Deux de nos journalistes auraient été assassinés en Libye. On préfère encore employer le conditionnel étant donné qu’en réalité, on n’en sait rien encore. Aucun officiel tunisien ne confirme pour l’instant cette sordide nouvelle…ni ne la dément d’ailleurs. La Tunisie continue de retenir son souffle en attendant la quasi-certaine triste nouvelle qui circule dans les couloirs. Mais pour l’heure, le gouvernement affirme n’avoir plus aucun contact avec les deux Tunisiens, ni avec leurs ravisseurs qui les retiennent en otage depuis plus de 200 jours. Dans ce capharnaüm de pays, dans ce no man’s land sécuritaire et politique, deux de nos confrères restent livrés à leur sort.

La nouvelle de la mort du journaliste Sofiène Chourabi et du caméraman Nadhir Guetari a été ébruitée depuis janvier dernier. Une cellule terroriste se vante de leur assassinat. Les officiels tunisiens réuniront une cellule de crise suite au grabuge médiatique et attendront des jours pour annoncer que l’info n’est qu’un canular et que les deux Tunisiens sont vivants. En vie oui, mais on n’en sait pas plus sur leur situation, leur localisation et les parties qui les détiennent.
Aujourd’hui, les Libyens nous présentent leurs condoléances. Condoléances dont on ne sait que faire étant donné que l’info, jusqu’à l’heure de la rédaction de ces lignes, n’a été ni confirmée ni démentie officiellement en Tunisie. Les officiels tunisiens préfèrent attendre, à chaque fois qu’une catastrophe soit annoncée pour réagir. Réunion de la cellule de crise, communiqués rassurants et rencontres avec les familles mais aucune information fiable ne daigne être communiquée. La vérité est toujours ailleurs…

Sofiène Chourabi et Nadhir Guetari pourraient être morts et enterrés depuis janvier dernier. Ils le sont probablement. Qu’attendent nos officiels pour l’annoncer ? Qu’attend le gouvernement pour crier aux Tunisiens son total désintérêt du sort de ses citoyens ? Qu’attend-il pour que son laxisme et son incapacité soient, officiellement, rendus publics ?
Faut-il accepter les condoléances libyennes et faire confiance à un pays en proie à une guerre civile ? Faut-il, au contraire, retenir son souffle et attendre la réponse officielle d’officiels qui ne cessent de prouver leur laxisme, leur incapacité et leur grande faiblesse ?

Le kidnapping de Sofiène Chourabi et Nadhir Guetari est un réel cas d’école. Tout au long de cette affaire, les autorités tunisiennes avaient été très avares en informations concernant la situation des deux hommes. Informations disparates, communiqués non concordants et affirmations avares en détails, le ministère des Affaires étrangères piétinait et cela se voyait à des kilomètres à la ronde. Aujourd’hui encore, les circonstances mystérieuses du kidnapping n’ont pu être élucidées et les cellules de crise ne se réunissent que lorsque syndicat et médias tirent la sonnette d’alarme. Aucun contact permanent n’était assuré avec les deux Tunisiens, aucune information concrète sur leur situation, les officiels tunisiens préfèrent attendre sagement qu’une pression médiatique les mette dos au mur pour réunir, en urgence, une cellule de crise et annoncer, encore et encore, qu’ils n’en savent rien. Trop peu et un milliard de fois trop tard !

Aujourd’hui, les chances de revoir un jour Sofiène et Nadhir vivants s’amenuisent à vue d’œil. « Ils l’ont bien cherché », entend-on par-ci, par-là de la bouche de ceux qui ne comprennent pas que deux jeunes gens puissent partir en terre de guerre pour exercer leur métier. Qu’étaient-ils allés chercher ? C’est la vérité que nos deux confrères sont allés chercher en Libye et ils l’ont bien trouvée au détriment de leur sécurité, et peut-être même de leurs vies.
Une vérité qui les a poussés à se rebeller contre ce journalisme assis que nous pratiquons tous et dans lequel nous nous complaisons. Une vérité nourrie d’idéalisme, parfois naïf, et d’inconscience, parfois héroïque. Une vérité qui tarde encore à être dévoilée aujourd’hui.
Cette vérité devra être rendue publique de toute urgence afin de rassurer ou de fixer des familles endeuillées depuis des mois, des familles qui revivent le même choc, encore et encore.

Force est de reconnaître qu’aussi bien le gouvernement Essid, que celui de Jomâa qui l’a précédé, n’ont pu accorder le sérieux nécessaire à cette affaire. Les responsables devront assumer ces manquements, afin que chacun puisse faire son deuil et afin que chacun puisse connaitre toute l’ampleur de l’incompétence des officiels tunisiens. Quand devrons-nous, enfin, ranger nos points d’interrogation et nous réjouir….ou préparer nos mouchoirs ?