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Le plan d'Ennahdha pour gagner les élections
18/08/2014 | 1
min
Le plan d'Ennahdha pour gagner les élections
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A quelque deux mois et demi des élections législatives, les partis politiques s'agitent et tentent de préparer au mieux cette échéance décisive pour leur avenir et pour celui du pays. Alors que les partis démocrates sont empêtrés dans leurs querelles intestines, le parti islamiste prépare sa victoire par différentes actions dans les régions. Cette préparation obéit à un plan qui avait été préalablement préparé par le bureau central des élections au sein d'Ennahdha. Ce plan a été couché sur papier et avait été fuité par l'élu de l'Alliance démocratique, Mahmoud Baroudi, au cours d'une émission télévisée. Retour sur un plan redoutable.

C'est en janvier 2014 que ce document a été fuité et publié sur nos colonnes (voir notre article à ce sujet). Pourtant, les huit mois qui nous séparent de janvier dernier n'ont apparemment pas suffi aux partis concurrents d'Ennahdha pour en prendre de la graine et tenter de contrer la machine électorale que le parti islamiste est en train de mettre en place.

Dans l'introduction de ce véritable guide pour gagner les élections, il est spécifié que toutes les activités du parti doivent être centrées sur l'objectif électoral. Un point d'honneur est mis sur la nécessité d'une coordination parfaite entre les différents organes du parti pour que la somme des activités verse vers l'objectif électoral.

D'emblée, l'objectif est annoncé sans ambiguïté : "Gagner les élections avec une large majorité […] une large majorité veut dire au moins 50% des voix". Pour l'atteindre, c'est toute une structure qui se met en place au sein du parti Ennahdha. Aujourd'hui, sa présence dans les régions et dans les localités est due à cette structure pyramidale composée de trois niveaux : le niveau central, le niveau régional et le niveau local. Plusieurs commissions sont actives au niveau central dont notamment celle de la réhabilitation et de la formation, des affaires juridiques, veille et suivi politique et celle du suivi régional. Une structuration claire et solide que bien d'autres partis sont incapables de reproduire. Ce schéma est scrupuleusement suivi par le parti dans les différentes circonscriptions électorales. Aujourd'hui, le parti est actif dans plusieurs localités que les autres partis n'approchent même pas (voir notre article à ce sujet).

Par ailleurs, les responsabilités de chacune des composantes des bureaux régionaux et locaux sont clairement déterminées par ce guide pour les élections. Chacun sait ce qu'il doit faire et comment le faire en respectant la discipline pour laquelle Ennahdha est connu.

Le document élaboré par Ennahdha contient plusieurs recommandations assez précises quant à la préparation des échéances électorales. Par exemple, il est recommandé de concevoir un organisme de sondage propre au parti qui travaillera de manière continue. Le bureau central de élections recommande également de trouver les modalités de "relation et d'influence des jeunes et des hommes d'affaires". Toutefois, le document ne parvient pas à cacher les vices d'Ennahdha. Par exemple, dans la mission de propagande et de publicité, le document énumère la liste d'endroits susceptibles de servir à favoriser la relation avec la population. Outre les cafés et les marchés, le document recommande de s'intéresser aux mosquées pour faire la propagande du mouvement Ennahda. Evidemment, l'utilisation des lieux de culte à des fins partisanes est strictement interdite. Pourtant, Ennahdha ne peut se priver d'un terreau potentiellement favorable à son discours.

Autre travers d'Ennahdha: Tenter d'influencer les médias. C'est une recommandation explicite incluse dans le volet publicitaire qui stipule : "travailler à influencer les médias et les diriger vers une voie électorale". Il est à préciser que ce document a été élaboré alors qu'Ennahdha était toujours au pouvoir en Tunisie ce qui explique cette tendance à visée hégémonique.
Le volet concernant la veille et le suivi de la scène politique recèle également de précieuses informations. La question des alliances est clairement posée puisque le document insiste sur la nécessité de préparer une plateforme propice aux alliances avant ou après les élections. Il est également spécifié : "Pousser vers la construction d'une large alliance sur la base de la révolution principalement avec les petits partis".

"Une campagne électorale réussie possède un message convaincant à faire parvenir à l'électeur, une vision claire pour l'électeur, une stratégie claire jusqu'au jour des élections et la poursuite du travail selon la stratégie et fournir des efforts continus jusqu'à l'annonce des résultats". On ne saurait dire mieux !

La stratégie mise en place par le parti Ennahdha pour aborder les prochaines élections a certainement connu quelques ajustements depuis que le parti a quitté le pouvoir. Toutefois, l'ensemble reste solide et constitue une base pour aborder les prochaines élections avec sérénité. La constitution de listes électorales et la désignation des têtes de liste s'est faite relativement sans encombre et surtout sans fracas médiatique. Les autres partis concurrents d'Ennahdha ne peuvent se targuer d'avoir exécuté ces désignations dans la sérénité. Les polémiques vont bon train autour de ces nominations comme à Nidaa Tounes par exemple.

Le challenge le plus difficile pour les équipes d'Ennahdha sera de faire oublier ou plutôt de faire passer le bilan gouvernemental. En effet, Ennahdha sera le seul parti qui se présentera aux élections avec un bilan et a fortiori quand il est aussi négatif. D'ailleurs, dans le document élaboré par les équipes d'Ennahdha, il est recommandé d’ "expliquer aux électeurs potentiels les difficultés rencontrées lors de l'exercice du pouvoir" et on parle même de "l'élaboration d'un livre recensant les réalisations du gouvernement". Il est vrai que l'on peut y voir des relents d'ancien régime mais l'efficacité de la méthode reste redoutable.

Pendant ce temps-là, les autres partis politiques tunisiens ne semblent pas pressés de se mettre en ordre de bataille pour les législatives. Seulement quelques actions de terrain sont enregistrées ça et là par certains partis mais aucune stratégie globale n'a encore été exposée ni même esquissée. Non seulement les partis politiques dits démocrates abordent les prochaines élections en rangs dispersés mais en plus, ils ne semblent pas s'y préparer sur le plan purement électoralistes. Le syndrome de la défaite cuisante d'octobre 2011 ne semble pas les inquiéter outre mesure…

Marouen Achouri
 
18/08/2014 | 1
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