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Tribunes
Car l'étron finit toujours par flotter…
18/12/2017 | 19:35
8 min
 Car l'étron finit toujours par flotter…

La victoire de Yassine Ayari aux élections partielles en Allemagne et le charivari à Afek Tounes et son retrait du gouvernement et du pacte de Carthage, deux faits qui se sont déroulés cette semaine. A première vue, ils paraissent n’avoir aucun rapport logique l’un avec l’autre alors qu’ils sont fortement corrélés.

 

Si le premier événement a provoqué plus d’émoi, les uns parlant de gifle les autres de farce, cela n’est dû qu’à des facteurs conjoncturels et politiciens. Parmi ces facteurs, l’antipathie populaire que génère Yassine Ayari (personnage du folklore révolutionnariste et qui s’est fait connaitre par le mensonge qu’il a lui-même reconnu, par la suite, arguant de son intention de mobiliser les jeunes, de « l’homme qui a dit non » et qui a coûté la vie à des Tunisiens qui sont descendus dans la rue se croyant protégés par Rachid Ammar quand l’auteur du mensonge se prélassait lui-même à Paris) qui a accidentellement remporté le siège allemand avec moins de 270 voix. Mais aussi l’antipathie à l’égard de Nidaa Tounes, le grand perdant affiché, dans sa forme actuelle de conglomérat d’opportunistes mercenaires ne cherchant dans leur adhésion au parti qu’une protection eu égard à leurs accointances mafieuses avec Chafik Jarraya aujourd’hui à la question.

Ces facteurs conjoncturels, quoique importants en tant que symptômes du malaise, ne doivent cependant pas occulter l’origine du malaise tunisien aujourd’hui.

 

L’alliance contre nature Ennahdha et Nidaa qui a généré la fiction politique du pacte de Carthage et  le syndrome  Hafedh Caïd Essebsi sont ces boulets que l’on traine mais que toute une nébuleuse politique et médiatique cherche à escamoter.

Ainsi les éléments de langage, auxquels est réduit aujourd’hui le discours politique ambiant, focalisent sur la négation, ou au moins, sur la relativisation de ces deux éléments constituant le pêché originel de notre vie politique qui la condamne à ces soubresauts et à une fragilité, finalement, congénitale.

 

De la sorte, le débat sur  l’alliance contre-nature Ennahdha/Nidaa et sur le rapport à l’islam politique devient pour les tenants du discours officiel un débat anachronique et même anti-patriotique, le rapprochement ayant été motivé par les intérêts  du pays et la question du rapport à l’islam politique ayant été tranchée par la constitution (sic). Si les islamistes utilisent à l’envi cette antienne, étant les premiers à en profiter pour se banaliser et fondre dans une masse qui a exprimé majoritairement son refus de ce qu’ils sont aux élections de 2014, certains « progressistes » ont aussi adopté cette rengaine. Ce ne sont pas uniquement les coalisés avec Ennahdha qui justifient ce que leurs électeurs ont qualifié de félonie, mais même parmi certains « progressistes indépendants » qui par opportunisme ou naïveté défendent aujourd’hui la thèse que Ennahdha a fait ses aggiornamentos traitant par la même ceux qui évoquent encore le problème « idéologique » d’éradicateurs, de durs et même d’anarchistes.

 

De la sorte aussi, « le problème Hafedh » est nié. S’il est très vrai que, d’un certain angle, Hafedh Caïd Essebsi n’est qu’un symptôme trahissant la déréliction morale, l’opportunisme des anciens plantons de Ben Ali (qui ont profité de la gabegie et de la perte de sens généralisée pour devenir généraux dans cette armée mexicaine qu’est devenu Nidaa Tounes) et le manque de toute éthique politique,  il n’en reste pas moins que Hafedh Caïd Essebsi  est  un problème en soi. Son manque de tout ce qui peut faire un chef de parti : le background politique, le charisme (à ce jour on ne lui connait aucune interview télé ou radio, lui le chef du parti théoriquement majoritaire), l’instruction, l’intelligence…  donnent une portée dramatique à une genèse non moins dramatique. Le « silence » du père qui a adoubé le fils, qui n’a jamais passé l’épreuve des élections, qui révèle un dévoiement patrimonial persistant dans la perception du pouvoir est une faute éthique en somme.

Hafedh Caïd Essebsi est aujourd’hui l’instrument des fossoyeurs de Nidaa Tounes. Par son manque d’envergure et par l’attelage de Rastignacs du pauvre dont il s’est entouré et surtout par les accointances avec le monde de la corruption dans lesquels il a plongé le parti en y confirmant des personnages comme Toubel, Bsaiess et Saïdi dont les rapports avec  Chafik Jarraya sont notoirement connus.. Ceci, même si Hafedh Caïd Essebsi lui-même, qui n’a pas profité des largesses de Jarraya, considérait ce dernier comme un fardeau l’empêchant de gouverner seul son parti.

 

Malgré la patence du problème, la parole officielle s’évertue à le nier. Les premiers tenants de celle-là, les nidaistes pour de prosaïques motifs « alimentaires » et leurs acolytes les islamistes, pour des motifs aussi peu glorieux quoique plus machiavéliques car les islamistes n’auraient pu rêver un « partenaire » aussi friable et qui, dans sa friabilité, croit dur comme fer qu’il a besoin d’un tuteur avec une confortable assise partisane et populaire. La parole officielle n’est cependant pas la seule à essayer de nier ou de minimiser « le problème Hafedh ». Ainsi, tous ceux qui voudront garder des rapports cordiaux avec le président de la République, pour pouvoir prétendre aux honneurs de la République ou même à ses strapontins, participeront à la dédramatisation « du problème Hafedh » et botteront toujours en touche si une question y relative leur est posée assenant que le problème n’est pas Hafedh mais les « autres » !

 

Cependant, tous ces efforts de peinturlurage de l’édifice menaçant de ruine ont démontré cette semaine, comme ils l’ont fait à toutes les stations importantes et clivantes, du reste, leur vanité.

Le  consensus des deux grands partis au pouvoir a échoué même à récolter 300 voix sur les 26.000 inscrits  en Allemagne ! Le candidat de Nidaa Tounes n’a  pas récolté les voix des nidaistes de 2014 sans parler des voix des nahdhaouis que leur instance dirigeante « la choura » a appelé à soutenir le candidat de Nidaa ! Le pêché originel saute ainsi à la figure des tenants de la feuille de vigne révélant l’artificialité du consensus et son manque total de sens.

Les Tunisiens qui ont voté en masse en 2014 pour Nidaa juste pour évincer Ennahdha du paysage, ne vont pas voter pour le candidat d’un parti qui les a trahis en s’acoquinant avec Ennahdha, ce parti réactionnaire. Surtout que ce candidat est soutenu par Ghannouchi lui-même dans le cadre de l’entente devenue stratégique entre les dirigeants de ces deux partis.

Les nahdhouis tunisiens résidant en Allemagne ne vont pas non plus voter pour le candidat de ce parti qu’ils abhorrent pour sa « mécréance » et dont ils ont essayé de torpiller le candidat a la présidentielle en 2014 en votant pour Moncef Marzouk.

 

Le rapport donc a l’islam politique de Ennahdha et le rapport de ce dernier aux autres composantes de l’échiquier politique et social n’a pas été tranché par la constitution et le consensus entre les deux partis Ennahdha et Nidaa est loin d’être accepté par les Tunisiens dont le taux de participation aux élections partielles en Allemagne dit tout le désenchantement devant cette perte de sens du combat.

En renonçant à son programme clivant par rapport au projet islamiste, Nidaa a perdu son âme et ses électeurs; il en est de même pour Ennahdha mais dans de moindres proportions, ses dirigeants étant plus habiles que les bras cassés de Nidaa et disposant  d’un  fond de commerce inépuisable : la religion et l’identité menacées.

Aussi, une grande partie des votants utiles qui ont fait la victoire de Nidaa et qui ont voté pour lui en se pinçant le nez pour ne pas sentir les relents du lumpen-RCD, constitué de gauchistes progressistes et modernistes, ne pourront plus en aucun cas voter pour un parti mené par un héritier fantoche entoure de bsaiess, saidi, toubel. Cette partie de l’électorat a vu ce qui lui restait de liens avec Nidaa Tounes rompue le jour ou elle a vu les manœuvres de ce parti avec ses dirigeants sus cités , pour faire capoter la campagne anti corruption du gouvernement Chahed étrennée par le dossier Jarraya dans lequel leur noms reviennent à de multiples reprises.

 

La défaite de Nidaa, qui n’est pas non plus une victoire de l’opposition , le vainqueur n’ayant récolté que le score honteux de 263 voix, est en fait la défaite de ces villages Potemkine que la parole officielle voulait nous donner à voir : derrière ces rutilantes façades en carton-pâte la réalité fait de la résistance…la post-vérité qu’a voulu imposer ce faux consensus, un consensus qui ne répond qu’aux intérêts immédiats d’une poignée de dirigeants des deux partis, s’est retrouvée battue par la tenace réalité qui ne changera pas juste en étant niée !

Et si l’étron a refait surface de cette manière farcesque lors de l’élection de Yassine Ayari, qui ne changera en somme rien, sa remontée doit alerter plus sérieusement lors du retrait du parti Afek du gouvernement. Cette fragilité gouvernementale, qui vient tout juste de subir l’épisode retrait d’Al Jomhouri, est un corollaire plus dramatique de ces faux semblants qui veulent étayer notre système politique. Un faux consensus sans socle commun des valeurs, une union nationale factice, un pacte de Carthage qui n’est devenu qu’un repaire des menacés par la justice qui cherchent protection. Un décor en carton-pâte en somme juste pour justifier les deux injustifiables et leur donner de l’épaisseur réelle : l’alliance contre-nature et cynique entre Ennahdha et Nidaa et son pendant la chefferie de Hafedh Caïd Essebsi et son attelage interlope.

Tout le système actuel n’a en fait aujourd’hui de consistance que de couvrir et essayer de donner un sens à ces deux incongruités. Rien n’y est durablement constructible donc et rien ne sera qu’apparence tant qu’on n’aura pas regardé le pêché originel en face !

 

18/12/2017 | 19:35
8 min
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Commentaires (33)

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BOU6
| 22-12-2017 15:12
Petit commentaire sur la forme seulement:Ce billet est trop lent. Etre plus simple car ce
n 'est pas un discours devant des intellectuels, des journalistes....

eshmoun
| 20-12-2017 20:18
moi (haïssable) je dois avouer avec un soupçon d'envie que plus je crois être sur le point de l'atteindre ,ce port, plus il s'éloigne ! comme un mirage ! j'en arrive même à me demander si c'est la même personne qui d'habitude sur les plateaux me régale de ses interventions ,passionnées parfois ,mais toujours justes,formulées en termes choisis dans une élocution facile quelque soit la langue utilisée laissant entendre de la culture , que celle qui "commet"ce truc alambiqué véritable labyrinthe de Minos sans l'aide d'Ariane et de son fil pour en sortir .
Ce décalage proviendrait-il d'un problème de conception ?car normalement "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément" ou c'est moi qui suis à coté de la plaque.

VT6
| 20-12-2017 10:47
A vous d'attribuer à chacune de ces deux races canines le parti qui lui colle le mieux.

VT6
| 20-12-2017 10:44
Le PACS de Carthage a donner lieu à un gouvernement bâtard infécond. c'est un contrat contre-productif dont chacun des partie ne cherche que sans propre intérêt. Aucun effet de synergie n'est espéré et ne peut être espéré du croisement d'un Yorkshire et d'un lévrier. Il y aura au meilleurs des cas un bâtard avec le haut du Lévrier et le bas du Yorkshire. Imaginer la créature...

Tounsia
| 19-12-2017 20:25
Esperons que les plus betes et les plus laches de leurs responsables soient reveilles de leur sommeil et de leur lune de miel avec nahdha..Attendons de voir le reste pour les prochaines echeances electorales!

l'étrangère
| 19-12-2017 19:05
disiez vous aussi:

"Un titre indigne d'un bel homme"?

N.S.
| 19-12-2017 19:04
Le titre m'a interloqué. Les phrases sont trop longues et la lecture est difficile. Entre un discours au Sénat brillant et cette prose, je constate une grande différence.
Le fond du problème est quel intérêt à faire voter nos concitoyens résidents à l'étranger pour une élection parlementaire? J'ai pu saisir l'intérêt pour une constituante (il fallait un large spectre représentatif de la population pour refonder une nouvelle république), à la limite pour la présidentielle mais que veut-on faire faire à des députés qui devaient être en contact avec leur base pour intervenir dans les débats? Enahdha a profité pour nous envoyer des vedettes entre une Labidi et un Houcine Jaziri et j'en oublie nous avons réussi une belle collection.
Ensuite croyez-vous qu'un Nahdhaoui pur sucre ira voter pour un Nidaiste malgré l'appel des dirigeants de son parti et réciproquement. Vous n'allez pas penser quand même que les centaines de milliers de voix recueillis par Marzouki au second tour de 2014 sont ceux du CPR de l'époque mais plutôt des Nahdhaouis voulant contrer Caid Es Sebsi. Sociologiquement et quel que soit les consignes d'un parti, vous ne verrez pas un convaincu des idées d'un parti allez voter pour "l'ennemi". Cessons donc de croire que cette troïka qui veut s'imposer réussira à glaner une majorité de voix dans n'importe quel scrutin. "Laissons plutôt les choses basses mourir de leur propre poison".

Menanakilani
| 19-12-2017 18:17
Excellente analyse .Rien ne sera plus comme avant , suite à la mascarade des élections en Allemagne !!

TeTeM
| 19-12-2017 17:33
J'avoue que le titre m'a interloqué. J'ai tout lu jusqu'au bout, bien que des phrases bien trop longues menaient parfois vers des impasses. Mais je suis tout de même parvenu à bon port.

Ce billet, oscille entre l'évidence et l'analyse de comptoir de café. J'estime que toute l'analyse (si on peut appeler ça ainsi) concernant la victoire de Ayari en Allemagne est fausse !

Je m'explique. On est en train de tirer des déductions à partir d'un petit milieu de voix représentant 5% des inscrits. Le biais, induit par l'abstention, est bien trop importante pour se permettre d'avoir une analyse politique aussi fine que l'auteur voudrait nous faire croire. ON MANIPULE l'OPINION A PARTIR DE CHIFFRE SANS DONNER LES BONNES CLES DE LECTURE.

Il faut s'intéresser aux raisons de cette forte abstention. L'auteur nous a livré les agissements de N.T et le fait que ce partis se soit accoquiné avec la colombe bleu. Certes, il est évident de dire que cette pratique a détourné une bonne partie des électeurs de 2014 de N.T. Mais cette analyse ne peut, à elle seule, expliquer une si faible participation.

Je regrette qu'aucun journaliste ai fait correctement son travail en s'intéressant aux modalités dans lequel s'est déroulé cette élection. Qui peut dire combien de bureau de vote étaient ouverts? Qui peut dire si toute la diaspora Tunisienne en Allemagne pouvait aller voter sans avoir à faire des centaines de kilomètres? Qui peut dire avec certitude que les électeurs ont été informés de cette élection? Voilà de vraie question qui aurait mérité des réponses. Ce n'est qu'en fonction de ces réponses que l'on pourra se livrer à une analyse politique.

On peut aussi interviewé des Tunisiens d'Allemagne afin de leur poser des questions...

Par ailleurs, il serait aussi intéressant de sortir de notre nombrilisme. Cela nous permettrait par exemple de voir, que des élections partielles, dans les autres pays démocratiques, mobilisent beaucoup moins de monde que l'élection qui arrive à l'échéance du mandat et qui s'inscrit dans une dynamique NATIONALE!

Mansour Lahyani
| 19-12-2017 17:28
Oui, l'étron finit toujours par flotter, lorsqu'il est issu d'un organisme rempli d'air, et de rien de plus consistant... Mais quoi qu'il fasse, un étron restera toujours un étron, de consistance très friable et d'une odeur nauséabonde ! Ainsi, le distingué bénéficiaire de cette qualification n'aura aucune difficulté à se faire tout petit, afin de se faire oublier... N'est-ce pas, junior ?