Aux grands hommes la patrie reconnaissante !
Par Marouen Achouri
En cette journée de l’amour, il nous faut rendre hommage à nos femmes, nos filles, nos sœurs et surtout, à notre pays. Ces derniers jours ont vu le décès de deux grands patriotes, de ceux qui se sont battus pour ce pays et qui ont travaillé toute leur vie pour la Tunisie : le Professeur Brahim El Gharbi et la grande Fethia Mzali.
Le Professeur Brahim El Gharbi s’est attiré, pendant de longues années, le respect et la déférence de la médecine tunisienne. Il en était l’un des pionniers en ce qui concerne la pneumologie et la lutte contre la tuberculose. Il a également été l’un des grands formateurs des générations qui l’ont suivi et on lui doit, en grande partie, d''avoir fortement réduit l''incidence de la tuberculose en Tunisie. Pour en revenir au patriotisme et à l’amour du travail, le Professeur Brahim El Gharbi avait révélé dans un entretien à Santé-tn qu’il avait eu l’intention de se suicider. C’était le jour où on lui a signifié qu’il devait partir à la retraite. Il a confié qu’il avait pris sa voiture et qu’il s’était dirigé vers le pont de Kheireddine en ayant l’intention de se jeter dans le canal. Pourquoi ? Parce que ce grand Homme estimait que sa vie n’avait plus de sens sans l’exercice de la médecine. Voilà la trempe de ce professeur de médecine, voilà comment le patriotisme et l’amour du pays peuvent se manifester. Cet homme est en lui-même une leçon à nous tous pour son engagement et pour tout ce qu’il a fait pour ce pays.
Une autre grande dame de ce pays est décédée cette semaine. Il s’agit de Fethia Mzali, veuve de l’ancien Premier ministre, Mohamed Mzali. Elle a été cofondatrice de l’union nationale des femmes de Tunisie en 1956 et de l’association tunisienne du planning familial en 1968. Elle est ensuite nommée ministre en 1983, déjà ! Elle faisait partie des femmes qui ont ouvert le chemin aux autres et fait la fierté de son pays. Elle a été également le roc sur lequel pouvait s’appuyer son défunt mari avec tous les soubresauts auxquels il a dû faire face.
Ces deux icônes de la Tunisie font partie d’un club fermé et très envié, celui des bâtisseurs de la patrie. Un club dont les membres se nomment Hédi Nouira ou Béhi Ladgham. Il s’agit malheureusement aussi d’un club ignoré car même de leur vivant, ces personnes n’ont pas été valorisées comme il se doit. Nous avons en Tunisie cette habitude déplacée d’avoir peur des symboles et d’ignorer les meilleurs d’entre nous. Non seulement nous ne les traitons pas comme il le faudrait de leur vivant, mais on ignore leur mémoire ensuite. Les plus jeunes d’entre nous ne connaissent les bâtisseurs du pays que par les noms de quelques rues et avenues. Pourquoi s’acharne-t-on à délaisser cette mémoire à l’heure où l’on a le plus besoin d’exemples, de symboles et de héros ?
L’une de nos plus grandes faiblesses, en tant que peuple, est que nous ne connaissons pas notre histoire, ni l’ancienne ni la contemporaine. Il est facile de comprendre que l’enseignement systématisé d’une partie de notre Histoire contemporaine ait pu être une source d’inquiétude pour l’ancien régime. Mais aujourd’hui, plus aucune excuse ne pourrait être reçue pour justifier ce crime qu’est la formation de générations ignorantes de leur propre Histoire. Il est inadmissible que les adolescents tunisiens ne sachent pas qui est Tahar Sfar ou Mongi Slim. Il faut que l’enseignement de notre Histoire soit systématique et valorisé, afin d’éviter d’avoir des jeunes qui ne savent pas d’où ils viennent.
La question que nous devons tous nous poser est : « Qu’est ce qu’un « honnête homme » du XXIème siècle ne doit pas ignorer de la longue histoire de la Tunisie ? », voilà la phrase d’introduction de l’excellent livre « Histoire de la Tunisie », écrit par le défunt Habib Boulares, un autre bâtisseur, un autre membre du club.