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Au Bardo, entre « mécréants » et « idiots » (mise à jour avec vidéo)
04/12/2011 | 1
min
Au Bardo, entre « mécréants » et « idiots » (mise à jour avec vidéo)
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Samedi 3 décembre 2011, 15h30, place centrale du Bardo, banlieue de Tunis, en face du palais où siège l’Assemblée constituante.
A ma droite, en direction de Tunis côté place centrale et station de métro, quelque 400-500 personnes, portant des drapeaux noirs ou rouge sur lesquels sont inscrits un texte religieux identique à celui que l’on voit sur le drapeau saoudien. Essentiellement des hommes et une vingtaine, tout au plus, de femmes voilées. Derrière eux, accrochée sur l’arbre, une affiche géante sur laquelle est inscrit « la jeunesse d’El Hamma soutient l’Assemblée constituante ».

A ma gauche, côté assemblée, quelque 300-400 personnes portant le drapeau tunisien.
A la droite, on crie des slogans divers et on hurle, surtout, des slogans identiques à ceux que l’on entend dans les stades lors des grands derbys.
A la gauche, on regarde éberlué. Un « dégage » s’entend. A la droite et à la gauche, on commence à crier « dégage ».
On s’arrête soudain et on commence, à gauche, à entonner l’hymne national.
La droite réplique en entonnant « le peuple veut appliquer la loi d’Allah ».
Au milieu, les voitures passent difficilement entre la bonne cinquantaine d’agents de l’ordre en noir, mais elles passent quand même.

Une silhouette, toute en noir vêtue de haut en bas, passe en portant une pancarte dirigée vers les « gens de gauche ». Par son allure et sa façon de marcher et de tenir la pancarte, la silhouette rappelle les pin-up des rings de boxe entre deux rounds. Sur la pancarte, on lit « c’est ma liberté de porter le niqab ». Ceux de droite applaudissent. L’un d’eux fait un bras d’honneur. A ses côtés, on recommence, de nouveau, à hurler des chansons de stade des grands rendez-vous de foot. Une motocyclette passe, deux jeunes à bord et l’un d’eux porte une pancarte, tournée vers la gauche, sur laquelle est inscrit « ceux de 0,0000% loool ».
A la gauche, on s’est calmé et quelques cercles parlotent. Des barbus discutent, poliment et en tout civisme, avec différentes personnes de la gauche. On essaie de débattre des sujets brûlants de l’heure : ni chômage, ni sécurité, ni économie, mais niqab. L’un de ces barbus écoute le discours d’une dame, la cinquantaine, qui lui dit qu’on ne tolère ni mini-jupes, ni shorts, ni niqab à la faculté. Il n’y a pas de liberté absolue. A chaque contexte son vêtement. On n’entre pas cheveux en l’air à la mosquée, on n’entre pas visage couvert en salle de cours.
A la droite, on continue toujours à hurler les slogans des stades et à provoquer ceux de gauche, y compris en usant de gestes déplacés et impolis. Et ceux qui hurlent ces slogans ne sont ni barbus, ni religieux et encore moins, en apparence, des militants d’un quelconque parti islamiste. Qui sont-ils et d'où viennent-ils ?

L’ambiance aurait pu rappeler la Kasbah de février dernier où les protestataires étaient unis et parlaient tous d’une seule voix.
Mais là, au Bardo, on est à des années lumières de la Kasbah.
Ceux qui protestent croient, naïvement, qu’on est en démocratie et que l’on peut manifester tranquillement son opposition sans être provoqué par des hordes de jeunes de stades ramenés en bus d’on ne sait où.
Des jeunes qu’on pourrait trouver, demain, à gauche en train de crier les mêmes slogans. Il suffit de les payer.
Hier, Ben Ali envoyait des policiers tabasser les manifestants.
Aujourd’hui, aux manifestants, on envoie des jeunes les provoquer. La police, elle, joue aux séparateurs.
Les Tunisiens sont séparés en deux et se regardent avec défiance. Les uns sont accusés d’être mécréants, les autres sont accusés d’être des idiots à la solde du régime. Les Tunisiens sont divisés et la scène est bien triste.

De tout ce « beau » monde (et moins beau), un jeune homme, même pas la trentaine, se distingue. Dans ses bras, quelques drapeaux et il les vend à cinq dinars l’unité. Pendant que les uns crient, lui il fait son business.
A quelques dizaines de mètres de là, une Mercedes noire flambant neuve quitte le palais du Bardo, loin des manifestants, en direction du Nord de la capitale. A son bord, un chauffeur transportant un passager à l’avant : Mustapha Ben Jaâfar.
Raouf Ben Hédi



Copyright vidéo : M.Bassalah
04/12/2011 | 1
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