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Béji Caïd Essebsi, un président en colère
08/11/2018 | 17:00
5 min
Béji Caïd Essebsi, un président en colère

 

La polémique n’a cessé d’enfler depuis l’annonce, lundi, du remaniement ministériel. Le différend entre Carthage et la Kasbah n’a fait que se creuser encore plus, la présidence de la République montant au créneau tout de suite après la sortie de Chahed : « Le président n’a pas été consulté ! Il refuse la démarche entreprise par le chef du gouvernent ! Une démarche anticonstitutionnelle ». Voilà ce que ne cessaient de répéter conseillers et détracteurs de l’ancien protégé de Carthage. Béji Caïd Essebsi est contraint de s’expliquer lors de sa conférence de presse. Un discours où il a laissé paraître sa colère mais également sa défaite dans ce nouveau round contre le jeune locataire de la Kasbah.

 

On apprenait hier que le chef de l’Etat a adressé une correspondance à l’Assemblée des représentants du peuple pour relever les dépassements constatés au niveau du remaniement. Des dysfonctionnements touchant la forme, notamment le fait que Chahed ait opéré son remaniement sans passer par un conseil des ministres, mais encore la non-conformité de la liste présentée au président de la République avec celle annoncée. Un jour avant, Youssef Chahed adressait une correspondance au parlement pour solliciter une plénière consacrée au vote de confiance. Une démarche épinglée aussi, par les adversaires de Chahed affirmant que c’est à Béji Caïd Essebsi que revient cette démarche. En l’absence d’une Cour constitutionnelle pour régler les litiges de ce genre, chacun y va de ses interprétations.

La tension était donc à son comble entre les camps opposés, lorsque la présidence annonce une conférence de presse du chef de l’Etat. Que voulait nous dire Béji Caïd Essebsi ? Est-ce qu’il annoncerait ouvertement son refus de cette composition gouvernementale, entrainant le pays dans un nouveau blocage ?

 

Aujourd’hui, on avait en face de nous un président de la République qui se justifie, qui essaie de sauver la face, qui avoue avec amertume qu’il n’a pas été respecté, qu’il n’a pas eu un droit de regard quant au nouveau gouvernement. Un chef de l’Etat en colère qui répète, comme un leitmotiv, qu’il est le seul élu, qu’il représente la volonté du peuple (contrairement à son ancien poulain qu’il a lui-même désigné). Un chef de l’Etat qui rappelle son historique, sa grande expérience, le fait qu’il soit au-dessus de tout et de tous et qu’il n’entre pas dans les petites manœuvres (par opposition au tout jeune chef du gouvernement qui était certes prometteur, mais qui ne l’est plus maintenant qu’il s’est retourné contre son mentor).

Beaucoup de coups-bas dans ce discours, des insinuations à peine voilées quant à la « petitesse » du jeu auquel s’adonne le chef du gouvernement et son clan a contrario de la « grandeur » du rôle du président de la République garant de la constitution. Béji Caïd Essebsi se dit au-dessus de toutes ces considérations, mais s’étale de long en large en explications. Voilà qu’il nous révèle qu’il n’a rien à voir avec la correspondance adressée au bureau du parlement, qu’il a entendu des échos dans ce sens et que finalement ses services sur lesquels il n’a aucun regard ont envoyé une correspondance à l’ARP.

Tout cela est confus. Béji Caïd Essebsi enfonce le chef du gouvernement en assurant que ce dernier lui a joué un mauvais tour, qu’il n’a pas respecté son statut en annonçant le remaniement sans lui laisser le temps d’examiner la liste. Le chef de l’Etat voulait du temps pour y réfléchir et le chef du gouvernement lui a coupé l’herbe sous les pieds en dévoilant sa nouvelle équipe.

Mais BCE se rend-il compte qu’il est en train de s’enfoncer par la même en prouvant son incapacité à faire face aux ‘combines’ du chef du gouvernement ? Il s’enfonce aussi en proférant des contrevérités. Le président de la République relève que selon l’article 92 de la constitution, il doit être consulté pour toute la composition du gouvernement. Sauf que voilà, l’article 92 dispose que dans ce cas de figure, seuls les portefeuilles de la Défense et des Affaires étrangères entrent dans les prérogatives du chef de l’Etat, tout le reste relève des compétences du chef du gouvernement.

 

Notre président de la République révèle aussi que certains complotent pour le destituer en voulant le pousser à refuser le remaniement. Un complot qu’il dit avoir démasqué : « Je sais qu’on veut me mettre sur le dos une faute grave afin d’activer le fameux article de la constitution (art.88). Moi, je ne m’accroche pas au pouvoir et s’il faut que je parte je partirai. Je mets l’intérêt de la Tunisie avant toute considération ». Une autre manière détournée pour démontrer que, contrairement à lui, le locataire de la Kasbah ne veut en aucun cas lâcher le pouvoir aidé en cela par Ennahdha qui « contrôle tout aujourd’hui », selon le chef de l’Etat.

 

Un discours de l’émotion, non-maîtrisé, où l’on voit un président en colère tentant de prouver que c’est toujours lui qui commande, mais qui ne convainc pas réellement. D’ailleurs, Béji Caïd Essebsi est acculé à accepter, malgré son refus, le remaniement ministériel. Tout en fustigeant l’inélégance des agissements de Chahed, il invoque le sens des responsabilités et du patriotisme en renvoyant la balle à l’ARP. Au bureau du parlement, on s’étripe depuis quelques jours sur la question de la constitutionnalité du remaniement, en l’absence, on ne le rappellera jamais assez, de la Cour constitutionnelle. A un an des échéances de 2019, rien ne va plus entre les deux têtes de l’exécutif. Le climat politique s’en trouve plus qu’orageux et la guerre ouverte ne fera que s’intensifier. Mais pour le moment, on n’a pas encore atteint un point de non-retour, comme le dit Béji Caïd Essebsi, pour le moment seulement..

 

Ikhlas Latif

08/11/2018 | 17:00
5 min
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Commentaires (15)

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sami
| 09-11-2018 18:01
Quand on se tire 1 balle ds chaque pied, qu'on louche obstinément vers son ego, qu'on se bouche les oreilles et qu'on porte fièrement haut ses 90 printemps au-dessus de toutes les têtes, à quoi doit-on s'attendre ? Le jeu "sans moi c'est l'Apocalypse et avec moi l'Eden" ne prend plus !
Alors Y .C. a joué 1 carte. Il sait qu'il joue gros, mais il n'est pas né de la dernière pluie. Il est bien conseillé. Et c'est tant mieux. Il prépare la présidentielle ? Et pourquoi pas ? Au moins 1 figure montante,cohérente avec elle-même et transparente ! Et qui est en train de faire ses preuves. Et surtout qu'il bénéficie d'1 préjugé favorable à l'étranger et d'1 appui de nombre de partis à l'intérieur, dont le poids lourd Ennahdha.
On aura beau hurler au loup ds la bergerie, seuls comptent les chiffres et les résultats. S'ils commencent à frissonner vers 1 légère remontée, il s'imposera comme candidat incontournable, et bien mérité.
Le verbiage, la démagogie, les idéologies grandiloquentes ou dogmatiques appartiennent à une autre époque ou tiennent des régimes totalitaires ou féodaux de notre désastreux et désespérant monde arabo-musulman.
Regardons les choses sereinement, puis pensons à ce malheureux pays tiraillé de tous les côtés par des ambitions stériles et morbides. Et essayons alors de porter des jugements moins nombrilaires pour le bien de tous.
Pourvu que le système démocratique soit sauvegardé ! que les institutions soient protégés ! que la liberté d'expression et de pensée ne soit pas violée par 1 quelconque charlatan ! que la justice, juste et vraie, passe et s'impose à tous ! et soit faite contre tout transgresseur de la loi.

Maher
| 09-11-2018 14:25
BCE s'est montré -qui le moins que l'on puisse dire- déstabilisé, vulnérable, pour ne pas dire plus.....
Aussi, nous avons eu droit hier à un BCE mauvais joueur et mauvais perdant avec une propension non négligeable à la perversion et aux coup bas......pour un homme qui s'est toujours déclaré pour l'etat et le respect des institutions........il s'est montré très petit contrairement à ce qu'il a essayé de nous faire croire hier.
A l'image des autres dirigeants arabes, BCE rate une belle sortie par la grande porte et cherche par tous les moyens une sortie humiliante, ils ne s'en rend pas compte mais c'est ce qu'il n'a cessé de faire depuis le conflit Chahed / Hafedh et sa prise de position en faveur de son fils politiquement illitré.... ,
BCE revenu sur la scène suite à la chute d'un régime "familyal" n'aura rien compris de l'épreuve de la famille de ZABA et des trabelsi......pour quelqu'un qui a cotyé le grand Bourguiba pendant 30 ans presque, nous pouvons parler sans risque de nous tromper d'un verre sans fond.....

BORHAN
| 09-11-2018 09:46
Cacophonies,...maladresses,... à répétition d'un président, malade (!) et trop âgé, qui ne sait plus à quel saint se fier.
Il est temps de stopper ce kara-kouz qui fait très mal à notre pays.
Si j'étais président, je prendrais l'initiative, avec courage, de réviser la constitution en ayant comme objectif la suppression pure et simple du poste de président de la république.
Notre pays n'a plus ni le temps ni les moyens (surtout financiers) pour continuer à enfoncer aveuglement un peuple complètement ruiné et perdu.
Mais quand est-ce que allons-nous décider la fin de la récréation?

Momo
| 09-11-2018 08:27
Une leçon à Chahed et sa bande. A force de côtoyer leur frèrots Nahdhaouis, ils ont perdu toute notion de savoir vivre: Qui se ressemblent s'assemblent. Ils se disent baldyas... Ils ressemblent plus à des bourgeois gentilshommes.

DHEJ
| 08-11-2018 21:27
µµDans l'article 92 la ligne 12, il est écrit clairement ceci:

Le Chef du Gouvernement informe le Président de la République des décisions prises dans le cadre
de ses compétences pré-citées.

Alors l'informer comment?!

Un peut de diplomatie et non par téléphone!!!

Bostagi
| 08-11-2018 21:16
J'aurais bien aimé que BCE termine son discours avec cette belle parole.

Ahmed
| 08-11-2018 20:47
Tandis que Chahed s'avère être un arriviste, impoli et megalo.

Ennahdha clive le peuple et les partis politiques naïfs .

Sémir
| 08-11-2018 19:34
J'en ai marre du manque de respect du Premier à Ministre envers la Présidence de la république.

La Tunisie a besoin de STABILIT'? POLITIQUE et pas d'un cowboy face aux périls qui menacent le pays.

S'il n'y avait pas la clairvoyance et la sagesse du Président Caïd Essebsi, la Tunisie serait déjà hors course.

C'est pourquoi je soutiens à 1000% la Présidence et merde le jeunisme.

mansour
| 08-11-2018 19:31
et qui ruine la fonction de chef du gouvernement nommé par le président Si Béji

Hatem jemaa
| 08-11-2018 19:06
Dommage