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Chroniques
L’hôpital Razi est-il prêt pour le grand flux du 27 octobre ?
20/10/2014 | 15:59
5 min
Par Nizar Bahoul

Six jours nous séparent des premières législatives organisées depuis la Révolution. Ce dimanche 26 octobre sera historique et la date marquera nos esprits durant des années.
Les partis s’activent et tentent de mobiliser leurs maigres troupes pour rameuter les foules. La mayonnaise ne prend pas, cependant, et le taux des indécis demeure élevé.
La première mauvaise surprise de ce dimanche 26 octobre sera donc liée au taux de participation. Les Tunisiens, quoiqu’on en dise et quoiqu’on leur parle de démocratie et de ses bienfaits, n’en veulent pas et ils l’affirmeront haut et fort à travers leur démobilisation du dimanche prochain, comme ils l’ont affirmé le 23 octobre 2011. Le peuple, c’est ça, quoique vous disent les politiciens qui s’expriment tous à sa place.
D’après une étude de l’institut américain Pew Research, réalisée en mai 2014 et publiée la semaine dernière, 48% des personnes interrogées soutiennent la mise en place d’un système démocratique contre 63% en 2012. En 2012, les sondés se sont prononcés à 61% en faveur d’un gouvernement démocratique et à 37% pour un leader à poigne. En 2014, 59% sont en faveur d’un leader à poigne et 38% pour un gouvernement démocratique.
Bien que niée par nos gouvernants se prétendant révolutionnaires, cette démotivation est bien réelle. Maintenant, ils peuvent dénigrer les médias et les journalistes, seuls les naïfs les croiront. Les chiffres sont têtus et on ne peut continuer à mettre en doute tous les sondages, toutes nationalités confondues.

Après la première mauvaise surprise du taux de participation, il va ya avoir la seconde, celle des résultats. Ah ce qu’on va rire ce jour-là ! Ou pleurer. Tout dépend dans quel camp on est.
Au vu des meetings, et à entendre les différents leaders de partis, chaque camp se dit gagnant. Mais aucun ne se voit perdre et recevoir une grosse claque ce 26 octobre. Et pourtant, des claques ils en recevront et c’est tant mieux. Ça leur apprendra à lancer des mensonges éhontés et à bananer leurs compatriotes avec des slogans trompeurs.
Ce qui agace le plus, c’est les tricheries dont on use en ces derniers jours de campagne pour tromper l’électorat. Tel candidat use du drapeau tunisien dans ses affiches, tel autre s’élève contre l’argent politique sale à travers un encart publicitaire interdit dans un hebdomadaire inconnu et tel autre use de son poste pour s’imposer dans les émissions télévisées.

Je me suis promis de ne pas parler de la prestation de Moncef Marzouki hier chez Samir El Wafi. D’ailleurs, je n’ai pas regardé l’interview et je me suis limité à suivre les réactions sur les réseaux sociaux. Chez les uns, on dit que le président de la République a été parfait et sera élu dès le premier tour. Chez les autres, on dit que ce président leur fout la honte. L’un de ces deux camps va recevoir une claque, une grosse claque et ce dès la semaine prochaine.
En attendant, que dire d’un candidat qui use de son pouvoir (au moins moral) pour s’imposer dans la dernière émission de Wafi d’avant les législatives afin de soutenir son CPR ? L’invité programmé, hier, était Mondher Zenaïdi. A la dernière minute, on l’informe que l’émission ne sera pas diffusée de suite, comme prévu initialement. Passons.
Que dire d’un candidat qui tance son intervieweur de parler dans une langue autre que l’arabe, alors que ses propres enfants sont incapables de prononcer deux phrases consécutives en arabe, voire en dialectal tunisien ? Passons.
Peut-on faire confiance à un candidat qui, plus d’une fois, s’adresse au journaliste en disant « Mon chéri» (Ya habibi) et le positionne en tant qu’un des potentiels journalistes modèles ? Qui dresse en modèle de femme tunisienne, une parachutée qui se vantait un jour d’être Française d’origine tunisienne ? Qui encourage la corruption en disant « prenez leur argent, mais ne votez pas pour eux » ? Qui élève la voix devant un philosophe pour le démentir, alors qu’il s’agit d’un de nos plus grands intellectuels et à la crédibilité certaine ? Qui ne cesse de dénigrer les médias, les opposants et les institutions de son pays ? Passons aussi.
Je regarderai l’interview de Marzouki le jour où il acceptera, comme dans toute démocratie qui se respecte, d’affronter en direct, et non en différé de plus de 24 heures, des journalistes du calibre de Sofiène Ben Hamida, Sofiène Ben Farhat, Zied El Héni ou Zyed Krichen. Je parie qu’il ne tiendra pas une heure devant ce quatuor, voire un seul de ce quatuor. Ils ne le laisseront certainement pas répondre à sa guise en zappant tout ce qu’il veut, ils ne manqueront pas de le contredire, avec des preuves, quand son discours ne reflète pas la vérité et ils n’hésiteront pas à lui poser les questions les plus agaçantes. On n’en est pas là et on n’en sera certainement pas là, Moncef Marzouki ne s’aventurera jamais dans un tel exercice démocratique mais chaotique pour lui.

Toujours est-il que, pour le 27 octobre (lendemain des législatives) et pour le 24 novembre (lendemain de la présidentielle), on va avoir des crises d’hystérie collective.
L’hôpital psychiatrique de Razi devrait se préparer à ce lendemain de défaite, car quel que le soit le nom des perdants, le choc sera terrible.
Les uns ne vont pas supporter que leur « révolution » ait échoué et qu’ils ne seront plus capables de dresser à leurs compatriotes des potences à la Robespierre.
Les seconds ne vont pas supporter que la Tunisie soit perdue et soit, définitivement, entre les mains de margoulins qui ont prouvé leurs limites et n’ont cessé de semer la division et la zizanie.
On est à six jours des élections et tout indique, pour le moment, que la perte sera insupportable quel que soit le camp qui va perdre, d’autant plus qu’aucun camp ne s’y est préparé.
Pour éviter ce drame, allez voter et préparez-vous à rire ou à pleurer dès le lendemain. Mais allez voter quand même, au moins vous aurez la conscience du devoir citoyen accompli !
20/10/2014 | 15:59
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