alexametrics
jeudi 18 avril 2024
Heure de Tunis : 04:30
A la Une
Ces élections qui n’intéressent personne !
17/04/2018 | 19:59
5 min
Ces élections qui n’intéressent personne !

 

Le 6 mai 2018, la Tunisie organisera ses premières élections municipales libres et impartiales de son histoire, plus de 60 ans après son indépendance. Le scrutin peut être qualifié de majeur et crucial tant le rôle de la municipalité est vital dans la vie quotidienne des citoyens. Pourtant, le scrutin risque de passer inaperçu tant les Tunisiens s’y désintéressent…

 

« Des élections ? J’ai vu oui  des affiches des partis, c’est pour élire un président?  Je n’y comprends rien à tout cela ».  Du haut de ses 20 ans, Haythem est censé représenter une certaine catégorie de la jeunesse tunisienne. Jeunesse qui est amenée à travailler pour faire réussir, chacun de sa position et selon ses aptitudes aussi modestes soit elles, l’expérience d’un Etat post révolution et le succès de sa transition politique et économique. Pourtant, le jeune épicier dans le quartier huppé d’Ennasr a d’autres priorités dans la vie : « Regardez mes fruits secs, cela fait une semaine qu’ils sont là et personne ne peut plus me les acheter ! Dans les années précédentes, chaque samedi, des clients venaient m’en acheter massivement pour accompagner leurs soirées, maintenant le plus aisé des consommateurs m’en achète à 10 dinars, la vie est devenue tellement dure que je n’ai pas le temps de penser aux élections, je veux juste vivre décemment », déclare amèrement le jeune adulte. 

 

A l’image de Haythem, beaucoup de Tunisiens montrent un faible intérêt pour les prochaines élections municipales, ce qui préfigure un taux de participation tristement bas  pour le scrutin du 6 mai. Qu’est ce qui explique cette forte abstention prévue ?

Nous sommes partis à la rencontre de citoyens de différentes tranches d’âges et de catégories sociales à la sortie de supermarchés, dans les cafés, restaurants et les stations de transport en commun dans le gouvernorat de l’Ariana, pour les questionner à propos des élections municipales, et voir s’ils comptaient voter ou s’abstenir de le faire.

 

Si les avis divergent sur la participation aux élections municipales (selon la tranche d’âge, les jeunes ont tendance à s’abstenir et les personnes plus âgées jugent que le vote est un devoir citoyen qu’il convient de respecter), toutes les personnes qu’on a pu interviewer sont unanimes sur un point : l’absence de médiatisation concernant les élections municipales.

C’est ce qui a particulièrement attiré l’attention de Khalil, lycéen de 18 ans qui s’apprête à passer les examens du baccalauréat dans deux mois. Attablé autour d’un café populaire (à cause de la grève spectaculaire des enseignants du secondaire), le regard dans le vide, il estime que les campagnes électorales des candidats à ces élections manquent cruellement de créativité : «  A chaque fois, ils viennent accrocher des visages, des noms et des programmes que personne ne lit sur  les mêmes murs  (réservés aux affiches pendant les élections). Je trouve que leur message manque de créativité et de simplicité, ils sont dépassés, ils ne comprennent pas le langage des jeunes et nous ne les comprenons pas », déplore  l’adolescent.

Pourtant, à l’entendre, ce n’est pas les chantiers ni les priorités qui manquent : «  Dans le gouvernorat de l’Ariana par exemple, on a un problème de propreté dans les rues, les poubelles débordent régulièrement et les gens mettent des ordures n’importe où. Pour autant, à ma connaissance, aucun parti n’a mis cette préoccupation dans ses priorités », regrette le lycéen, qui affirme que le Tunisien  a besoin de mesures simples et réalistes actuellement. « Au lieu de cela, déplore-t-il, « le citoyen se  trouve face à des candidats qui lui promettent monts et merveilles mais qui ne tiennent pas leurs promesses », ajoute, amer, Khalil qui indique qu’il ne votera pas lors des prochaines élections.

 

Sondos, elle aussi, a décidé de boycotter les élections municipales du 6 mai 2018. Mais, pas pour les mêmes raisons. Cette quinquagénaire à la voix engagée déclare être révoltée et en colère : «  Je ne compte pas voter pour les prochaines élections, je suis très déçue par les partis pour lesquels j’ai voté en 2011 et 2014.  A chaque fois, ils promettent de ne pas s’allier avec un bord  politique mais ils font exactement le contraire, je ne fais absolument plus confiance à cette classe politique actuelle », affirme-t-elle.

 

Cette résignation est aussi partagée par Amine 19 ans, qui nous explique que selon lui,  les dès sont jetés et que son vote ne comptera pour rien : «  En réalité c’est Nidaa Tounes et Ennahdha qui tiennent les arcanes du pouvoir, ils  dirigent tout, et  interviennent même pour faire embaucher leurs militants dans le milieu professionnel, il n’y a rien à faire face à cela et je préfère donc m’épargner ce déplacement pour aller voter ».

 

Heureusement, cette résignation n’est pas partagée par tout le monde. Ainsi, Hammadi Achour, actionnaire dans un restaurant, accorde une place bien particulière aux élections : « Bien sûr qu’il faut voter ! J’emmènerai ma femme et mes enfants de force s’il le faut pour qu’ils aillent voter, qu’ils élisent n’importe quel candidat qu’importe, mais il faut qu’ils votent, c’est un devoir citoyen », assène l’homme du haut de ses 66 ans.

Il faut dire que le gérant a été premier adjoint au maire pendant 15 ans jusqu’en 2005, à ce titre, il connait le mode de fonctionnement des municipalités sur le bout des doigts : « Les gens ne se rendent peut-être pas compte, mais la municipalité constitue le cordon ombilical qui relie  le citoyen et l’Etat !  Toute autorisation de construction ou ouverture d’un petit commerce doit passer nécessairement par cet organe, il est donc  plus que fondamental de voter et c’est le message que je lance aux jeunes et à tous les gens avec lesquels je discute de ce sujet ».

 

Englués dans les problèmes économiques, luttant contre le chômage, la cherté de la vie et l’absence de perspectives pour un avenir radieux, une bonne partie de la population tunisienne manifeste peu d’intérêt pour les élections municipales, se contentant de suivre de loin ce qui se passe. La fracture, déjà présente entre les partis politiques et les électeurs, spécialement les plus jeunes d’entre eux,  devrait, selon toute vraisemblance être consommée et définitivement entérinée lors du scrutin du 6 mai.

Mais au lieu de reprocher aux jeunes ce manque d’intérêt pour les choses publiques, ne doit-on pas considérer cet acte comme une prise de position éminemment  politique ? Et voire dans cette optique l’abstention comme  une preuve supplémentaire de l’échec de l’actuelle classe politique à mobiliser la population ?

Nessim Ben Gharbia

17/04/2018 | 19:59
5 min
Suivez-nous

Commentaires (11)

Commenter

ABDOU
| 26-04-2018 12:40
El-Menzah5, Le 26 AVRIL 2018

DEMAGOGIE TRAITRESSE DE NIDAA TOUNIS POUR GAGNER LES MUNICIPALES'?'
Le premier point du programme de ce parti est une promesse de présenter un projet de loi d'amnistie portant sur la taxe municipale.
Si cette liste gagne les élections même ceux qui se sont toujours acquittés régulièrement de leur devoir CIVIC envers leur municipalité devraient s'abstenir de le faire en attendant la suite qui serait réservée à ce projet de loi qui peut être considéré comme :
- Une grave entrave au sens du civisme qui a pourtant sacrément besoin d'être dévelopé
- Un moyen DEMAGOGIQUE peu honnête ( quelle que soit sa source ) pour gagner les voix de ceux qui ne sont guère dérangés par le fait de fuir leur devoir envers l'Etat et leur municipalité.
- Une abération sachant que l'autonomie des municipalités est principalement basé sur l'auto- financement .
-

Le révolté
| 18-04-2018 19:26
Aucun journaliste n explique le fonctionnement du conseil municipal
Aucun n'explique d' ou viendront les recettes et peuvent ils les augmenter
Aucun n'explique leurs dépenses
Pourquoi irais je voter ?

kameleon78
| 18-04-2018 13:35
On dit : "l'intérêt pour la chose publique" et non les choses publiques. Cdlt.

kameleon78
| 18-04-2018 13:32
Je soupçonne le gouvernement de Youssef Chaed de laisser pourrir la situation au niveau de l'éducation nationale afin de créer le chaos et ainsi de trouver un prétexte pour repousser les élections municipales aux calendes grecques.

Je pense que le gouvernement Youssef Chaed craint le syndrome Yassine Ayari, c'est à dire une abstention record qui favoriserait la Nahda et lui ferait gagner les élections municipales.

En laissant pourrir la situation, cela créerait un état insurrectionnel qui pousserait le gouvernement à annuler les élections municipales de Mai prochain. Tout est possible en politique, surtout que les sondages tablent sur 80% d'abstention, le fameux syndrome Yassine Ayari.

je dis la vérité
| 18-04-2018 11:53
Le citoyen tunisien est écrasé par les programmes vides et trompeurs. Voter pour qui?
Je préfère vaquer à mes occupations, que d'aller poiroter devant les bureaux de vote.
Les élections et moi, cela fait déjà deux.

nadhir
| 18-04-2018 09:41
Il faut boycotter ces élections municipales bidons qui ne profitent qu'à Ennahdha et peut être Nidaa Tounès

rayma
| 18-04-2018 09:35
On espère un taux de participation honorable faute de quoi la légitimité de ces élections sera mise en cause sinon caduque

kameleon78
| 18-04-2018 01:28
Ces élections Municipales risquent d'être un flop électoral avec plus de 80% d'abstention attendus. C'est la confirmation du Syndrome Yassine Ayari : une victoire avec 95% d'abstention (record mondial). les électeurs ne se sentent pas concernés par ces élections avec des partis qui sont unis pour la façade pour gouverner le pays mais chaque parti aiguise ses couteaux pour la lutte finale, donc le peuple ne comprend plus rien : d'un côté vous dites que vous êtes unis et d'un autre côté vous vous disputez les municipalités et après les élections, rebelote, BCE et Ghannouchi se réconcilient au détriment des électeurs qui se sentiront cocus.

el manchou
| 17-04-2018 22:42
Ennahdha et Nidaa vont remporter la partie et faire embaucher les potes, les copains et les coquins.
Et merci Bouazizi, ta famille a tout compris en partant s'installer à Montréal.

Mes amitiés aux cyber-collabos actuellement au chômage technique par manque de financement de Soros.

Nour
| 17-04-2018 22:40
Des poubelles sans couvercles remplies de mouches et de chats, des routes défoncées sans éclairage, des mobylettes sans feux à contre sens, des stationnements dans tous les sens, des constructions en depit du bon sens etc...

Que font les maires des communes ?

A djerba, ile qui attend les touristes cet été, la plus belle plage ; la fidele est une décharge à ciel ouvert : bouteilles partout, boites de conserve rouillées, parasols retournés, route défoncée pour y acceder.

La Tunisie attend les touristes, soit ! Mais c'est tout cet l'accueil qui va leur être réservé !!

Le Portugal, la Grèce etc..les a accueillis pendant 2 ans dans un environnement propre, respectueux et nous on va les accueillir dans la saleté ! C'est vraiment pas correct.