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Ennahdha, grand vainqueur de la joute électorale …
28/10/2014 | 10:23
3 min
Ennahdha, grand vainqueur de la joute électorale …
Par Mehdi Kattou*

Au risque de contraindre certains à suspendre les festivités le temps de la lecture de ces quelques lignes, d’être extirpé du scénario exemplaire dans lequel on se projette sans qu’il y ait une voix discordante gâchant ce tableau à la composition parfaite, je tiens à apporter quelques précisions essentielles révélant le véritable vainqueur de cette joute électorale à savoir Ennahdha.

La réalité contraste fortement avec la bouille défaite des leaders nahdhaouis. Voici quelques éléments de réponses permettant d’apporter les maillons manquants à la chaîne électorale.

D’abord, Ennahdha a gagné une année de la date initiale de la tenue de ces élections, durant cette année, elle a réussi à effectuer une diversion des questions vitales, fruit de la divergence sociétale et du bilan désastreux qui était le sien. Une année, donc à gommer un parcours apocalyptique et des mesures conflictuelles. Le front du salut s’est apparenté à un front de sauvetage d’Ennahdha en premier lieu, nonobstant les motivations et les instigateurs.

Ensuite, Ennahdha a réussi le pari de diriger la campagne électorale sur des axes qui ne remettent pas en cause son existence ou sa viabilité. En effet, faire prévaloir la situation sanitaire sur l’implication dans des actes hautement « sanctionnables » était un choix judicieux pour les protégés de Ghannouchi et l’ordre des priorités s’en est trouvé chamboulé et redistribué. Le discours de la formation nahdhaouie a fortement contribué a sa mue et représenté le plus grand bouclier face aux attaques pourtant légitimes et argumentées.

En fin stratège, Ennahdha a fait ses emplettes en chair à canon il y a trois ans, en amont de son exercice périlleux du pouvoir. Ses choix ont fait leur preuve lors du passage par les urnes au vu de la déconfiture totale de ses alliés et du recul partiel de ses résultats à elle en tant que formation politique majeure. Lorsqu’on s’inscrit dans une évidente relativité, on saisit la portée des risques encourus mais évités et atténués par le parti islamiste.

Par ailleurs, dans une lecture minutieuse des résultats annoncés, on ne peut que constater une dépendance des vainqueurs annoncés (Nidaa) aux perdants et ce par deux voies : La contrainte varie entre certaines alliances contre-nature ou une fragilité hautement astreignante et acculant les prochaines personnes au pouvoir lors de l’exercice quinquennal.

Enfin, les doigts accusateurs ne se dressent jamais contre les perdants puisque les principaux bénéficiaires des fraudes, dépassements et supercheries sont généralement ceux qui en récoltent les lauriers. Sauf qu’Ennahdha a réussi à généraliser une nouvelle culture électoraliste et de nouveaux standards de pratiques douteuses qui ont enfanté des machines dépassant l’entendement et l’ambition du parti de Montplaisir. Ennahdha a réussi à amplifier son poids électoral, à minimiser ses fraudes et ses erreurs, ses bourdes et ses …crimes.

Sans oublier que prospérer malgré le largage international est également une prouesse en soi. Arriver à optimiser les nuages de fumée et prendre de la distance avec ses plus fidèles lieutenants est stratégiquement crucial. (LPR, Ansar chariaa, etc)

24 heures après le premier déballage des urnes, Ennahdha peut souffler et peut aborder sa reconstruction loin des projecteurs et en héritant du beau rôle. Une reconstruction et une restructuration qui été reportée par deux fois et dont la dernière sous la forme d’une parodie de referendum.

Les prochaines semaines vont être essentielles pour un tamisage d’une scène comptant certes des politiciens mais beaucoup plus d’apprentis-stratèges et de pseudos-hommes d’Etats.

Pour finir, la question du siècle reste incontestablement : Pourquoi a-t-on changé, terrassé, chambardé, « réformé » et désintégré l’ancienne ISIE ? Certains sont passés à autre chose, mais d’autres attendent encore une réponse convaincante qui tarde à venir …

* Mehdi Kattou est animateur télé et radio. Il est aussi l'auteur d'un livre intitulé "Chronique d'une révolution avortée"

28/10/2014 | 10:23
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