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Chroniques
Avec ou sans les Emiratis, le ciel ne nous tombera pas sur la tête
25/12/2017 | 14:57
7 min

 

Hommes politiques, médias et réseaux sociaux se sont bien enflammés ce week-end suite à la décision d’interdire aux ressortissantes tunisiennes de se rendre aux Emirats arabes unis (UAE), même en transit. Cette décision émiratie, toujours pas expliquée, n’a été communiquée que par les compagnies aériennes des UAE. Aucune source officielle de cet Etat pétrolier et gazier ne l’a annoncé ou justifié, ni publiquement, ni aux autorités tunisiennes. Un peu partout, sur la toile tunisienne, on considère que c’est un véritable affront, et c’en est un indéniablement. Comment peut-on accepter en 2017 une mesure aussi discriminatoire à l’encontre de la femme tunisienne dont l’émancipation est bien antérieure à la naissance même des UAE créés, rappelons-le, en 1971 ?

 

C’était vendredi dernier, à l’aéroport Tunis-Carthage que la nouvelle a été annoncée. Les passagers du vol quotidien d’Emirates Tunis-Dubaï s’apprêtaient à l’enregistrement lorsqu’on leur a annoncé l’interdiction. Toutes les femmes, à l’exception des diplomates et des résidentes, ont ainsi été empêchées d’embarquer. Les autorités ont pu réagir rapidement, l’ambassadeur a été convoqué aussitôt au ministère des Affaires étrangères et la situation a pu être débloquée le jour même. D’après le MAE tunisien, le diplomate a affirmé que la décision était ponctuelle, liée à des mesures sécuritaires. Samedi, les vols Tunis-Dubaï se sont déroulés normalement et on n’a enregistré qu’un malheureux incident (survenu à Beyrouth) pour une Tunisienne devant partir à Pékin et transitant par Dubaï.

Dimanche, rebelote, Emirates a de nouveau interdit le vol des passagères tunisiennes. Pourtant quelques heures plus tôt, le ministre émirati des Affaires étrangères Anwar Gargash s’est fendu d’un tweet pour calmer les esprits suite à la polémique née après l’incident du vendredi. La forme et le contenu du message (dénué d’excuses) étaient bien insuffisants par rapport à l’affront, mais il se trouve que même ce pauvre petit tweet était hors propos puisque l’interdiction, théoriquement levée vendredi, a été rétablie dimanche après-midi. Et toujours sans explication.

C’en était trop, la toile s’est alors bien enflammée mettant la pression sur les autorités pour qu’elles réagissent. C’est une question de dignité nationale.

 

A partir de là, l’affaire prend une autre tournure, se politise totalement et devient une affaire tuniso-tunisienne. Vont s’affronter les partis catalogués pro-Emirats et ceux catalogués pro-Qatar.

L’occasion était trop belle et il serait bête de ne pas se jeter dessus, comme un gamin se jetterait sur un bonbon tombé par terre. Moncef Marzouki fut l’un des premiers à publier un post FB et ce dès samedi alors que l’incident était supposé clos, en affirmant que « le minimum est de convoquer l’ambassadeur et de rendre les deux voitures ». Sous-entendu, les deux voitures blindées offertes par les Emirats arabes unis en 2014 à la Tunisie pour les mettre à la disposition du candidat à la présidentielle Béji Caïd Essebsi, actuel chef de l’Etat. Moncef Marzouki donne le la, son armée de laudateurs fait le reste pour mettre la pression tout au long du week-end. On s’attaque donc au pouvoir actuel, supposé être proche des UAE et à certains partis politiques, notamment Al Machrouû de Mohsen Marzouk. Lundi matin, l’ancien président revient à la charge, relayé systématiquement par ses « mercenaires » sur le net, pour se rappeler des attaques dont il faisait l’objet du temps où il était président, lorsqu’il critiquait les UAE en les accusant d’être un danger pour notre révolution, nos intérêts et notre dignité. « Je me rappelle ce qu’ils disaient sur le Qatar, alors qu’ils se bousculent pour y aller maintenant. L’important n’est pas que j’aie raison, mais qu’ils retiennent la leçon ».

On ne compte plus le nombre de publications accusant les Tunisiens supposés proches ou sympathisants des Emiratis de soumission et de traitrise. De la surenchère patriotique à tous les coins et de l’empathie pour la femme tunisienne et sa dignité y compris chez les pires machos et ceux qui considéraient la femme comme étant « complémentaire » de l’homme ou ceux qui la catégorisaient en « sefira », « mounakaba » etc.

 

Par quelle magie a-t-on importé en Tunisie le problème émirato-qatari ? Certains politiques, et à leur tête Moncef Marzouki, ne ratent aucune occasion pour diviser davantage les Tunisiens et marquer des points, même si l’instant impose l’unité face à un tel affront. De la surenchère mesquine qui surfe sur des blessures anciennes, non encore guéries, du temps où il était insulté pour son soutien indéfectible au Qatar alors qu’il était à la tête de l’Etat.

Faut-il rappeler à Moncef Marzouki qu’il avait carrément menacé les Tunisiens de poursuites s’ils continuaient à attaquer le Qatar ? Voici la vidéo pour ceux qui l’ont oubliée ! A-t-il oublié qu’il a été lui-même offensé (et nous avec) par l’ancien émir du Qatar qui lui apprenait à poser, sans qu’il ne réagisse de quelque manière que ce soit pour préserver sa propre dignité (et la nôtre) ? Voici la vidéo pour ceux qui l’ont oubliée.

 

Les autorités tunisiennes de l’actuel pouvoir ont beau être cataloguées proches des Emiratis (CQFD), elles ont réagi comme se devait de réagir tout Etat qui se respecte. Un Etat n’a pas à répliquer d’une manière impulsive en renvoyant un ambassadeur ou en coupant des relations diplomatiques, comme l’a fait Marzouki de son temps en renvoyant un ambassadeur syrien qui n’existait même pas ! Elles ont interdit l’accès des compagnies émiraties sur notre sol jusqu’à ce que ces dernières se conforment à la législation internationale. La diplomatie tunisienne est en train de faire le nécessaire et il faut lui laisser le minimum de temps pour envisager la suite à donner en fonction de l’évolution de la situation.

Quant aux politiques supposés êtres proches des UAE, ils ont eu la réaction idoine pour affirmer qu’ils n’ont pas de leçon de patriotisme à recevoir. Le premier parti accusé en la matière est Al Machroû et c’est par la voix de son député Sahbi Ben Fredj que la réponse est venue. Non seulement, il épingle sévèrement les « amis » émiratis, mais il pointe aussi du doigt le zèle patriotique observé ces dernières heures chez ceux qui ont toujours fait profil bas devant les Qataris. Il les a superbement défiés d’avoir publié quoi que ce soit contre le Qatar quand l’affront à l’encontre des Tunisiens venait de ce dernier.

 

Par quelle magie a-t-on donc importé le problème émirato-qatari ? L’affaire de l’interdiction ne mérite pas qu’on prenne de la hauteur et de réagir en sa qualité de Tunisien plutôt qu’en valet du Qatar et d’Al Jazeera ?

L’Etat a imposé une excellente décision «no woman, no fly ». Tu imposes des restrictions à mes ressortissants, je t’interdis carrément l’exercice de ton activité. Les choses ne s’arrêteront certainement pas là et il y aura une suite.

 

Indépendamment des relations émirato-qataries, qui ne nous regardent pas, et indépendamment de nos relations avec les Emirats et avec le Qatar, la Tunisie n’a besoin ni de l’un, ni de l’autre et n’a pas à se positionner avec l’un contre l’autre. La question de souveraineté et de dignité nationales doivent rester au dessus et notre réaction doit rester proportionnelle à l’affront, quel que soit le pays qui le commet.

La société civile doit continuer la pression sur nos gouvernants pour qu’ils réagissent (ce qu’ils ont commencé à faire) sans pour autant tomber dans le piège des réactions disproportionnées. Renvoyer un ambassadeur dans l’état actuel de la situation (et je dis bien l’état actuel) est un non-sens, puisqu’on parle de relations entre deux Etats dont l’actif est nettement supérieur au passif. Les Emirats ont beau agir politiquement comme un Etat bananier qui fonctionne selon l’humeur de ses chefs, la Tunisie n’a pas à faire pareil. Une réaction sensée, mesurée, proportionnelle à l’affront et digne d’un pays démocratique est le moins que l’on puisse attendre de l’actuel pouvoir. A nous de leur donner une leçon de civisme et de bon sens politique. Si on se considère supérieurs aux Emiratis, on se doit de l’être dans nos actes. Céder aux sirènes guerrières de ceux qui sont déjà montés sur leurs grands chevaux est dangereux. Que ceux qui veulent mener une guerre par procuration qatarie se rassoient, ils ne profiteront pas de l’incident réel avec les Emirats pour engager la Tunisie dans une bataille qui ne la regarde pas et obtiennent ensuite les dividendes de leur mercenariat.

 

25/12/2017 | 14:57
7 min
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Commentaires (35)

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Canalou
| 02-01-2018 09:33
Entre le terroriste quatar et les imarats arabes progressistes ,le choix des tunisiens qui ont vote pour le parti progressiste nidaa est clair .pas de terroristes racistes et sauvages dans la republique tunisienne independante .

KENZA
| 30-12-2017 08:30
Une bonne analyse de la part de Mr Nizar. Bien dit: le ciel ne nous tombera pas sur la tête

watani
| 29-12-2017 23:16
La diplomatie tunisienne est une science, on aurait pu résoudre le problème calmement, pas d'affolement et ne cédant pas à la politique sale, la politique des ignorants

antireligions
| 29-12-2017 21:48
Nizar Bahloul mais bien sur que le ciel ne tombera sur la tête de quiconque ni de quoi que se soit parce que c'est ni plus ni moins qu'une image qui date depuis Mathusalem et qui n'est jamais arrivé et qui n'arrivera jamais mais ce qui est réel et arrive actuellement aux tunisiens et notamment les tunisiennes ce sont des crachats en pleine figure et il n y a pas que les émiratis qui s'amusent à mépriser les tunisiens et les tunisiennes il ne faut pas oublier les qataris et surtout en première ligne les honorables saoudiens à qui les tunisiens et les tunisiennes leur doivent la religion quelle belle affaire .... tunisiens et tunisiennes faites des sionistes vos amis collaborez avec les sionistes faites affaires avec les sionistes faites des échanges de tout genre avec les sionistes et vous seriez largement gagnant et vous ne le regretterez jamais

Canalou
| 26-12-2017 22:10
Le probleme de l identite a ete souleve par les khouanjias depuis les annees 70 .cet acharnement est lie a la mentalite colonialiste souvent confondue avec la religion musulmane .le doustor de la tunisie independante
De la diversite ne doit mentionner ni langue ni religion Comme le doustour americain ..malheureusement on n arrive pas a corriger cette injustice.j,espere que les analyses genetisues vont se repandre et corriger cette desinformation .

Forza
| 26-12-2017 18:36
C'est une honte pour ces partis d'accepter une ingérence étrangère dans les affaires du pays.
https://www.babnet.net/festivaldetail-153135.asp

Forza
| 26-12-2017 17:53
Depuis des années qu'ils sèment la division au sein de la Tunisie en finançant partis et medias et l'effet de ce financement on le voit bien. Certains medias qui étaient les farouches défenseurs de la femme et qui ne ratent aucune petite ou grande occasion pour monter l'opinion contre des tunisiens de l'autre camp ou des pays comme la Turquie et le Qatar ont fait profil bas. Des politiciens proches des émirats tel Marozuk ont défendu les émiratis, Marzouk dit que c'est la faute du ministère des affaires étrangères qui n'a pas anticipé (bizarre). Aujourd'hui même il persiste et signe, il dit les deux autorités n'ont pas su maitriser l'affaire donc faire tout le monde responsable du scandale malgré qu'il est clair qui a insulté et qui a déclenché le problème, logique pour lui qui ne peut pas lever ses yeux en face des al nahyans donc il cherche a les défendre an accusant la Tunisie. Abir Moussi elle n'a pris de position que très tard. APr contre brave a Massar qui était l'un des premiers partis a se positionner du coté de la femme tunisienne, avant même Harak et Attayar(vous pouvez faire un check de la chronique des réactions des partis).
Sinon sur le plan économique, oui nous n'avons pas besoin des émirats. Ils n'ont jamais aidé la Tunisie ni aujourd'hui et ni sous le règne de Bourguiba et Ben Ali. Les crédits que nous avons reçu de la région du golfe sont pour la plupart du Koweït et depuis les derrières années le Qatar. A part leur investissement de Tunisie Telecom. Leur présence en Tunisie est pratiquement négligeable. Leurs entreprises Sama et Boukhater ont reçu des avantages substantiels mais ils n'ont rien réalisé. Ils veulent vendre avant de commencer la construction et apporter la main d''uvres des philippines et , Bengladesh et ainsi de suite, des projets de pur tsamsir qui n'ont aucune valeur ajoutée pour le pays et qu'on peut monter par nous-mêmes, pas besoin de samsaras d'ailleurs.
Maintennat concernant leurs compagnie aérienne, il y'a des solutions alternatives, vous pouvez prendre AirFrance, Lufthansa, Turkish Airlines et Qatariya pour se rendre en Asie. Air Algérie offre aussi une liaison Alger-Pékin donc les alternatives existent.
Notez svp que Guiguiesh est un secrétaire d'était et non pas le ministre des affaires étrangères émirati. Ce dernier est Abdallah Ben Zayed, le frère de Mohammed Ben Zayed le vrai émir ou Soltan ou Cheick ou ce que vous voulez l'appelez de la machyakha.

Zamharir
| 26-12-2017 12:02
J'aimerais savoir ce que pense de cette affaire Mezri Haddad, homme de Emirats et de Dahlan, le Palestinien le plus proche des sionistes par les temps qui courent, lui qui a fait de son nationalisme tunisien chatouilleux une bannière contre les auteurs de la révolution anti Ben Ali. Ou sont les hommes ?, clame la célèbre chanson.

Papy
| 26-12-2017 07:10
Le ciel ne nous tombera pas sur la tete ? Plus grave encore et de loin c'est que LA CHARIAA EST ENTRAIN DE NOUS TOMBER SUR LA TETE . Ya Nizar tu n' auras plus ta liberte' d' ecrire ni meme de respirer .

Un Tunisien qui sourit
| 26-12-2017 06:56
Il est vrai qu'à premier abord l'interdection m'a parue humiliante surtout quand le doute planait sur le caractère supposé lié à la prostitution de cette affaire, cependant et après un peu de recul je ne pense pas aux idées comme quoi cette affaire est une "punition à BCE" pour avoir trahi les émiratis en ne pas complètement écarter Ennahda du pouvoir.

L'incident n'était clairement pas préparé vu que Emirates, les ambassadeurs et personne n'avait une explication. Il l'aurait était, les EAU auraient probablement préparé le "terrain" pour bien passer le message.

De plus, si l'affaire était une sorte de "punition programmée" pourquoi alors choisir de n'interdire que les femmes tout en sachant qu'une telle décision serait médiatisée au delà de la Tunisie et nuirait aussi à l'image des EAU qui surveillent si bien leur image de pays tolérant et ouvert aux occidentaux.

À mon avis, la décision est purement sécuritaire à la suite d'informations que les EAU auraient eu qu'une Tunisienne s'appraitait à commetre un attentat sur un vol des EAU. Pris de panique et afin de protéger l'image de leurs compagnies la décision a été prise à la hate le vendredi (jour férié aux EAU). D'ailleurs ceci explique, toujours à mon humble avis, le pourquoi de l'interdiction même pour les escales: un attentat sur un vol Emirates ou Ettihad même en dehors des EAU serait associé aux EAU dans tous les cas.

De plus le Ministre des affaires étrangères des EAU a tout de même et à sa facon cherché à calmer le jeu. L"'incident" avait aussi été contenu le Samedi avec la reprise de l'embarquement des femmes. Ils ne l'auraient pas fait si la décision était purement politique"

Bref, je ne cherche en aucun cas à défendre cette décision des EAU et je pense qu'il faudra peser notre réaction proportionnellement à nos capacités et intérêts. Certes notre histoire est bien plus ancienne et plus riche que celle des EAU mais ce pays a tout de même donné une lecon à tous les autres producteurs d'hydrocarbures pour son développement vertigineux en à peine 2 décennies permettant aux ressortissants de ce pays de pouvoir voyager dans 138 pays sans visa (un record difficile à atteindre pour des ressortissants de pays ayant bien plus d'hydrocarbures que les EAU).