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Jabeur Mejri - Ghazi Béji : condamnés pour leurs opinions, oubliés par l'Opinion
23/08/2013 | 1
min
Jabeur Mejri - Ghazi Béji : condamnés pour leurs opinions, oubliés par l'Opinion
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Jabeur Mejri et Ghazi Béji, deux jeunes originaires de la ville de Mahdia qui se trouvent être aujourd’hui le premier prisonnier d’opinion pour l’un et le premier réfugié politique pour délit d’opinion pour l’autre, depuis la révolution du 14 janvier 2011. Une « révolution » qui est censée avoir débarrassé la Tunisie de la dictature.

L’affaire de ces deux Mahdois n’est pas  très connue du grand public car peu médiatisée par la presse et peu défendue par les organismes de la société civile ou des partis politiques. Silence imposé par la crainte de prendre une position nette et franche de peur de bouleverser les tabous d’une société où les pêchés ne sont permis que lorsqu’ils sont faits « sous cape » ou de choquer certaines « âmes sensibles ».

Le 2 mars 2012, Jabeur Mejri a été contacté par Maître Foued Sheikh Zaouali, lui demandant de retirer de son mur Facebook des photos qui « offensent le Prophète et l'Islam ».
Face au refus du jeune Mahdois, Foued Sheikh Zaouali et une des connaissances de l’avocat, qui préfère garder l’anonymat ont déposé plainte contre Jabeur Mejri le 3 mars 2012 pour « avoir insulté le Prophète en images et en écriture, et causant une «Fitna» (discorde) entre les musulmans »
Le 5 mars 2012, soit 48h plus tard, Jabeur Mejri a été arrêté, un ami à lui Ghazi Béji a été également accusé dans cette affaire, pour les mêmes faits, mais a fui la Tunisie et a obtenu le statut de réfugié politique en France.
Le 28 mars 2012, le Tribunal de première instance de Mahdia condamne en premier ressort Jabeur Mejri et, par contumace, Ghazi Béji à 7 ans et demi de prison (5 ans de prison pour avoir « publié et diffusé des écrits susceptibles de troubler l’ordre public », 2 ans de prison pour « offense à autrui via les réseaux publics de communication » et 6 mois de prison pour « outrage aux bonnes mœurs par le geste et la parole ») ainsi qu’à payer une amende de 1,2 million de dinars chacun.
Jabeur Mejri a fait appel mais sa condamnation s’est vue confirmée par deux fois, une première fois le 25 Juin 2012, par la Cour d’Appel de Monastir puis une seconde fois le 25 avril 2013 par la Cour de cassation de Tunis qui a confirmé rendu définitif le jugement de la Cour d’Appel.

Le 4 juillet 2013, une demande de grâce présidentielle a été déposée auprès du ministère de la Justice, par Me Bochra Bel Hadj Hamida. Demande suite à laquelle le comité de soutien et la famille de Jabeur ont été reçus au palais de Carthage successivement par les conseillers du président Aziz Krichen et Khaled Ben M’barek et où des promesses à demi-mots ont été formulées. Mais Jabeur Mejri n’a pas été libéré pour autant.

Au jour d’aujourd’hui, soit un an et demi après la condamnation de Jabeur Mejri et de Ghazi Béji, nous apprenons par le biais d’une conférence de presse donnée par le comité de soutien à Jabeur Mejri ce vendredi 23 août, que la situation des deux jeunes hommes n’a pas changé d’un iota. Au contraire !

Jabeur Mejri est très souvent persécuté, agressé et même menacé de mort en prison à cause des faits pour lesquels il a été condamné. Au point que des ONG étrangères (telles que Amnesty International, Human Rights Watch, Reporters sans frontières ou encore le Groupe d'observation de la Tunisie de l'Échange international de la liberté d'expression - TMG de l'IFEX) qui l’ont toujours soutenu au même titre que son comité de soutien, sont intervenues et ont fait pression pour qu’il soit transféré dans une cellule à part et bien gardée.

Ghazi Béji, qui est censé être à l’abri dans un camp de réfugiés en France, a été victime d’agressions à deux reprises par des fanatiques religieux.
Leurs familles sont, également depuis un an et demi, constamment insultées, persécutées et menacées. Pour l’anecdote, rapportée par le comité de soutien de Jabeur Mejri, «lors d’un procès, les parents du jeune homme ont été menacés par des islamistes les mettant en garde de ne pas charger un avocat pour défendre leurs fils parce que son châtiment sera appliqué par les défenseurs de la religion et selon les préceptes de l’Islam ».

Le comité de soutien de Jabeur Mejri a lancé un message de soutien inconditionnel à la défense des deux jeunes hommes. Il a, également, exprimé sa détermination à poursuivre ce combat pour défendre le droit à la liberté d’expression à travers différentes manifestations qui se succèderont sans répit et auront pour but de, sans cesse, rappeler l’injustice commise à l’encontre de Jabeur Mejri et Ghazi Béji jusqu’à leur libération.

Ces mobilisations consistent en :
-    L’organisation, tous les 13 de chaque mois, d’une manifestation sous l’appellation de « Mouvement du 13 Mars » (le 13 mars étant Journée nationale pour la liberté d'Internet Tunisie)
-    La tenue de festivals de caricatures (le 1er festival aura lieu le 1er octobre prochain)
-    Des expositions de photos de rues
-    Des campagnes de sensibilisation nationales et internationales
-    Ainsi que l’éventualité d’une grève de la faim s’il le faut.

Ainsi après avoir fait une révolution lui permettant de pouvoir aspirer à un avenir meilleur avec une justice plus équitable et un système démocratique, la Tunisie se retrouve à condamner un Jabeur Mejri et un Ghazi Béji pour avoir exprimé leur opinion ! Alors que ce droit, sans même nous référer à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, est stipulé dans l’article 8 de la Constitution tunisienne.
Il est vrai que ce droit s’est toujours trouvé contrecarré par une loi faites sur mesure sous la dictature, mais la Tunisie n’est elle pas censée avoir fait une révolution pour se débarrasser d’un régime abusif, répressif, censeur, totalitaire etc., bref dictatorial ?
Alors comment se fait-il que ce droit des plus élémentaires et des plus légitimes soit-il toujours punissable par les lois d’un pays devenu « démocratique » et de surcroit présidé par un ancien « militant droit-de-l’hommiste » ?


Inès Chaïeb
23/08/2013 | 1
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