016 22:36
C'était un plaisir de lire votre commentaire.
Pour la tomate on doit changer nos plats nationaux, on prépare tout avec la purée de tomate et vous vous imaginez le prix de préparer une assiette de Spaghettis avec de la tomate hollandaise mais vous avez absolument raison. Nous sommes un pays sec et on exporte de l'eau sous forme d'oranges par exemple et même de l'eau minérale comme j'ai lu l'autre fois, 30 millions de dinars d'export d'eau minérale.
Votre description de la « Arbeitsteilung » est correcte mais les tendances protectionnistes comme on voit chez Trump en Amérique mais aussi chez l'extrême droite en Europe risquent de nous fermer des marchés. Beaucoup de compatriotes tunisiens ne comprennent pas que cette politique de Trump si elle devienne réalité est négative pour la Tunisie étant un petit marché et par manque de l'union maghrébine, nous avons besoin de s'intégrer dans cette 'Arbeitsteilung' internationale et monter peu à peu dans la gamme.
Je pense toujours a votre idée du petit avion pour la lutte anti terroriste, je pense sincèrement que vous avez raison et la Tunisie peut pour une fraction des 1.2 milliards de dinars qu'ils veulent payer pour les hélicos américaines obtenir des résultats probants avec un petit avion de production locale. Ceci me fait penser aussi aux dépenses de l'état et des familles tunisiennes pour envoyer leurs enfants étudier en Europe. C'est bien de maintenir ce lien mais honnêtement avec les ressources pour un étudiant en Europe on peut envoyer 10 en Inde et ils ont une industrie tic et de telecoms formidable et des écoles d'ingénieurs très performantes.
Bon soirée et merci pour cette lecture.

Dr. Jamel Tazarki
| 28-11-2016 21:52
1ère partie

Seulement avec l'assiduité on ne risquera pas de résoudre les problèmes socio-économiques de la Tunisie! La Tunisie a besoin simultanément d'intelligence et d'assiduité' Je vous l'exemple de nos paysans/agriculteurs qui travaillent 16 heures par jours et 365 jours par an et pourtant notre productivité est relativement faible: les Hollandais produisent 460 tonnes de tomates par hectare alors qu'en Tunisie on produit moins que 20 tonnes par hectare'

Je propose à certains tunisiens de travailler moins, mais par contre de travailler intelligemment afin de minimiser le prix de revient et d'augmenter la productivité!


Nos agriculteurs sont à 90% ignorants et routiniers et ne font qu'un très petit profit (ou même pas). Nous consacrons un espace énorme et un travail considérable dans tous les domaines économiques mais la rentabilité est minimale, de telle façon qu'il n y a pas assez pour tous les tunisiens. Le problème principal est que nous ne ressentons pas la nécessité d'améliorer nos méthodes de production. Il faut que l'on sorte de cette routine. Nos agriculteurs et une grande partie de nos industriels manquent de stimulation et ils restent dans leur ignorance et routine. La perte de rentabilité causée par une faible production porte tout le peuple tunisien. Nous avons baissé les bras et on s'est résigné à suivre les mêmes routes tracées depuis des décennies. Nous restons ainsi aussi pauvres qu'auparavant parce que nos frais de productions absorbent tous. Qu'est-ce qui nous empêche d'aller plus loin ? Qu'est-ce qui nous freine? La grande problématique des tunisiens c'est bien cette difficulté à mener une activité à son terme. Il semble que tout nous fasse envie mais nous ne menons jamais les choses jusqu'à leur optimum (rien n'est réellement fini).

Jamel Tazarki

Bob Marley - Everything's Gonna Be Alright
https://www.youtube.com/watch?v=OD3F7J2PeYU

Dr. Jamel Tazarki
| 28-11-2016 21:47
2ème partie:

L'avion Airbus n'est pas un avion à 100% européen. En effet, Il se compose de plus de 30000 pièces qui peuvent être fabriquées de façon autonome les unes des autres et partout dans tous les pays du monde. Ces composants sont graduellement réunis en sous-ensembles qui sont associés lors de l'assemblage final à Toulouse, en France.

Les éléments de la brosse à dents électrique de la firme allemande Braun sont fabriqués dans tous les coins du monde où les prix de production sont minimaux: Manille (l'électronique); Japon (cellules d'énergie); Chine (bobines de cuivre); Malaisie (platine); USA (boîtier en plastique) et Allemagne (assemblage)'

Ainsi, la décomposition d'un produit permet la fabrication des différentes pièces dans des pays différents en fonction de leurs avantages comparatifs. La production est décomposée internationalement d'où le nom de "décomposition internationale du processus productif". Ce que l'on appelle en allemand: "Internationale Arbeitsteilung".

La théorie associée à l'avantage comparatif explique que, dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s'il se spécialise dans la production pour laquelle il a la productivité la plus forte, comparativement à ses partenaires, il accroîtra sa richesse nationale. Cette production est celle pour laquelle il possède un avantage comparatif.

Le problème de la Tunisie et des Tunisiens c'est que si on voulait produire des machines, on voudrait les produire à 100% par nous-même et en Tunisie.


La libéralisation des échanges à l'échelle internationale ne peut fonctionner en Tunisie que si nos "hommes d'affaires" appliquent le principe associée à l'avantage comparatif. Nous avons intérêt à nous spécialiser dans la production pour laquelle nous possédons un avantage absolu, c'est-à-dire pour laquelle nous sommes plus compétitif que nos partenaires commerciaux, et à utiliser le surplus de notre production pour l'échanger contre les biens qu'on a renoncés à produire par nous-même.


Nous avons un avantage comparatif à nous engager, entre autres, dans le domaine du modélisme radiocommandé (Model RC), comme les hélicoptères, les avions, les voitures, les bateaux, les trains et les drones radiocommandés. Il s'agit d'un travail manuel qui fait beaucoup de plaisir. J'avoue que j'ai abandonné, pendant deux ans, mon travail très bien payé de mathématicien afin d'aller travailler dans une firme de modélisme radiocommandé et ceci rien que pour la passion que j'avais et que j'ai encore pour le modélisme.


Oui, nous avons un avantage comparatif à nous engager dans le domaine du modélisme, si on accepte d'importer les radiocommandes ou les télécommandes (ensemble composé de l'émetteur, du récepteur, du servos, etc.). Il est absurde de nous engager dans la fabrication des télécommandes, si on veut se spécialiser dans le modélisme. Et je vous assure que le pas entre les modèles des avions réduits radiocommandés et les petits avions de ligne n'est que minimal, en effet le principe est le même mais dans des dimensions différentes.


Encore des exemples: nous avons un avantage comparatif à utiliser l'énergie solaire que fossile, et vous savez pourquoi! Nous avons un avantage comparatif à développer l'aquaculture sur toute la côte méditerranéenne. Nous avons un avantage comparatif à développer l'hydro-culture, etc.

Jamel Tazarki

Dr. Jamel Tazarki
| 28-11-2016 21:45
3ème partie:

La Chine a un avantage comparatif pour la fabrication des cellules photovoltaïque:
Sombre période pour les producteurs européens et en particulier allemands d'énergie solaire. Le fabricant allemand Q-Cells, qui était l'un des principaux fabricants au monde de cellules solaires, a fait état d'une très grande perte durant les dernières années. Coté à la Bourse de Francfort, l'action Q-Cells ne coûte aujourd'hui que quelques centimes (alors qu'elle valait 10,93 euros en fin de 2009 et 100,00 euros en décembre 2007):

La chute des prix des cellules photovoltaïque, à cause de la concurrence accrue des fabricants chinois, n'a laissé aucune chance aux fabricants allemands et européens. La concurrence asiatique a porté un coup fatal à un secteur allemand qui a perdu plus que 14000 emplois en deux ans. Aujourd'hui, 80% du marché des modules sont issus de la fabrication asiatique. On n'a jamais vu un marché disparaître de cette façon-là en Allemagne.

Siemens, a décidé de tourner la page du solaire et d'arrêter ses activités dans ce secteur en crise, soumis à une concurrence asiatique féroce. Cette décision est un sérieux revers pour le gouvernement allemand qui misait depuis plusieurs années sur le développement de l'énergie solaire thermique et photovoltaïque.

Même une entreprise orientée sur le long terme comme Bosch ne peut pas indéfiniment subventionner un secteur comme le photovoltaïque.

Et voilà que certains de nos dirigeants nous parlent de la fabrication des cellules photovoltaïque en Tunisie, ce qui est du non-sens!


Moi, je propose même de renoncer à la culture des tomates en Tunisie, de l'importer des Pays-Bas et de cultiver plutôt des pommes de terre qui ne sont pas du tout gourment en eau et qui supportent beaucoup mieux la chaleur et peuvent rester même plusieurs jours sans eau. Oui, la théorie associée à l'avantage comparatif nous dicte de renoncer à la culture des tomates en Tunisie!

Les Allemands ont eu le courage de renoncer à la production des cellules photovoltaïques pour les raisons que j'ai citées ci-dessus et la Tunisie a intérêt à renoncer à la culture des tomates et même des fraises!

Jamel Tazarki