A la morosité des Nabil Karoui, le sourire des Youssef Msakni
Il y a largement de quoi déprimer quand on voit par exemple les derniers résultats du sondage Sigma. La perspective d’être un jour gouverné par le promoteur d’une œuvre de pseudo-charité avec comme alliés potentiels des islamistes incompétents et malhonnêtes et des réactionnaires arrivistes de l’ancien RCD, a de quoi plomber le plus solide des optimistes.
Il y a aussi la situation économique difficile de la Tunisie. On se réjouit de certaines réalisations mais il n’en reste pas moins que l’on emprunte de l’argent pour payer les échéances de nos précédents crédits. N’importe quel bon père de famille sait qu’il s’agit là d’un cercle vicieux extrêmement important.
Il y a également les élus du pouvoir, insensibles à tout cela, mais qui suivent avec attention la décision de l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi. Celle-ci a décidé que les amendements apportés à la loi électorale étaient parfaitement constitutionnels, ce qui a suffi aux élus pour bomber le torse et dire que ce qu’ils ont voté est conforme à la grande et magnifique constitution tunisienne. Sauf que cette même constitution prévoit aussi l’instauration de la Cour constitutionnelle, ce qu’ils n’ont pas fait encore. Instaurer les autres instances constitutionnelles, ce qu’ils n’ont pas fait non plus. Mais faisons leur confiance, ils connaissent notre intérêt mieux que nous.
Il y ces « Adel Dridi » de la politique, qui montent des pyramides de Ponzi politiques. Des organisations où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Les associations du type 3ich Tounsi et Khalil Tounes sont des contrebandiers de la politique qui achètent des voix. Avec énormément de marketing et beaucoup de bruit, mais ils achètent des voix quand même. Nous ne voulons pas gouverner, nous voulons juste aider le pays par notre patriotisme. Nous ne voulons pas les postes, mais avouez quand même que les gouvernants actuels sont nuls. Nous ne voulons pas de vos votes, nous voulons juste vous donner la parole, de l’argent, des pâtes…
Résultat des courses, nous sommes un peuple qui a besoin d’être heureux quelques fois. Nous avons besoin d’avoir un tout petit brin de soleil dans cette grisaille ambiante. Et c’est pour cela que nous vivons avec tant de ferveur le parcours de l’équipe nationale de football en coupe d’Afrique.
Les bobos qui ne comprennent pas comment on peut accorder autant d’importance à « des millionnaires qui courent derrière un ballon » ne peuvent pas non plus comprendre à quel point le football est une institution fédératrice. D’ailleurs ce sont les mêmes qui ne comprennent pas le succès de Nabil Karoui, la circulation au centre-ville et bien d’autres choses qui font la vie quotidienne du Tunisien moyen.
Si un tel engouement entoure notre équipe nationale de football c’est parce que nous avons besoin de ces moments où la Tunisie gagne, où la Tunisie s’en sort. Nous avons tellement besoin de ressentir de la fierté, d’être vraiment Tunisiens. Il y a une telle soif pour ce genre de moments que l’on se surprend, à chaque fois, en voyant que nous connaissons tous notre hymne national par cœur quand la Tunisie joue. La liesse populaire consécutive à la victoire de la Tunisie montre à quel point nous aimons notre pays.
Deux institutions dans ce pays sont capables de nous faire ressentir ce type d’émotion, l’Armée nationale et plus largement nos forces sécuritaires quand elles se dressent en rempart contre les terroristes. Quand ceux-là sont chassés, traqués et neutralisés au nom de la bannière nationale. La deuxième est le football et notre équipe nationale quand celle-ci gagne, quand nos joueurs mettent leurs tripes sur le terrain et quand toute la Tunisie crie « il y est ! » comme un seul homme. Nous avons tous une histoire avec cette équipe et c’est une institution non moins importante que toutes les autres.
La Tunisie jouera demain un match important à 20h devant Madagascar pour espérer se qualifier en demi-finale de la coupe d’Afrique. Toute la Tunisie va s’arrêter pour regarder le match. Là où la politique de Nabil Karoui and co laisse un sentiment de morosité et de déprime, le foot de Ferjani Sassi et de Youssef Msakni redonnera (on l’espère) le sourire aux Tunisiens. Vive la Tunisie !