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Chokri Belaïd – 6 ans après, les Tunisiens n’ont toujours pas absorbé le choc
05/02/2019 | 19:59
5 min
Chokri Belaïd – 6 ans après, les Tunisiens n’ont toujours pas absorbé le choc

 

Que dire de cette affaire qui a ébranlé la Tunisie et dont l’impact se ressent jusqu’à aujourd’hui. Nous commémorons les 6 ans de l’assassinat du leader de gauche, Chokri Belaïd. La blessure reste ouverte, béante plus que jamais et n’est pas prête à se refermer. Les commanditaires du meurtre, les assassins courent toujours les rues et la quête de la vérité se perd.

 

Six ans déjà depuis le terrible assassinat de Belaïd. Six ans déjà que des coups de feu ont retenti dans le paisible quartier d’El Menzah 6, que des balles terroristes ont criblé le corps d’une des voix les plus virulentes à l’encontre des islamistes alors au pouvoir. Un événement à marquer d’une pierre noire dans l’Histoire de la Tunisie. Un lâche assassinat qui a provoqué un séisme et constitué un véritable tournant sur la scène politique.

C’était au matin du 6 février 2013. Les Tunisiens étaient en état de choc. Une chape de plomb s’était abattue sur le pays. La peur, la colère, la rage, une indicible tristesse. Autant d’émotions s’étaient emparées des Tunisiens. Dans toutes les villes, les rues s’étaient remplies spontanément, les gens s’étaient attroupés. A Tunis, le point d’orgue s’était l’avenue Habib Bourguiba. Des milliers de manifestants et un premier slogan qui fuse « Qui a tué Chokri ? », et puis un deuxième « Ghannouchi assassin ! ». Ces deux slogans font désormais partie de l’Histoire politique de la Tunisie.

 

C’est dans un contexte politique extrêmement tendu que la figure de gauche a été lâchement tuée. Depuis que la Troïka, menée par le parti islamiste Ennahdha, a accédé au pouvoir, presqu’aucun jour ne passait sans que des prétendus imams, que des figures islamistes issues notamment du parti au pouvoir, ne proféraient des accusations d’apostasie à l’encontre des personnalités laïques. Chokri Belaïd, avec sa verve et son opposition farouche aux islamistes, était la cible d’incitations au meurtre. Ne seraient-ce que les déclarations de Ali Laârayedh (alors ministre de l’Intérieur) après les événements dits de la chevrotine ou les menaces à peine voilées des Chourou et Ellouze. On apprendra par la suite que le gouvernement de Hamadi Jebali n’a pas daigné assurer la protection de Belaïd en dépit des multiples rapports évoquant un plan d’assassinat le visant.  

La veille de son meurtre, le martyr de la nation avait accusé Ennahdha de laxisme face aux appels incessants à assassiner les opposants politiques qualifiés d’ennemis de l’islam. Il faudra se rappeler que les autoproclamées ligues de protection de la révolution faisaient la loi et semaient la terreur. Belaïd assurait au soir du 5 février 2013, que ces ligues ne sont rien d’autre que le bras armé d’Ennahdha. Au matin du 6 février, il tombe sous les balles des terroristes en sortant de chez lui.

 

Cet assassinat marque un point de rupture et a annoncé le début de la fin pour la Troïka. Le meurtre de Mohamed Brahmi, quelques mois après, prononcera sa chute. Une journée mémorable, historique qu’était celle des funérailles de celui qui deviendra un symbole de résistance face à la menace islamiste. Cette journée et la mobilisation des Tunisiens ébranleront Ennahdha et ses alliés. N’étaient-ce par la suite les intérêts et les calculs politiques, l’antenne des Frères musulmans en Tunisie, serait passée à la trappe.

Six années se sont écoulées depuis, sans que la vérité n’éclate au grand jour ! Sans que les meurtriers et les commanditaires ne soient clairement identifiés ou jugés ; sans que les individus ou les entités ayant financé, planifié ou couvert les terroristes ne soient inquiétés. Les zones d’ombre persistent et une conviction s’est ancrée chez les Tunisiens, l’existence d’une volonté de taire la vérité, de l’étouffer pour qu’elle ne soit jamais révélée. Ennahdha et ses figures qui ont, au minimum, la responsabilité politique de ces assassinats et de la situation explosive par laquelle est passée la Tunisie, ont aujourd’hui un pied au pouvoir et ne sont pas inquiétés outre mesure. Trahisons et alliances ont en voulu ainsi.

 

Alors, oui, l’affaire de l’organisation secrète d’Ennahdha a fait grand bruit et a démontré l’implication du mouvement dans de graves combines. Le comité de défense de Belaïd et Brahmi a lâché une bombe à retardement qui explosera bien tôt ou tard. Ce qui est établi, c’est les liens étroits qu’entretenaient de hauts responsables d’Ennahdha avec Mustapha Khedher. Ce dernier avait avoué, entre autres, ses liens avec Ameur Belazi, celui-là même qui est accusé d’avoir dissimulé le 9mm utilisé dans les meurtres de Belaïd et Brahmi. Mustapha Khedher, suspecté d’être le chef de l’appareil secret d’Ennahdha, a également avoué qu’il avait engagé des individus pour agresser les personnes qui ont participé le 8 février 2013 aux funérailles de Chokri Belaïd. Tous ceux qui y étaient peuvent se rappeler des scènes d’agression, des voitures brûlées aux alentours du cimetière et des groupes de délinquants qui terrorisaient les gens. Tant et tant d’éléments qui pointent vers une implication, a minima, indirecte de nos islamistes.

 

Depuis 6 ans l’aspiration des Tunisiens à connaitre toute la vérité ne s’est pas tarie. L’onde de choc de l’assassinat de Chokri Belaïd n’a pas disparu. Non, le choc n’a toujours pas été absorbé comme l’affirmait l’ancien président de la République, Moncef Marzouki (alors en exercice) au lendemain de l’assassinat.  C’était le 14 février 2013, sur les colonnes du Figaro.

Tant que le souvenir restera vivace ; tant que le verbe de Belaïd, sa moustache et son grain de beauté, devenus iconiques, demeurent un symbole pour les Tunisiens, la question « Qui a tué Chokri ? », reviendra comme un leitmotiv.

 

Ikhlas Latif

05/02/2019 | 19:59
5 min
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Commentaires (11)

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LE TUNISIEN
| 06-02-2019 14:43
Le lion nous a quitté en laissant un grand vide dans la vie politique tunisienne ainsi que dans nos coeurs, allah yehlikek ya boufelja!

Maher
| 06-02-2019 14:08
La carence de l'état dans l'affaire de Chokri et de Haj Brahmi (rabbi yer7amhom) est une lâcheté des gouverants surtout actuels avec bejbouj en tête.Lui qui a promis délucider ces assassinats ignobles, n'a rien fait et voilà qu'il s'en souvient brusquement la veille des élections .....à penser qu'il exploite un fonds de commerce......tant qu'il y aura une affaire Chokri /Brahmi il pourra promettre pour gagner........
Pour ma part je ne pense pas qu'un jour on verra la vérité éclater au grand jour, c'est crime d'état à l'image des assassinats de Kennedy et de Hariri crimes jamais élucidées,
Personellement je n'ai jamais cru à l'histoire avancée par le comité de défense des martyrs (avec out le respect que je dois à leur travail) Chokri / Brahmi Allah yer7amhom et pour causes:
1/le résultat de ces actes ignobles : en criminologie le crime devrait profiter à son auteur, or quand on examine le résultat sur Ennahdha et la troika de l'époque, c'est bien eux la victime de ces assassinats.......dire qu'ils ont exécuté les martyrs pour se faire exclure du pouvoir me semble insencé.
2/ La manière de faire ou le mode opératoire comme dirait les experts n'est pas celle de quelques pigeons quasi illetrés, mais bien celle de services rodés pour ce genre d'opérations (voiture sans plaque pour la diversion, utilisation d'une moto pour la fuite à une heure de pointe dans le sens contraire de la circulation.......) tous ces éléments laissent penser que c'est un travail de pro et pas celui de quelque bourriques habituées à égorger les innocents ou à poser une bombe dans une poubelle.
Le fait que nos gouvernants n'aient pas assez de courage pour traiter ces dossiers de manière objective et sereine et préfèrent le laisser pourrir, est un acte aussi criminel sinon pire que les assassinats eux mêmes par ce que ce dossier est entrain de miner notre société et de la diviser en éclats ......ils ont opté pour un remède pire que le mal comme l'avait dit feu Bourguiba Alla yer7amou.

Ibn Chokry
| 06-02-2019 13:49
Chokry Belaied est un militant de premier ordre depuis sa jeunesse et il n a pas change....Super intelligent..au verbe facile et d une droiture exemplaire...c est l ennemi numero 1 des extremistes religieux et des sionistes.....Essebsi a tout fait pour mettre le voile sur la verite...

Maryem
| 06-02-2019 13:05
Entendez par la bouche de Chokry Belaied...dire les raisons qui ont cause son assassinat

tounsia2
| 06-02-2019 11:23
Dans sa compagne électorale de 2014, BCE a déclaré que l'assassinat de Chokri Belaid était une question de salut national et il ne croyait pas si bien dire! Aujourd'hui et en absence de la vérité qui permettra de désigner les responsables et les juger, c'est toute la Tunisie qui est assassiné et l'affaire des camps d'embrigadement des enfants appelés " écoles coraniques" et qui se sont avérés disséminés dans toute la Tunisie (Regab, Medenine, Ben Arous, Birine. . .), n'est qu'une preuve de plus du massacre des tunisiens qui se poursuit et qui n'est pas prêt de s'arrêter tant que les responsabilités politiques et pénales des uns et des autres ne sont pas définies et tant qu'il y aura des politiciens opportunistes qui accepteront le consensus avec les assassins de Chokri Belaid et de nos enfants.

Un grand bravo au groupe d'avocat du comité de défense de Chokri Belaid sans qui la vérité aurait été enterré avec le Martyr Chokri Bealid.

Paix à l'âme de Chokri Belaid et que Dieu protège sa femme et ses enfants.

Abir
| 06-02-2019 09:24
Merci cher lecteur,on se soutient pour le même combat,votre poème comme d'habitude me satisfait et mon commentaire ne va rien ajouter du mieux,bonne journée!

A4
| 06-02-2019 08:52
Et pourtant elle tourne ... avec des juges *** !!!

A4
| 06-02-2019 07:24
6 ans d'impuissance de la justice !
6 ans de juges *** !!!

mansour
| 06-02-2019 00:21
et la "justice" qui enquête depuis le 6 février 2013 en agissant avec des paroles et non l'action pour juger et condamner les commanditaires et les tueurs terroristes islamistes freres musulmans salafistes des martyres du pays Chokri Belaid et Mohamed Brahmi

A4
| 05-02-2019 20:43
LEVE-TOI !
Ecrit par A4 - Tunis, le 04 Février 2017

Lève-toi l'ami
Et fais comme moi
Je n'ai point dormi
Depuis bien des mois

Lève-toi, allez
Je te tends la main
J'ai les doigts gelés
J'ai le coeur chagrin

Allez, prends ma main
Tout seul je n'ai pu
Vaincre assassins
Et juges corrompus

Viens, ouvre tes yeux
Et serre fort ma main
Nous saurons à deux
Trouver l'assassin

L'assassin se cache
Derrière sa moustache
Ses lunettes de myope
Et son regard de taupe

L'assassin s'inquiète
En baissant la tête
Ni tranquille ni fier
Il vit un enfer

Il nous guette, le lâche
Mais il faut qu'il sache
Que tourne le vent
D'arrière au devant

Que même bien caché
Dans son vieux bûcher
Il n'évitera guère
La prise par derrière !