Par Marouen Achouri
Dans une démocratie en construction comme celle de la Tunisie, les institutions jouent un rôle crucial. Leur construction dépend largement de leur crédibilité et de leur capacité à se maintenir aussi éloignées que possible des tiraillements politiques.
Aujourd’hui, certaines institutions tunisiennes sont récupérées et employées pour servir certaines besognes politiciennes. A titre d’exemple, la présidence de la République sous l’égide de Béji Caïd Essebsi mobilise certains de ses moyens et de ses prérogatives, à l’instar du conseil de sécurité nationale, pour porter atteinte à Ennahdha et donc au principal soutien de Youssef Chahed.
D’autres décrédibilisent l’institution qu’ils sont censés protéger et représenter. Le meilleur exemple est celui de l’Assemblée des représentants du peuple. Outre le nombre de projets de lois qui trainent encore dans les méandres de l’ARP, il est utile de rappeler que tout l’Etat tunisien est en situation d’illégalité du fait de la non-existence de la Cour constitutionnelle. Il s’agit de la seule instance dont l’instauration est fixée par un délai dans la constitution. A ce jour, elle n’existe pas et reste l’otage des arrangements politiques. On pourrait aussi évoquer l’Isie qui reste aujourd’hui sans président et avec trois membres qui ne sont pas encore renouvelés. Et puis, il y a le niveau global des députés et de leurs interventions lors des discussions.
Autre symptôme de cette maladie, les actions du gouvernement tunisien dans certains secteurs. Dans celui de l’éducation par exemple où la crise parait s’installer sur la durée tant les deux camps, ministère et syndicat, campent sur leurs positions et utilisent toutes les armes, y compris médiatiques, pour venir à bout de leur adversaire. Le fait que le ministère semble hésitant lors de ses négociations avec le syndicat porte atteinte à l’institution. Que dire alors quand c’est l’union des juges administratifs qui s’indigne des déclarations du ministre et de leur nature fallacieuse. Dans d’autres départements, la situation n’est pas tellement différente. Quand on voit qu’une salle de sports à Kalâa Khasba s’effondre après seulement un mois de sa livraison, il est légitime de se poser des questions sur le respect de l’Etat. Les exemples sont multiples dans tous les secteurs. Pour imposer le respect, l’Etat doit commencer par être respectable.
La forme ultime de manque de respect aux institutions est la récurrence des propos concernant les putschs et les tentatives supposées de renversement du pouvoir. Il est absolument essentiel que l’Etat tunisien, à travers notamment sa justice, tranche définitivement ces accusations et punisse de manière exemplaire les coupables. Qu’ils soient coupables de tentatives réelles de putsch ou qu’ils soient coupables d’accusations mensongères. La Tunisie n’a pas les moyens de se permettre une telle précarité dans le traitement de questions relevant de la sécurité nationale. Le secrétaire général d’un parti largement représenté à l’assemblée ne peut pas « s’amuser » à accuser le chef du gouvernement de tentative de putsch. Il est essentiel que la question soit tranchée rapidement, en faveur de l’un ou de l’autre.
Au vu de cette situation délicate, l’Etat, en tant qu’organisme garant de la pérennité du pays, a du mal à s’imposer et à dicter ses règles. C’est de là que provient ce sentiment général de déliquescence et d’impunité. C’est de ces hésitations, de ce favoritisme, de ce népotisme que le discours anti-Etat, en tant que système d’administration, se nourrit. Les dirigeants actuels du pays doivent se rendre compte que ces agissements fournissent des arguments à ceux qui tentent d’embrigader les jeunes, que ce soit dans les circuits terroristes ou dans les circuits criminels. Rétablir la confiance en l’Etat passe irrémédiablement par le respect. Un respect des institutions qui doit s’imposer aux citoyens, à leurs représentants et à tous ceux qui incarnent l’Etat.
Commentaires (9)
Commenter@A4
Pour mériter le respect...
N'oublions pas que nous sommes un pays qui se prétend démocratique et que nos représentants élus sont issus du peuple.
Et voilà la boucle est bouclée et on ne récolte que ce qu'on a semé (souvent pire mais jamais mieux)
Et puis, il y a le niveau global des députés et de leurs interventions lors des discussions.
Salutations,
Hannibal
De quel Etat parlez-vous?
D'abord fallait-il qu'il y ait un état...
Les élections générales de 2014 avec Béji et Nidaa Tounès vainqueurs dont on espérait monts et merveilles n'ont rien changé au problème, le sentiment d'impunité est resté très fort dans les mentalités que ce soit en politique ou dans le domaine des affaires ou dans l'administration ou même dans les faits divers.
Des exemples : les forfaits divers du parti Nahda depuis 2011, qui depuis la Troîka n'a jamais été inquiété par la justice. Les envois de jihadistes en Syrie, l'enquête est au point mort, Leïla Chattaoui est aux abonnées absente. L'IVD de Sihem Ben Sedrine continue ses fonctions en dépit d'un vote à l'ARP lui sommant d'arrêter ses travaux (une plainte a été déposée par le parti de Abir Moussi à l'encontre de Youssef Chahed à ce sujet). Je ne vous parlerai pas des différentes péripéties du fantasque Slim Riahi qui il peut être soit condamné pour malversations financières soit élevé au grade de secrétaire général de Nidaa Tounès, en fait il peut passer du jour au lendemain du statut "d'escroc" à celui de responsable d'un grand parti politique. (c'est la météo qui nous le dit le matin).
Autre dossier brûlant, où en est-on sur l'affaire de l'armée secrète du parti Nahda et des assassinats politiques sous la Troïka à ce jour? Motus et bouche cousue. On est au point mort, l'état a d'autres chats à fouetter.
Tout cela démontre que l'état n'existe pas, il est moribond, il n'inspire plus le respect, les électeurs sont dégoûtés, ils savent que cet état est infiltré par les islamistes, il serait difficile de les déloger quant au Ministère de la Justice ou celui de l'intérieur rôdent les ombres de Bhiri et Laariadh.
Béji a laissé faire au nom du fameux "Tawafeq" et Youssef Chahed coopère sans vergogne avec le parti de Ghannouchi, donc l'état fort dont nous rêvions tous, n'est pas prêt de se relever.
L'AUBE DU CAUDILLO ?
L'état tique ...
Ecrit par A4 - Tunis, le 30 Septembre 2016
Il fût un temps pas lointain
Dont je me souviens encore
Où l'état était souverain
Où l'état était trop fort
Si fort qu'il se permettait
D'écraser sur son chemin
Les bipèdes qui l'embêtaient
Lors de nuit sans lendemain
Ce temps là est révolu
Dépassé, plus à la mode
Le problème est résolu
L'état a changé de code
C'est l'état mou des mauviettes
On ne le voit presque plus
Il s'incline, fait des courbettes
Aux arnaqueurs et goulus
C'est l'état aux poches vides
Qui n'a plus aucun dinar
Qui se comporte en timide
Face aux bandits et roublards
C'est l'état végétatif
Qui ne sort de sa cachette
Qui a peur, qui est craintif
Qui cède tout au racket
C'est l'état des grands niais
Qui avance à l'aveuglette
Ne sait où mettre les pieds
Et n'a plus rien dans la tête
C'est l'état doux des agneaux
Qui s'asphyxie et suffoque
Qui envoie ses mégalos
Faire la manche aux amerloques
C'est l'état des populistes
Qui caresse l'animal
Fainéant, sale et fumiste
Toujours dans le sens du poil
C'est l'état des défaitistes
Qui se croit faire du social
Regard livide d'utopiste
Qui se noie dans la spirale
C'est l'état, il est ainsi
Conforme à la volonté
De ceux qui nous ont écrit
Une constitution ratée
Ce n'est pas avec une pochette dans la veste qu'on incarne le respect
Institutions, quelle vitalité?
Institutionnalisme est-il lié à l'état social du pays? Un social commun à toutes les institutions du pays: se servir!