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Chroniques
Bienvenue à la foire aux partis
09/04/2014 | 12:59
4 min
Par Marouen Achouri

Aujourd'hui est une fête nationale. Par conséquent, nous allons avoir droit, en tant que simples citoyens qui n'ont rien demandé à personne, à un étalage de partis de toutes les obédiences. Il ne faut pas oublier que nos pauvres partis sont en campagne depuis près de trois ans maintenant et que ça commence à faire long.

Un étalage de partis donc. Comme c'est la fête des martyrs, les partis politiques tunisiens vont se bousculer pour tenter de s'attirer la sympathie des gens en surfant, autant que faire se peut, sur l'événement. Bien sur, la grande famille des Destouriens sera la première à profiter de cette occasion pour rappeler à quel point Bourguiba était merveilleux. Pour rappeler surtout qu'ils sont les héritiers de Bourguiba, les membres de son parti, les porteurs de ses valeurs et autres formules pompeuses.

Il y aura également la ribambelle de partis "démocrates" tunisiens. Ils sont en général représentés par des femmes car ces partis là ont conscience -plus que les autres évidemment- de l'importance du rôle des femmes dans la société. Il faut dire également qu'elles font d'excellents gâteaux et de très bons soldats. Essayez de toucher à l'un des partis dont il est question, vous verrez la malédiction électronique s'abattre sur vous !

Il est parfois difficile de reconnaitre le caractère démocrate de certains de ces partis, tant leurs agissements sont obscurs et dénués de sens. Si vous avez du mal à vous y retrouver, les partis démocrates sont ceux qui n'arrivent à se mettre d'accord sur rien, mis à part une date et un lieu pour un diner. Ce sont ceux qui utilisent les formules les plus pimpantes et qui lancent des ultimatums rigolos. Souvenez-vous du superbe ultimatum lancé un certain 27 juillet 2013 (deux jours après l'assassinat de Brahmi) par la secrétaire générale du Joumhouri, Maya Jeribi. Elle avait déclaré : "Le gouvernement a 48 heures pour trouver une solution". Autant dire que le gouvernement a tremblé, que l'Etat a chancelé et que le citoyen a…rigolé.

Dans la grande foire aux partis, vous trouverez également les rebelles, ceux qui vont à contre courant. Ils sont représentés par le CPR, et dans un degré pire, par Wafa. Pour eux, tout est complot, machination et magouille. Exception faite évidemment de leur arrivée au pouvoir à un certain moment, "expression libre du peuple de manière transparente et intègre". Ils représentent la quintessence de l'irresponsabilité car pour eux, c'est toujours la faute aux autres. Les médias pointent leurs défaillances? C'est un complot ourdi contre eux par des médias inféodés à l'ancien régime pour les empêcher de faire le ménage. Ils n'ont aucune existence dans les sondages? De toute façon les sondages sont achetés et commandités et ne représentent aucunement la réalité des choses qu'eux connaissent, évidemment. Un rendement médiocre quand ils étaient au pouvoir? Ce n'est pas de leur faute, les dégâts laissés par les gouvernements antérieurs sont tels qu'ils n'ont pu faire que peu de choses à la tête de leurs ministères. En somme, ils ont réponse à tout et ce n'est jamais de leur faute !

Le pire c'est que ces partis rencontrent un certain public. Pas très républicain, mais un public quand même. Le meilleur exemple est donné par leur attachement organique aux ligues de protection de la révolution. Un ramassis de pseudo-révolutionnaires qui veulent, par tous les moyens y compris illégaux, exister et se faire entendre pour dire des âneries.

Sur le grand étalage de partis on trouvera également le Front populaire, formation hétéroclite de gauche qui continue à se chercher. Des positions floues, alliance avec Nidaa Tounes ensuite pas d'alliance avec Nidaa Tounes ensuite Hamma Hammami candidat à la présidence mais, tout en réfléchissant, candidat à des listes communes avec les membres de l'UPT… En gros, on se perd à suivre les positionnements successifs de ce parti. Si pour des observateurs aguerris ce positionnement est hésitant et flou, alors imaginez ce que ça peut être pour le citoyen lambda ! N'ayant aucune réelle image pour placer le Front populaire quelque part sur la carte politique, le citoyen moyen se contentera de ce qu'on lui répète sur l'athéisme supposé de Hamma Hammami et sur le fait que son parti s'inspire de la pensée communiste soviétique et autres clichés du genre.

Reste enfin le plus grand des partis, celui qui compte le plus de sympathisants et de membres et qui risque d'écraser toute concurrence lors des prochaines élections. Le parti de ceux qui s'en foutent, le parti des abstentionnistes, des désespérés et de ceux qui en ont ras-le-bol. Une seule constante dans les sondages en Tunisie : un pourcentage inquiétant d'abstentionnistes. Mais inquiétant uniquement pour les partis politiques et pour leurs supporters. Car pour celui qui a décidé de s'abstenir, les partis sont tellement médiocres, tellement éloignés des réalités et tellement avides de pouvoir qu'il est hors de question de les encourager dans cette voie en leur donnant sa voix.

Lors d'une manifestation à l'avenue Habib Bourguiba, vous pouvez voir de vos yeux tous les partis et les formations décrites plus haut. Vous les verrez tous en ordre dispersés en train de sillonner l'avenue. Mais si vous regardez bien, vous verrez que le plus grand nombre est celui de ceux tranquillement installés dans les cafés, ceux qui font leurs courses ou ceux qui ne font que passer. Ce sont eux qui ont perdu foi en la politique et ce sont eux qui resteront chez eux lors des prochaines élections.
09/04/2014 | 12:59
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