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Chroniques
Moncef Marzouki et le Qatar : L’amour au temps des élections
24/09/2014 | 15:59
4 min
Par Marouen Achouri

« Ils ne sont grands que parce qu’on est à genoux ». Cette belle citation convient parfaitement aux relations entre l’Etat tunisien et celui du Qatar. On a longtemps discouru sur le danger que représente la Qatar et sur son ingérence dans les affaires tunisiennes, l’un des premiers à le faire fût le martyr Chokri Belaïd. Evidemment, tous les gouvernements ont botté en touche en prétendant que ce n’était que des rumeurs de journalistes. Précisons quand même que les terroristes du Châambi et la principauté salafiste de Sajnen étaient, elles aussi, des rumeurs de journalistes. On sait ce qu’il en est aujourd’hui.

Pour en revenir à la pompe à gaz naturel qu’est le Qatar, celui-ci se trouve au centre des récentes révélations de nos confrères de « Akher Khabar ». L’autre principal personnage de cette sinistre histoire est le fidèle serviteur du prince, Moncef Marzouki, accessoirement président de la République. Le tout s’est passé lors d’une rencontre entre le chef de l’Etat tunisien et une délégation du Hamas, la filiale du Qatar en Palestine (voir notre article à ce sujet).

Pour résumer, Moncef Marzouki a obéi au prince du Qatar qui lui a intimé l’ordre d’organiser un sommet arabe ou islamique ou afro-latino-américain, pour traiter de la question palestinienne. L’objectif n’est pas du tout de tenter de résoudre la crise en Palestine lors de la dernière attaque effectuée par Israël. Non, l’objectif est de contrecarrer l’initiative égyptienne proposée aux Palestiniens. Ni une ni deux, le président tunisien a tenté d’organiser ce sommet, il aurait certainement réussi à le faire si le gouvernement tunisien était celui de la Troïka.

C’est que notre président, il aime le Qatar, c’est comme ça. On ne se hasardera pas à dire que le Qatar pourrait financer sa campagne puisque le droit-de-l’hommiste semble porté sur la chose judiciaire ces derniers temps. Toutefois, on ne peut renier cet attachement viscéral au tout petit émirat. On se rappellera son magnifique discours dans lequel il menaçait les Tunisiens de poursuites judiciaires s’ils osaient porter atteinte à l’Etat du Qatar. Rappelons-nous également que le président de la République tunisienne se transforme régulièrement en simple pigiste dans les colonnes du site web d’Al Jazeera. C’est d’ailleurs à ce site que le président a accordé sa première interview de candidat à sa propre réélection. Cela parait logique : il faut que le prince prenne connaissance de son programme. Pour les Tunisiens, on verra ça plus tard. En plus, les médias tunisiens sont les « médias de la honte ». D’ailleurs Marzouki est allé pleurnicher sur des chaînes étrangères du traitement qui lui était réservé. Le président doit estimer que les médias tunisiens ne sont pas de son niveau, on ne peut qu’être d’accord avec lui…

Pour revenir à cette histoire de sommet, il est clair qu’il n’a pas pu se faire. Mauvais casting de l’organisateur ou manque de substance, on ne le saura pas. Toutefois, on sait que le Qatar, pour tenter de minimiser l’initiative égyptienne, a ordonné à ses laudateurs de décrire la fin des bombardements sur Gaza comme une victoire. Adepte de la stratégie du « plus c’est gros, plus ça passe », le Qatar a présenté la fin, unilatérale et sur décision israélienne, des bombardements comme la victoire du bien sur le mal avec tout un amas de formules pimpantes. Il va sans dire que le Hamas, le CPR et Ennahdha ont repris sur le champ cette diatribe dénuée de sens. Les Gazaouis n’ont rien gagné du tout à être bombardés dans la prison à ciel ouvert qu’ils habitent, rien.

Bref, Moncef Marzouki aime le Qatar. Mais le petit état gazier devrait faire attention. La plupart des choix du docteur se sont montrés désastreux par la suite. Remontons le temps jusqu’au 9 novembre 1987, M. Marzouki avait écrit un article pour le journal « Le Temps » où il parlait de « climat stimulant » juste après la prise de pouvoir de Ben Ali. On sait ce qui est arrivé par la suite. On dira que plusieurs personnes avaient été trompées à l’époque. Mais ce n’est pas là l’unique « fait d’armes » du président.
Moncef Marzouki a tout misé sur sa collaboration avec Ennahdha après les élections de 2011 à tel point qu’il s’est mis à dos ses camarades démocrates. Aujourd’hui, il se retrouve sans amis à sa gauche et avec des gens qui doutent de sa fiabilité à sa droite. Il se retrouve avec un gouvernement de technocrates qui ne lui laisse que les ouvertures de tournois d’échecs ou la participation au festival du raisin.

Mais la plus grande honte pour nous Tunisiens dans cette relation ambigüe avec le Qatar s’appelle Mahmoud Bouneb. Ce journaliste et citoyen tunisien est retenu au Qatar contre sa volonté pendant que le président de son pays s’évertue à faire plaisir au prince. Le Qatar fait ce que bon lui semble avec le soutien et même l’aide du président actuel de la Tunisie. Moncef Marzouki est candidat à sa réélection en tant qu’indépendant. Preuve est faite qu’il est surtout indépendant de la Tunisie.
24/09/2014 | 15:59
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