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Tunisie-L'AMC, ou comment spolier les hôteliers au profit des fonds vautours
24/09/2014 | 1
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Tunisie-L'AMC, ou comment spolier les hôteliers au profit des fonds vautours
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Il y a de cela deux ans, en septembre 2012, le ministre du Tourisme alors, Elyès Fakhfakh, avait fait la grande annonce de la constitution d’une Société de Gestion des Actifs, plus communément appelée AMC (Assets Management Company). Une annonce qui n’a pas rendu l’âme en joie d’une frange d’hôteliers croulant pourtant sous les dettes accablant leurs établissements. Subséquemment, des opérateurs touristiques ne décolèrent toujours pas et la FTH engage un véritable bras de fer avec le gouvernement lui reprochant de ne pas être associée à la mise en place de l’AMC.


En ce mercredi 24 septembre 2014, la commission des finances, de la planification et du développement œuvrant au sein de l’Assemblée nationale constituante se réunit pour examiner le projet de loi 56/2014 relatif à la fixation des missions de la Société de Gestion des Actifs ainsi que de ses prérogatives et domaines d’intervention. Cette réunion est assortie d’une audition du gouverneur de la Banque Centrale, Chedly Ayari et du ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda.

La tâche de l’AMC consiste à «racheter les crédits accrochés auprès des banques et des sociétés de recouvrement et de restructuration des entreprises endettées, dans le but de renforcer leur rentabilité et leur réinsertion dans l’économie.» Il s’agit d’une société anonyme au capital de 150 millions de dinars que l’Etat détiendra en totalité et dont la durée de vie sera de 12 ans. Elle devait être adoptée dans le cadre de la loi de Finances complémentaire 2014.
Chedly Ayari s’exprimant à propos du projet de loi 56/2014, a expliqué que tout ce qui a été rapporté concernant la Société de Gestion des Actifs est faux car il ne s’agit aucunement d’une manœuvre déguisée pour confisquer un bien quelconque, selon les dires du gouverneur de la Banque Centrale. Ce dernier a précisé que le secteur touristique est d'ores et déjà souffreteux des dettes qu’il cumule depuis l’indépendance. La situation n’est, de ce fait, pas nouvelle. Lorsque la création de cette société a été annoncée, un certain nombre d’hôteliers a crié au tollé arguant de cette entreprise sera constituée de « vautours » et de « rapaces » dont le but serait de les déposséder de leurs établissements. Dans un premier temps, l’AMC sera composée d’actionnaires hôteliers, des banques et peut-être même des actionnaires étrangers, en effet, cela n’est pas exclu. Dans un deuxième temps, il s’agit d’accorder à cette société la possibilité de racheter les dettes des hôteliers au quart de la valeur du crédit initial, tout en bénéficiant de la garantie de l’Etat.

Dans un effort de distiller la colère des opérateurs touristiques de la Fédération Tunisienne de l'hôtellerie, se sentant écartés de l’élaboration du projet de loi 56/2014, Chedly Ayari a justifié en déclarant : « nous avons appelé la fédération à tenir une réunion concernant le projet de loi portant sur la création de l’AMC. Toutefois, la FTH n’acceptait de nous rencontrer qu’en la présence de l’UGTT, or celle-ci n’est pas du tout concernée par ce projet de loi.» Vraisemblablement, le gouverneur de la Banque Centrale n’a pas mâché ses mots au sein de la commission des Finances et n’a pas hésité à pointer d’un doigt accusateur certains hôteliers : « je n’ai pas peur de dire que certains hôteliers sont des archi-milliardaires et pourtant ils ne veulent pas s’acquitter de leurs dettes !»

Le ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda, a pour sa part indiqué que l’urgence de faire voter le projet de loi 56/2014 n’est plus à prouver, car l’Etat s’y est engagé depuis 2012. « Ce projet de loi fait partie d’une série de cinq autres sur lesquels un engagement a été pris, il s’agit de l’AMC, des PPP, de la recapitalisation des banques publiques, de la concurrence et de l’accès à l’information » ajoute Hakim Ben Hammouda. A contrario de l’avis d’une pléiade d’hôteliers, la députée de l’Alliance Démocratique à l’Assemblée nationale constituante, Lobna Jeribi, s’est prononcée pour la constitution de l’AMC se disant « convaincue que cette société demeure la seule solution pour régler les dettes du secteur touristique.» Cela étant, l’élue met en exergue l’importance de garantir certaines protections. Elle propose, par la même, qu’un accord soit trouvé pour qu’il y ait un droit d’ester à la justice. «On veut garantir la protection des droits constitutionnels ainsi qu’une efficacité du projet.», ajoute-t-elle. Mahmoud Baroudi, élu de l’Alliance Démocratique a expliqué de son côté qu’un projet de loi comme celui relatif à l’AMC renferme plusieurs points conflictuels. De ce fait, son examen peut beaucoup consommer en termes de temps sans pour autant qu’il soit voté en plénière ensuite.

Un des jeunes hôteliers a proposé, lors d’une réunion des opérateurs du secteur, une alternative à l’AMC, à savoir : « avec une volonté politique de l’Etat, on pourrait rééchelonner les dettes avec un taux d’intérêt viable, et en fonction des capacités de remboursement des hôteliers. Les pénalités de retard pourraient être placées dans un compte à part, et seraient payées après s’être acquittés du principal.» L’alternative a de quoi se défendre, elle est salutaire pour les hôteliers en difficultés et leur fait éviter d’avoir des démêlés avec une société dont les prérogatives sont qualifiées de « exagérées » ou encore ayant des « supers pouvoirs ». La crainte des professionnels du secteur est bien palpable et, à dire vrai, justifiée. C’en est, tout de même, un risque mesurable que de voir des établissements hôteliers cédés à des étrangers et dont le sort serait, par la suite, inconnu. Sachant, par ailleurs, qu’il ne reste plus beaucoup de temps à l’Assemblée nationale constituante pour examiner le projet de loi 56/2014, un autre risque se profile à l’horizon, celui de voir cette loi votée en lignes bâclées et faussement profitables aux hôteliers concernés. Certains d’entre eux clament déjà la défaite contre un gouvernement stoïque face à leurs revendications et impératifs et une Assemblée qui manquerait peut-être le coche.
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