Le ministre français de l’Ecologie, François De Rugy, a présenté sa démission de son poste le 16 juillet 2019 suite à une série de révélations faites par le journal Mediapart sur son train de vie lorsqu’il était président de l’Assemblée. Le journal d’investigation a montré que M. De Rugy tenait des diners somptueux avec ses amis aux frais du contribuable français.
La tempête médiatique et politique déclenchée par ces révélations a finalement eu raison du ministre. Et c’est loin d’être un cas isolé. Ne serait-ce qu’en France, un certain nombre de responsables et de ministres comme Jérôme Cahuzac ou Eric Woerth ont été poussés à la démission à cause de révélations médiatiques. Ailleurs dans le monde, la plus célèbre des affaires reste celle du Watergate qui avait fait tomber le président de la première puissance mondiale.
Toutefois, il faut bien comprendre que le mécanisme qui opère dans les cas évoqués ne dépend pas uniquement du journal en question. Pour qu’un article de presse finisse par provoquer la démission d’un ministre, il doit y avoir un ensemble de préalables comme par exemple cette obligation morale d’exemplarité qui oblige les ministres à respecter un certain nombre de règles et qui font d’eux, également, des personnes exposées. Il y a aussi le fait que l’opinion publique possède le degré de conscience nécessaire pour ne pas laisser passer certaines pratiques, surtout au plus haut niveau du pouvoir.
Il n’en est pas de même chez nous. Les mêmes personnes qui béatifient les journalistes étrangers et pensent que la vérité sur leur pays leur vient des rédactions parisiennes sont les premières à tourner le dos à toutes les révélations que peut faire la presse tunisienne. C’est, évidemment, une presse corrompue et aux ordres des grands financiers, des partis politiques, de la mafia internationale, etc. Mais paradoxalement, c’est l’un des seuls secteurs qui avance à grands pas depuis la révolution, qui apprend, qui évolue, qui s’améliore, tout en étant impliqué dans tous les combats pour les libertés. Ils étaient formidables les journalistes quand ils faisaient grève générale sous la troïka…
C’est un complexe que nous avons, nous Tunisiens. Peut-être un complexe de colonisé ou un complexe de simple ignorant, mais pour une large frange, surtout parmi l’élite de ce pays, l’étranger en saura toujours plus que nous sur notre propre pays. Attention pas n’importe quel étranger, on parle uniquement du blond aux yeux bleus qui nous arrive d’Europe. Parce que les autres on les enterre comme des animaux, si jamais on les enterre. Un ambassadeur, fonctionnaire de son état, a tout à fait le droit de venir nous donner des leçons et insulter notre pays, et il aura toujours des soutiens pour clamer : « non mais il dit la vérité quand même, il a osé dire ce que personne ne pouvait dire avant ».
Bref, l’opinion publique tunisienne et une grande partie de son élite sont victime de ce tropisme qui fait que les révélations des médias tunisiens n’ont pas les mêmes répercussions qu’en France ou ailleurs. On aura beau révéler des malversations, des fraudes, de la corruption etc, ce sera toujours au média tunisien de prouver ses dires et ce sera au média de se défendre contre l’opinion publique. La même information publiée sur n’importe quel autre support, qui parait étranger et francophone, prendra des proportions énormes. J’en veux pour exemple « l’information » selon laquelle le ministre tunisien de la Défense, Abdelkarim Zbidi se présenterait à la présidentielle, publiée sur un autre obscur blog. Et pourtant cela suffit pour que cela soit pris comme une information fiable et que cela soit partagé, analysé et commenté.
Cette confiance dans les révélations des médias tunisiens doit se construire et se solidifier. Les médias ont la plus grande partie du travail, mais l’opinion publique doit également avoir cette conscience citoyenne qui permet une certaine cohésion. Il faut qu’on arrive, un jour dans notre pays, à ce qu’un article de presse soit suffisant pour pousser un ministre à la démission ou pour que l’Etat bouge sur certains dossiers. Mais l’élite tunisienne ne peut pas se désengager de ce combat pour le simple fait de se montrer à des réceptions ou pour grappiller quelques subventions. Nous pensons valoir un peu mieux que ça, malgré tout.
Commentaires (6)
CommenterIl y a du journalisme et Sidi Facebook
Il y'a article de presse et article de presse?
du chemin à faire
par contre avant de croire aux révélations des médias tunisiens, il faut que l'on croit à nous même, que l'on croit à notre système éducatif, que l'on croit à notre justice, que l'on croit à notre système de santé, ...
Faux démocrates, vrais dictateurs
Les pratiques, non !
Pourquoi ?
Parce que la promotion de la démocratie a été confiée à de faux démocrates, tout bonnement.
Chez nous, c'est le contraire, le bandit et voleur est respecté
Ne pas oublier la déontologie du métier!
1-La qualité intellectuelle des journalistes. Le censeur doit maîtriser parfaitement les thèmes censurés. La superficialité des connaissances ne contribue pas à élever le débat. Or des journalistes instruits et cultivés en Tunisie se comptent sur les doigts d'une seule main. Edwy Plenel le patron de Mediapart par qui le scandale de Ruggy est arrivé est l'auteur d'une vingtaine de livres politiques et de romans. Idem pour Bob Woodward qui avait déclenché le scandale du watergate et obligé le Président Nixon a démissionner. Citez-moi un seul livre d'un journaliste Tunisien!
2-Le respect sans concessions des règles déontologiques du métier et en premier lieu le refus absolu de toute complaisance et compromission avec le pouvoir en place. Un journaliste ne peut pas se targuer de partager des convictions avec l'autorité gouvernante. Ce n'est pas son rôle et cela ne correspond pas a la mission qui lui est dévolue. Un journaliste n'est pas un militant politique.