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Tribunes
Ce régime des partis, à la faillite nous conduit !
01/02/2018 | 09:15
4 min
Ce régime des partis, à la faillite nous conduit !

Par Ouissem Ghorbel

 

Les crises de tout genre se sont succédé en Tunisie, mettant à mal la solidité de l’Etat et la confiance des Tunisiens dans leur révolution. Plus de 90% des Tunisiens se déclarent insatisfaits de la situation, selon les derniers sondages. L’instabilité politique, a dégradé la situation économique et sociale du pays et des citoyens.

Le PIB en dollars a reculé de 9% depuis 2011, le dinar a été divisé presque par deux (1 USD = 1,4 TND en 2010 et 2,5 TND auj), s’en est suivi la dégradation du pouvoir d’achat des Tunisiens, et surtout de la classe moyenne.

Le taux de chômage n’a pas reculé, malgré une démographie plus favorable, le taux d’épargne est passé de 22% à moins de 11% et l’augmentation de tous les impôts, taxes, compensation, retraite, etc pousse le peuple dans un cycle revendicatif, mal maitrisé, voire même exploité par certains.

Le budget de l’Etat est entrainé dans une spirale sans fin d’augmentation des dépenses à coup de recrutements massifs et anarchiques (plus de 140 mille personnes dans la fonction publique selon l’INS). Le train des dépenses de l’Etat a doublé entre 2010 et 2018, passant de 18 à 36 MD. Son endettement est passe de 45% en 2010 à plus de 72% en 2018 hypothéquant l’avenir des Tunisiens (un taux de plus de 60% d’endettement est déconseillé pour une économie en voie de développement).

Les agences de notation et les index de compétitivité n’ont pas manqué de marquer la dégradation de la Tunisie dans tous les classements.

 

Une instabilité politique chronique

Des milliers de personnes se sont succédées dans les postes de pouvoir avec des mandats de 9 à 12 mois en moyenne : 3 présidents, 9 gouvernements, 289 ministres et secrétaires d’Etat, des centaines de conseillers, de gouverneurs, de délégués et plus de 500 députés. Ces nombres vont doubler avec les élections municipales de mai 2018.

Ces personnes sont-elles toutes corrompues, incompétentes, malintentionnées ? Qui est responsable de cette situation ? L’establishment ? Les syndicats ? Les médias ? Les forces internationales ? L’économie parallèle ? L’administration ? L’ignorance ?

Tous ces acteurs sont perçus par la population comme des gens qui parlent sans agir, promettent sans réussir, et ne font que mentir.

 

Un exécutif affaibli incapable de réformes majeures

L’article 89 de la constitution met inexorablement le chef du gouvernement sous la tutelle du parlement, qui vote la confiance au gouvernement « a priori ». Le parlement, composé de majorités relatives en raison de la loi électorale, est lui-même sous la tutelle des partis. Des coalitions friables dans le temps se forment au gré des intérêts des partis politiques. Les partenaires d’hier, seront sans doute les adversaires de demain.

Le gouvernement, aussi compètent soit-il, en sort toujours affaibli et reste à la merci d’alliances instables. Il subit toutes les crises entre partis ou au sein d’un même parti (cf sortie de Afek et Joumhouri du gouvernement, lutte interne Nidaa, scission Machrouû, scission Nidaa-Ennahdha, etc). Le gouvernement finit par tomber pour laisser la place à un autre qui subira à son tour le même sort.

Le même phénomène a été observé pendant la 4ème République en France, entre 1946 et 1958, avec un système à la proportionnelle et des pouvoirs renforcés du parlement sur l’exécutif. En 12 ans, 20 gouvernements se sont succédés, la valeur du Franc a été divisée par 10. La fin de la 4ème république a failli être tragique pour la démocratie française, car les généraux français à la tête de l’armée en Algérie ont menacé d’envoyer des parachutistes sur Paris. La Vème république a amené une nouvelle constitution avec un régime semi présidentiel. Mais ce n’est pas la seule solution possible.

 

Réformer, c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration : une stabilité, une vision, de l’engagement et un savoir-faire de transformation

La Tunisie, plus que jamais, a besoin de (i) un exécutif stable permettant de mener à bout des réformes structurelles, (ii) d’une vision partagée et basée sur une ambition réaliste dans un monde qui bouge, (iii) de hautes compétences nationales et internationales, pouvant s’adapter dans l’environnement politico-administratif transitionnel, des « agents du changement» à toutes les échelles, qui seront là pour améliorer le système, et non pas le casser et enfin, (iv) d’un cadre/méthodologie du changement, une sorte de processus continu et qui s’améliore au fur et à mesure.

Ceci est un appel pour la Tunisie, en trois actions majeures. J’appelle la classe politique tunisienne, et en particulier le président Béji Caïd Essebsi, à agir, avant 2019, pour amender la constitution et la loi électorale, et mettre la jeune démocratie tunisienne sur les rails du succès, à travers :

1- Un changement de l’article 89 de la constitution et la loi électorale afin de donner plus de stabilité au gouvernement sans toucher à l’esprit démocratique de contrôle mutuel des pouvoirs

2- Une institution de la réforme générale des politiques publiques, qui se base sur des faits et études, et qui adopte la participation public/privé comme outil de transformation

3- Une injection de 300 hauts calibres dans tous les appareils de l’Etat (ministères, agences, directions générales, entreprises publiques, etc) tout en étant rattachés à l’entité réformatrice, qui rapporte au chef du gouvernement

Joignez-vous à moi pour cet appel du cœur, car l’échec n’est pas une fatalité

 

*Ancien Président de l’ATUGE, Ancien Conseiller du Premier Ministre, Ancien Conseiller du Ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, Expert en Stratégie et en Management

01/02/2018 | 09:15
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